Gunter Pauli
07/10/2007
Hier, conférence à Paris de mon ami Gunter Pauli à l’occasion de la sortie en France de son livre « Croissance sans limites » (Editions Quintessence).
Avec une partie de l’humanité qui manque cruellement d’eau, de nourriture, d’abri et de soins médicaux, avec des milliers d’espèces menacées ou qui, déjà, disparaissent, et avec la montée en puissance d’économies émergentes qui pèsent de plus en plus lourdement sur une biosphère fragilisée, nous marchons au bord du gouffre.
Pourtant, jamais le savoir et la puissance rassemblés par notre espèce n’ont été aussi grands et, si vous les interrogez, les gens vous diront massivement qu’ils ne veulent pas de ce monde-là…
Selon Gunter Pauli, il nous faut absolument renouveler la façon dont nous nous représentons la performance économique. Cette représentation nous enferme dans un monde sans avenir. Elle s’oppose à toute innovation fondamentale. Elle nous interdit même de rêver.
Gunter dénonce la « pensée linéaire ». Il le fait à bon droit. Jeune chef d’entreprise, dirigeant d’Ecover, il était très fier d’avoir créé une gamme de produits à base d’ingrédients « bio ». Il avait bonne conscience, ses clients aussi, et il se prenait pour un pionnier. Un jour il découvrit que, pour approvisionner son usine, on ravageait la forêt indonésienne ! Certains auraient trouvé des accommodements avec leur conscience. Lui, il ne l’a pas supporté.
Cette cruelle remise en question l’a amené à la création de ZERI : Zero Emission Research Initiative, une fondation hébergée par l’Université des Nations-Unies à Tokyo et dont il est depuis dix ans le dirigeant et le commis-voyageur infatigable. ZERI est un système de fertilisation croisée : un double réseau de scientifiques et d’entrepreneurs qui a engendré de spectaculaires réalisations en Afrique, aux Fidji, en Suède, en Colombie, au Japon, etc.
Selon Gunter, les processus naturels sont fondamentalement généreux. C’est notre façon de les utiliser qui, aujourd’hui, génère des pénuries artificielles. Par exemple, lorsqu’on a extrait le 0,20% de la biomasse du café qui se retrouvera dans votre tasse, on jette le reste : 99,80% ! Or, de ces 99,80%, en imitant les processus naturels, on peut tirer bien des richesses qui amélioreront l’ordinaire des petits fermiers.
Gunter plaide pour un renouvellement de l’éducation. Nous savons analyser mais nous ne savons pas faire de synthèses. Cela nous amène à cloisonner sans cesse: les disciplines, les activités, les compétences, les intérêts. Cette forme de pensée peut stimuler, à court terme, des performances spécifiques, mais elle tue la performance globale et durable dont nous avons besoin. Elle fabrique des déchets qui n’existent pas. Il est urgent d’apprendre dès le plus jeune âge les modes de pensée systémique.
Interrogé sur les leviers de changement, Gunter répond : les entrepreneurs. Eux savent penser ce qui n’existe pas encore.
6 commentaires
Bonjour,
et merci pour cette présentation générale de la pensée et de l'activité de votre ami Gunter. Elle se rapproche, ce n'est pas étonnant puisqu'il a été à son "école", de celle d'Aurelio Peccei dont l'oeuvre immense est assez peu connue ou reconnue en France. Il a su lier, me semble-t-il, dans une démarche positive et non-naïve les problématiques industrielles, sociales, écologiques, éducatives sans renoncer à l'idée de progrès, à l'idée de démocratie, de solidarité et aussi de profitabilité. Il a donné au Club de Rome une impulsion remarquable dont les retombées ne sont pas à la hauteur de ses pistes de réflexion.
Certes, de nombreux progrès notamment par l'informatique et les moyens de communication ont été réalisés depuis les années 70-80, et s'il en avait déjà l'intuition, on ne pouvait pas imaginer la transformation profonde que cela allait apporter à nos sociétés, cela n'enlève rien à la potentialité et à l'enthousiasme qu'Aurelio Peccei dégage dans ses écrits ou ses activités.
Pour ma part, j'aimerais lire une biographie en français de ce personnage, et si elle n'existe pas, pourquoi ne pas l'écrire moi-même...
Merci de votre éventuelle réponse
Merci de votre chaleureux message. Gunter avait écrit une biographie d'Aurelio Peccei pour qui il a une très grande admiration. Elle semble épuisée depuis longtemps...
Merci Thierry pour cette présentation que j'ai ratée avec beaucoup d'hommage. Je crois que sa pensée, pour un grand monde, est un éclairage et surtout des encouragements. On a non seulement besoin de rêver, mais surtout la possibilité de rêver. Merci encore
Merci de cette proposition: l'indiscipline intellectuelle! une nouvelle discipline!
Thierry,
Très belle initiative que ce blog et cette invitation de Gunter Pauli!
Son approche et ses réalisations sont très interpellantes pour tous ceux qui, comme moi, interviennent pour mettre en oeuvre une nouvelle économie qui place l'humain au coeur des entreprises humaines -publiques et privées- tout en fonctionnant dans la plus grande efficience.
J'accompagne des dirigeants et des entreprises dans cette voie et suis convaincu que les projets de ZERI sont conçus avec cet objectif fondamental d'humanité et d'efficience.
Je pense qu'il est très important d'en assurer la communication suivie de manière à faire prendre conscience au plus grand nombre qu'un nouveau paradigme de leadership et d'activité économique est bien possible et même déjà enclenché. C'est important pour que beaucoup prennent confiance et ambition...
A disposition pour y contribuer...
Bravo encore pour l'initiative.
Amitiés,
Alexandre
Alexandre de Carvalho
Merci pour ton excellente synthèse montrant bien l'engagement exceptionnel de Gunter Pauli?
Son livre ouvre de nombreux éclairages sur la puissance de sa démarche inspirée des leçons de la nature.
Victor Hugo disait: "il est triste de songer que la nature nous parle,... et qu'on ne l'entend pas!!".
Gunter est profondément à l'écoute de la nature, avec son amie Janine Benyus, pionnière et experte en biomimétique; ensemble ils vont prochainement publier "les 100 plus belles leçons de la nature": à suivre!!
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