Cher Thierry,
je ne partage pas ton analyse un peu trop manichéenne à mon goût. Je pense que le système a échappé à ses créateurs. Il vit comme une entité douée d'autonomie. On peut désormais compter en "Kerviel" sans choquer ; ))
Ceci n'est guère rassurant à première vue. Pourtant, rien d'inquiétant dans ce que je vois. Les hommes, petits ou grands, par la taille ou la fortune, restent aux commandes. Peut-être s'ils le savent (dans leur coeur et dans leur corps) n'en ont ils pas une conscience exacte. Tout au plus.
Alors, loin de se battre pour ou contre, ce qui revient à la même chose, se dessine une responsabilité bien à soi. Celle qui assoit bien. St Exupéry dirait, celle qui fonde l'homme ou plutôt le prince de Citadelle. Et ne sommes nous pas tous princes ?
Je partage cette conscience de l'interdépendance des acteurs et des systèmes. Il y a une coconstruction permanente des conditions du vivre ensemble et c'est bien ce que représentent les choses, les objectifs, les opportunités, les enjeux, les règles du jeu et leurs applications qui font et défont le vivre ensemble.
Nous vivons une société des plus violentes que nous n'ayons jamais connu parce que elle se construit sur la frustration, moteur essentiel du consumérisme, point focal de notre système. Aujourd'hui, les désirs et les plaisirs sont non seulement légitimes à tout crains, mais objectifs socialement acceptable de chacun, objectifs individuels légitimes et structurants. Hors leur satisfaction est improbable, voire impossible. Lacan disait que l'illusion du capitalisme est de donner à penser que la jouissance passe à porté de main de chacun et que se baisser pour la ramasser est ce que nous avons à faire : tant pis pour les maladroits...
Ce qui se passe dans nos stades de foot en terme de ferveur, d'investissement émotionnel, de dérisoire et d'illusoire me parait une bonne illustration topique de ce phénomène.
Oui, nous avons construit les violences que nous vivons. Oui, nous avons besoins de sages pour remettre de l'ordre, du sens, du juste à sa place...
Merci Thierry.
Il s'agit d'analyser un phénomène social sous l'angle d'une réaction chimique ou électrique. Aujourd'hui, en France, dans les familles pauvres - dont le nombre augmente - le budget de la nourriture représente 75% du revenu, une régression inimaginable par rapport à la fin des 30 glorieuses. (Epoque où, au surplus, on ne versait pas 9 millions d'euros à un homme pour le remercier d'avoir mis son entreprise en difficulté). En l'occurrence, ce que je vois, ce n'est pas un système qui échappe à ses créateurs, ce sont d'un côté des gens qui se servent, de l'autre des gens qui dépérissent et, au milieu, une population qui se sent encore - quoique de moins en moins - à peu près protégée.
Imaginons maintenant - scénario à haute probabilité - que le coût des transports, qui est lié à celui du pétrole, vienne enchérir celui de l'alimentation - car nous ne pouvons plus nous suffire d'une production de proximité. Alors, la simple vision de ceux qui affichent du superflu deviendra insupportable à ceux qui ne pourront même plus nourrir leurs enfants. La classe moyenne se sentira simultanément tirée vers le bas - comme c'est déjà le cas aux US, où elle travaille de plus en plus sans enrayer la chute de ses revenus -, elle se verra elle aussi exposée à la précarité du fait de la gestion mondialisée des entreprises, et sa complicité avec le système, déjà entamée aujourd'hui, s'éteindra. Sans porter aucun jugement, on ne peut que constater qu'on a là les ingrédients d'un mélange détonnant. On peut se poser des questions sur "l'équité" de l'explosion - comme on peut juger que Louis XVI ne "méritait" pas la révolution française. Mais une fois que l'explosion a eu lieu, savoir si elle était juste est de peu d'intérêt.
3 commentaires
Cher Thierry,
je ne partage pas ton analyse un peu trop manichéenne à mon goût. Je pense que le système a échappé à ses créateurs. Il vit comme une entité douée d'autonomie. On peut désormais compter en "Kerviel" sans choquer ; ))
Ceci n'est guère rassurant à première vue. Pourtant, rien d'inquiétant dans ce que je vois. Les hommes, petits ou grands, par la taille ou la fortune, restent aux commandes. Peut-être s'ils le savent (dans leur coeur et dans leur corps) n'en ont ils pas une conscience exacte. Tout au plus.
Alors, loin de se battre pour ou contre, ce qui revient à la même chose, se dessine une responsabilité bien à soi. Celle qui assoit bien. St Exupéry dirait, celle qui fonde l'homme ou plutôt le prince de Citadelle. Et ne sommes nous pas tous princes ?
Je partage cette conscience de l'interdépendance des acteurs et des systèmes. Il y a une coconstruction permanente des conditions du vivre ensemble et c'est bien ce que représentent les choses, les objectifs, les opportunités, les enjeux, les règles du jeu et leurs applications qui font et défont le vivre ensemble.
Nous vivons une société des plus violentes que nous n'ayons jamais connu parce que elle se construit sur la frustration, moteur essentiel du consumérisme, point focal de notre système. Aujourd'hui, les désirs et les plaisirs sont non seulement légitimes à tout crains, mais objectifs socialement acceptable de chacun, objectifs individuels légitimes et structurants. Hors leur satisfaction est improbable, voire impossible. Lacan disait que l'illusion du capitalisme est de donner à penser que la jouissance passe à porté de main de chacun et que se baisser pour la ramasser est ce que nous avons à faire : tant pis pour les maladroits...
Ce qui se passe dans nos stades de foot en terme de ferveur, d'investissement émotionnel, de dérisoire et d'illusoire me parait une bonne illustration topique de ce phénomène.
Oui, nous avons construit les violences que nous vivons. Oui, nous avons besoins de sages pour remettre de l'ordre, du sens, du juste à sa place...
Merci Thierry.
Il s'agit d'analyser un phénomène social sous l'angle d'une réaction chimique ou électrique. Aujourd'hui, en France, dans les familles pauvres - dont le nombre augmente - le budget de la nourriture représente 75% du revenu, une régression inimaginable par rapport à la fin des 30 glorieuses. (Epoque où, au surplus, on ne versait pas 9 millions d'euros à un homme pour le remercier d'avoir mis son entreprise en difficulté). En l'occurrence, ce que je vois, ce n'est pas un système qui échappe à ses créateurs, ce sont d'un côté des gens qui se servent, de l'autre des gens qui dépérissent et, au milieu, une population qui se sent encore - quoique de moins en moins - à peu près protégée.
Imaginons maintenant - scénario à haute probabilité - que le coût des transports, qui est lié à celui du pétrole, vienne enchérir celui de l'alimentation - car nous ne pouvons plus nous suffire d'une production de proximité. Alors, la simple vision de ceux qui affichent du superflu deviendra insupportable à ceux qui ne pourront même plus nourrir leurs enfants. La classe moyenne se sentira simultanément tirée vers le bas - comme c'est déjà le cas aux US, où elle travaille de plus en plus sans enrayer la chute de ses revenus -, elle se verra elle aussi exposée à la précarité du fait de la gestion mondialisée des entreprises, et sa complicité avec le système, déjà entamée aujourd'hui, s'éteindra. Sans porter aucun jugement, on ne peut que constater qu'on a là les ingrédients d'un mélange détonnant. On peut se poser des questions sur "l'équité" de l'explosion - comme on peut juger que Louis XVI ne "méritait" pas la révolution française. Mais une fois que l'explosion a eu lieu, savoir si elle était juste est de peu d'intérêt.
Les commentaires sont fermés.