So what ?
13/03/2008
Gilles van Wijk, professeur à l’Essec, me racontait un jour qu’il avait donné à lire à ses étudiants la charte éthique d’une firme considérable en masquant sur le document le nom de celle-ci. Les jeunes gens avaient été enthousiasmés. « Vous aimeriez travailler dans une telle entreprise ? » leur avait-il demandé. Massivement, la réponse avait été « Oui, bien sûr ! », signe que l’humain a plutôt une bonne nature. Puis, le couperet était tombé : « Vous venez de lire la charte d’Enron ». C’était, évidemment, après le scandale que vous connaissez.
Devinez maintenant qui se présente comme « une compagnie agricole dont l’objectif est d’aider les paysans à produire des aliments plus sains tout en réduisant l’impact de l’agriculture sur l’environnement » ? Monsanto. En fait, cette firme cherche rien de moins qu'à s'approprier le cycle total du vivant. Comment ? En imposant d’une manière ou d’une autre - et surtout d'une autre - l’usage de ses OGM à tous les paysans du monde. Ces OGM, du fait de leur stérilité, rendent dépendants du fournisseur les cultivateurs qui les ont utilisés et, par leurs effets secondaires sur les écosystèmes, entraînent une demande croissante de substances complémentaires - comme des pesticides - que fabrique Monsanto.
Maintenant, quel est le fin mot sur l’affaire des subprimes ? Ceux qui ont de l’argent de reste ont voulu en faire encore davantage en encourageant les pauvres à le leur emprunter. Ils ont oublié que, dans la société que, eux - les nantis - ont façonnée, la précarité est la compagne de la pauvreté et que, si on peut espérer devenir riche un jour, le plus grand nombre a surtout plus de chance de devenir encore plus pauvre. Et c’est ce qui arriva. Et comme, plus pauvres qu’au moment de l’emprunt, les emprunteurs n’ont pu honorer leurs échéances, la valeur des créances que les prêteurs avaient sur eux a chuté. D’où la crise des subprimes. Vous remarquerez, d’ailleurs, qu’on a beaucoup parlé des malheurs des banques mais très peu de celui des familles qui se sont retrouvées, avec leurs meubles, sur le trottoir.
Ces trois histoires soulèvent pour moi une question de fond. Dans ces entreprises que j’ai évoquées et beaucoup d’autres dont les stratégies sont tout aussi critiquables, il faudrait se garder de ne voir à l’œuvre que des requins cyniques et sans scrupules. Ceux-là existent effectivement. Pour moi, cependant, ils sont pour l'essentiel un produit du système. Mais, surtout, on trouve autour d'eux une majorité d’êtres humains semblables aux étudiants de mon ami Gilles van Wijk, qui rêvent d’un monde meilleur, plus équitable, plus beau. Je suis même persuadé que, pour certains d’entre eux, le doute a commencé à ronger leur conviction initiale de participer par leur vie professionnelle à quelque chose de bon. Ce doute est le début du chemin. Alors, je ne demanderai pas ce qu’ils peuvent faire pour avancer. Plutôt, je me demanderai : comment pouvons-nous faire pour les aider à aller plus loin, c’est-à-dire pour nous aider nous-mêmes ?
3 commentaires
Les accueillir avec tendresse et bienveillance, comme le fils prodigue.
La question que peuvent se poser de telles personnes - dont une partie d'entre nous - c'est: "si je sors du système, que fais-je ? Comment vais-je gagner ma vie, payer mes crédits, les études supérieures de mes enfants, etc." Le marché du travail n'est guère encourageant de ce point de vue-là et l'offre de missions dans des entreprises "éthiques" est encore faible. Charles vand der Haegen avait des idées me semble-t-il. Peut-être peut-il nous en parler lui-même ?
Pourquoi sortir du système ? Il n'y a aujourd'hui pas de filet de sécurité en dehors. C'est trop risqué à mon sens. Je pense qu'il est très possible de vivre en dehors et en dedans. La frontière étant juste une vue de l'esprit. Et ce sans perdre en cohérence.
Le système n'est pas une bête ou un monstre que l'on ne domine pas. C'est plus notre peur que l'on ne domine pas. ce système, il est au service des hommes. Arrêtons de projeter tout un tas de choses dessus. Il n'est ni bien ni mal. Il est ce qu'on en fait ou ce qu'on le laisse faire. Pas de fatalité, pas d'éternité, pas de constance en la matière.
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