EROEI*
08/11/2008
Le monde demain, voire de tout à l'heure, quoique nous en ayons, ne ressemblera pas à celui d'aujourd'hui.
Le pétrole facile est le facteur-clé de la production industrielle de masse et de la mondialisation, autrement dit du monde que nous avons créé autour de la "société de consommation". Mais quel qu'ait été le génie de notre espèce dans cette création, l'existence des énergies fossiles a été déterminante. Sans elles, même nos idéologies seraient aujourd'hui différentes. Il n'est jusqu'au pavillon de banlieue et à l'individualisme moderne qui ne leur doivent quelque chose.
Dans les années 30, aux États-unis, lorsque vous dépensiez une unité d'énergie pour extraire du pétrole vous en receviez plus de 100 en retour. C'est un effet de levier considérable. Cependant, ce rapport de 100/1 a décru au cours des années au fur et à mesure que les meilleurs gisements s'épuisaient et qu'il fallait en exploiter de moins accessibles et de moindre qualité. En 1970, le rapport avait déjà fortement diminué, mais il était encore de 30 unités d'énergie obtenues pour une unité dépensée. Aujourd'hui, la moyenne mondiale se situe autour de 20/1 et, si l'on peut affirmer que nous n'avons pas épuisé les réserves, il convient de préciser que le rendement ira décroissant.
Si l'on regarde du côté des autres énergies, qu'on les qualifie de complémentaires ou de substitution, il faut vraiment y mettre de la bonne volonté pour croire qu'elles vont nous permettre de conserver le monde actuel au prix de simples ajustements. Avec un retour sur énergie dépensée actuellement supérieur à 23/1, l'énergie hydroélectrique arrive largement en tête. Mais la plupart des grands sites sont déjà exploités et certains de ceux qui existent commencent à être affectés par la diminution des précipitations. L'énergie éolienne, en ce qui la concerne, se situe autour de 11/1 et encore si on ne tient pas compte de la compensation des périodes sans vent par d'autres sources d'énergie. Le solaire photovoltaïque est entre 2,5/1 et 4,3/1. Les biocarburants - dont on a vu qu'ils entrent en outre en concurrence avec les cultures vivrières - affichent un modeste 2/1. Pour compléter le tableau, souvenons-nous aussi que les hydrocarbures ne sont pas les seules ressources qui s'épuisent ou dont l'extraction exige une énergie croissante. Sur la liste des pénuries à venir, nous avons le gaz, le charbon , l'uranium, et nous pouvons rajouter les métaux rares dont nos "nouvelles technologies" sont friandes.
Or, malgré ces perspectives, nous sommes semble-t-il dans le scénario du fabricant de bougies qu'obsède la pérennité de son produit. Toute son attention y est piégée: il essaye de l'améliorer, de faire en sorte qu'elle dure plus longtemps, qu'elle coûte moins cher, qu'elle brille davantage, qu'elle pue moins quand on la mouche. Il recherche de meilleures mèches, des substituts au suif ou des fournisseurs moins gourmands. Enfermé dans l'univers de la bougie, il ne voit rien d'autre. Il en oublie qu'elle est une réponse à un besoin : celui de lumière. N'est-ce pas le même aveuglement dans lequel nous nous entretenons aujourd'hui avec des concepts comme le "développement durable" qui nous laissent croire que tout va continuer comme avant ? Si, au lieu de parler de "développement durable", on parlait de bonheur ?
* Energy return on energy invested.
5 commentaires
Thierry,
Très intéressant, mais je serais curieux de connaître la formule de calcul de ce rapport énergie fournie/énergie récupérée... on peut la supposer assez simple pour ce qui concerne le pétrole (et toutes les énergies fossiles à stock limité) car nous avons les données de nos consommations passées. Mais pour ce qui concerne les énergies dont la matière première est gratuite et illimitée (l'eau de pluie, le vent, la marée, le soleil...), il faut établir artificiellement des "équivalences" pour permettre des comparaisons avec les autres énergies. Or ce calcul n'est jamais satisfaisant et jamais innocent. Il revient à comparer des kilos à des minutes !
Un cas intéressant est à mon avis la photosynthèse dont le rendement est faible (qq pourcents) mais suffisant pour assurer la vie sur terre.
Il ne s'agit pas d'établir des équivalences mais bien de ce que cela dépense en énergie de capter et d'acheminer ces énergies.
Thierry,
En effet tu as mathématiquement raison !
Mais tu as statistiquement tort !
Après avoir extrait le pétrole on peut calculer précisément l'énergie qu'on pourra en retirer.
Après avoir mis en place le panneau solaire on fait une estimation en fonction de la durée de vie estimée du panneau et de l'ensoleillement futur...
Je persiste: le rapport "énergie dépensée/énergie reçue" est pervers et orienté vers les intérêts des groupes pétroliers: ces chiffres sont donnés aux lobbys et aux politiques qui s'en délectent (davantage en France qu'en Allemagne !).
Il ne représente qu'une vague approximation au jour du calcul.
A contrario, le simple bon sens nous dit que toutes les énergies renouvelables sont un bon pari pour le futur. Et même si les investissements de départ sont très élevés (solaire, marée...) nous savons que sur le long terme le rapport des énergies(-/+) écrasera celui du pétrole.
Les chiffres cités ne sont pas issus du lobby pétrolier, loin s'en faut, mais j'ai compris ce que tu voulais dire et je vais remonter à la source pour voir comment les calculs ont été faits. Cela dit, le problème de demain ne se limite pas au pétrole, au charbon et à l'uranium. Il y a aussi toute la question des métaux rares qui entrent dans la composition de nos téléphones portables, PC, téléviseurs, et peut-être aussi panneaux solaires ?
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