Economie simpliste
22/10/2009
Avec mes idées simplistes – mais peut-être ne le sont-elles pas davantage que le concept de l’agent économique rationnel sur un marché parfait – je me représente les flux monétaires liés à l’économie réelle - celle qui produit des biens et des services utiles - comme un système hydrologique. Les rivières descendent des hauteurs et font tourner les moulins - consommation et production - qu'on a placés le long de leur parcours. En chemin, une partie de leur eau s’évapore, puis elles se jettent dans la mer où l’évaporation se poursuit. Se condensant en nuages, l’eau revient au dessus des terres et des montagnes, retombe en pluie et nourrit à nouveau le sol, les sources, les ruisseaux et les nappes phréatiques. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Seulement voilà, cela fait un certain temps que nos moulins voient se ralentir leur cadence. Il y en a même qui s’arrêtent carrément au grand dam de la population alentour. Diagnostic des Diafoirus patentés : crise d’adaptation à un nouveau modèle économique enfin efficace parce que plus fluide et mondialisé. Tellement fluide, ai-je envie de dire, que l’évaporation y domine ! Mais souvenez-vous : dès 1975 le mot « crise » fleurissait à la une des journaux. Un peu long pour une crise, surtout "d’adaptation" ?
Si on ne veut pas se faire rouler dans la farine jusqu’à la fin des temps, il faut raisonner brutalement. Il y a, depuis longtemps, des pertes en ligne sur le circuit de l’eau et vous pouvez sortir les théories que vous voulez, un moulin qui s’arrête c’est autre chose qu’un discours à faire tourner les girouettes. Alors, la précieuse énergie hydraulique, où s’en est-elle allée ? « Il faut travailler plus pour gagner plus ! » Quand la rivière est si basse qu'elle n'entraîne plus le moulin, quand on vous licencie, quand on vous fait comprendre que vous rendrez service en vous suicidant, c’est comme une prière à saint Cucufa pour que tout s’arrange. Je préfère penser au père Ford qui voulait produire ses voitures à un prix tel et rémunérer ses salariés de telle manière que ceux-ci pussent acheter celles-là. Pas de pertes en ligne. Vous allez l’accuser lui aussi de simplisme, de socialisme ou – pire à notre époque ! – de philanthropie ?
La question, pour moi, n’est plus de savoir si on respecte les éructations des économistes de Wall street, la scholastique de l’école de Chicago ou les vaticinations de Picrochole qui croit tellement aux vertus de la libre concurrence qu’il oriente sa progéniture vers l’exploitation des chasses gardées. La question, c’est : comment remettre de la vie là où l’on vit ? Et le plus vite possible. Parce que les annonces d’aube ou de grand soir, de bout du tunnel ou de sortie de crise, ce n’est qu’une manière de continuer à nous faire croire que demain on rasera gratis. Beaucoup sont morts en cultivant leur patience sur la foi de telles promesses.
2 commentaires
Le Pr. Vignes, un des ''inventeurs'' de la science environnementale, aujourd'hui décédé, que j'interviewais il y a...25 ans, m'a dit :''Les dégâts dans l'environnement ont ceci de gênant qu'ils n'apparaissent que lorsqu'il est trop tard...''.
C'était, il y a 25 ans.
L'a-t-on écouté, lui et tous ceux qui, déjà et depuis plus longtemps encore, lançaient des cris d'alarme?
La Nature, avec un N majuscule, n'a que faire d'économie, de politique, de palabres, de plans sur la comète et, cela va de soi, de calculs savants qui nous démontrent que ''ON VA S'EN TIRER'' comme ci ou comme ça et même que, en faisant payer les pauvres pour réparer les dégâts causés par les riches, on finira par la trouver LA solution.
La Nature, elle, avance, les dégâts qui lui sont causés, visibles et, plus encore, les invisibles, aussi. Ils s'accumulent, la pression dans la marmite s'accroît, et nous aurons beau tenter de l'empêcher d'exploser en nous asseyant dessus, c'est elle, la Nature, qui se chargera de résoudre LE problème. En rétablissant l'équilibre qui était sa caractéristique première.
Certes, à sa manière.
Alors?
Rien.
Wait and see et le feu d'artifice va être grandiose.
Mieux vaudra être à l'abri mais où, je vous le demande.
Victor Hugo ne disait-il pas que les chants désespérés étaient les chants les plus beaux?
Maurice CARON
Bonjour Thierry
parfois difficile de faire un commentaire devant tant de pertinence. Hier un collègue me parlait de l'incapacité des instances dirigentes à écouter les "signaux faibles". Dans le livre qu'il m'a montré il était question de "quand les ours écouteront les lapins". (traduction de l'anglais).
Je cite souvent Henri Ford et sa vision qui ont été à l'origine d'une ère de prospérité économique et de croissance. Aujourd'hui j'en suis plutôt à me demander comment s'en insprirer sans pour autant lancer une spirale grandissante de consommation : au contraire comment trouver le moyen tout en rémunérant correctement la valeur travail, faire en sorte de trouver le juste niveau de consommation.
Sans doute un peu décousu tout ça mais je pense aussi aux valeurs dominantes de notre société qui porte aux nues la richesse matérielle presque comme le Paradis que l'on pourrait atteindre de son vivant. Comment faire pour faire comprendre que le bonheur recherché est plutôt dans l'éducation, le partage, la santé, LA SIMPLICITE tant décriée...
Même si on ne répond pas toujours, merci beaucoup Thierry pour tes réfexions éclairantes qui font faire du sport à nos petites cellules grises à l'instar de ce cher Hercule Poirot.
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