La descente
03/02/2010
Mis à part, il y a quelques semaines, l'information qu'une banque avait écrit à ses clients pour les avertir de la possibilité d'une crise profonde et longue, les grands médias français se font peu ou ne se font pas du tout l'écho d'une telle perspective. L'explication serait que les Gaulois ont déjà tourné la page et que la crise est un sujet qui ne les intéresse plus. Alors, un sujet qui n'intéresse pas le public devient du coup inintéressant pour les rédactions et on le bannit. Voilà un vrai problème qui montre à quel point les logiques fondatrices d'un métier - celui de l'information - sont maintenant biaisées. On ne va pas dire qu'il y a le feu parce que cela ne fait pas recette et tant pis si les gens meurent brûlés vifs! Quand on y réfléchit, il faut quand même un sacré réseau de vassalités, de démissions et de complicités pour en arriver là, et cela aussi en soi est inquiétant.
Il n'en est pas de même Outre-Manche où, la semaine dernière, dans le Dayly Telegraph, le gouverneur de la Banque d'Angleterre expliquait à la une que les ménages se trouvaient devant des années de dégradation de l'emploi, de leurs conditions de vie et de leurs revenus. Je n'ai pas lu cela chez nous. Mais il est vrai que le Royaume-Uni a eu un Premier ministre qui a eu le courage de promettre à son peuple "du sang et des larmes" (Winston Churchill en 1940), ce qui était l'inviter à la maturité. Chez nous, penserait-on que nous ne sommes pas capables d'accéder à cette maturité ? Car, de toute façon, nous sommes dans la même barque que nos voisins. La douce France ne jouira pas d'une grâce particulière de Dieu. L'emploi s'y dégrade comme ailleurs. Le nombre des chômeurs qui ne perçoivent plus d'allocation a atteint un niveau sans précédent. L'impôt sur le revenu ne suffit déjà plus à assurer le service - à payer les intérêts - de la dette publique. Lundi dernier, le journaliste économique Yannick Roudaut nous faisait l'état des lieux et nous annonçait ce qui va en résulter au cours des années à venir, que l'on peut résumer par la chute en enfer d'une grande partie de la classe moyenne. Il montrait que le cercle vertueux s'est brisé qui faisait de cette classe moyenne à la fois la bénéficiaire et la source de la richesse des Trente glorieuses. De son côté, Hervé Juvin, le président d'Eurogroupe Institute, démontre que nous n'entrons pas dans une crise mais dans une métamorphose profonde et étendue et que si nous posons le mauvais diagnostic noussouffrirons encore plus et aurons beaucoup de mal à nous en sortir.
Voici l'article du Dayly Telegraph: TheDaylyTelegraph20012010.pdf
Et voici des chiffres qui nous concernent et qu'il est bon de connaître si on ne veut pas croire que le règne des Bisounours est de retour parce que les boursicoteurs planétaires réussissent à se regonfler la bulle:
3 commentaires
Non Thierry, ne nous fais pas le couplet "c'est mieux ailleurs que chez nous" et surtout pas sur la presse anglaise dont on connait les excès.
Bonjour,
Ne t'inquiète pas Thierry !
Les masses vont bientôt s'intéresser à la Descente puisque c'est non seulement une discipline olympique, mais encore la discipline reine...
http://www.vancouver2010.com/fr/
@+
JLB
Bernard, du point de vue économique, je ne pense pas que cela ira mieux chez eux que chez nous, cela risquerait même d'être pire.
Du point de vue de la Presse, le DaylyTelegraph est tout sauf un tabloïde et le gouverneur de la banque d'Angleterre rien moins qu'un journaliste à scandale.
J'ai eu un contact récent avec une productrice de la télévision et ce sont ses propos que je paraphrase à propos du désintérêt des Français pour la crise.
Quant à la presse écrite française, elle s'autocensure sans doute davantage qu'elle n'est censurée. C'est peut-être ce qu'Edgar Morin appelle un avueglement culturel. Mais enfin, il faut voir qui la détient en majorité bien qu'il y ait de meilleurs placements financiers...
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