Le coup de gueule de Xavier Dalloz
17/02/2010
Xavier Dalloz est un homme discret, insuffisamment connu du grand public. Prospectiviste des Nouvelles Technologies de la Communication, il tenait une des plumes qui ont rédigé en 1978, à la demande de Nora et Minc, le "Rapport sur l'informatisation de la société". Aujourd'hui, à partir de votre Iphone ou de votre reader il vous dira quels sont les nouveaux modèles économiques qui sont en train de se déployer et qui vont faire et défaire des fortunes dans le proche avenir. C'est la « bataille de la poche ».
Xavier, tu disais ce matin qu'on a trouvé en France le moyen de "passer de la crise à la catastrophe". Tu citais à ce propos l'attitude des entreprises et des administrations française à l'égard du Consumer Electronic Show. D'abord, qu'est-ce que le CES ?
C'est un salon des nouveautés technologiques qui a lieu chaque année aux Etats-Unis depuis plus de quarante ans. La version 2010 a réuni 3000 exposants et attiré plus de 125 000 visiteurs, les uns et les autres venus du monde entier. On pouvait y découvrir quelque chose comme 20 000 nouveaux produits dont certains vont prendre une place importante dans notre vie quotidienne. Mais, surtout, on pouvait y discerner les nouveaux business models qui vont changer les rapports de force et les stratégies commerciales sur le monopoly économique et financier.
J'ai moi-même conduit là-bas une délégation d'une quarantaine d'entreprises françaises, mais force est de reconnaître que nos compatriotes y brillaient encore une fois par leur absence.
C'est donc cela, ton coup de gueule: l'absence ou la quasi-absence de nos compatriotes ?
C'est cela et c'est plus que cela. Mon coup de gueule, c'est surtout ce qui sert de prétexte à cette absence. Je commencerai par l'anecdotique, mais c'est significatif d'un certain état d'esprit - si on peut encore parler d'esprit à ce niveau-là.
Cette année, un cadre supérieur d'une grande entreprise française du secteur de l'énergie avait pris ses dispositions pour venir à ce salon. C'était inscrit dans son agenda et les réservations étaient faites. Seulement, voilà, le CES a la mauvaise habitude de se tenir à Las Vegas - parce que l'hébergement, celui de l'exposition comme celui des personnes y est bon marché. Rien que l'exposition couvre une surface équivalente à 40 terrains de football. Mais, en France, Las Vegas est l'équivalent de ce qu'était "la grande Babylone" pour les Hébreux de l'Ancien Testament. On ne sait pas voir plus loin que nos préjugés. On a donc "invité" cette personne à renoncer à ce voyage.
Et le moins anecdotique, c'est quoi ?
Le moins anecdotique, ce sont ces régions de France qui, à coup de négociations et de subventions, ont encouragé des PME-PMI à se rendre au CES pour la somme de 300 € comprenant - tiens-toi bien - l'avion, l'hébergement, les repas et l'entrée au salon...
Et alors ?
Elles n'ont pas enregistré la moindre inscription!
L'explication ?
"Vous n'y pensez pas ? Mais c'est la crise!" Ou alors: "On n'a pas le temps". Moi, je dis: c'est nous qui accélérons la crise, en nous repliant sur nous-mêmes. La crise se nourrit de notre frilosité, de l'affaiblissement de notre esprit d'entrepreneurs, de nos réflexes timorés. Et elle se nourrit aussi des décisions de quelques politiques peu au fait des véritables enjeux liés au développement de ces technologies et de leurs applications.
Par exemple?
Par exemple, partout dans le monde et singulièrement dans les pays émergents, on mise sur les télécommunications sans fil. Il est plus rapide et moins coûteux de développer un réseau fait de relais qu'un réseau physique fait de câbles, etc. Or, que fait notre pays ? Il mise sur la fibre optique, une solution qui demandera d'investir des sommes colossales et qui, en attendant qu'elle se déploie suffisamment pour ne pas créer de disparités entre villes et campagnes, verra s'écouler une génération! Mais évidemment, à Las Vegas, on aurait vainement cherché un représentant de l'administration ou de la classe politique françaises...
Il faut miser sur la fibre optique ET le sans fil. On a besoin de l'autoroute, de la nationale, de la départementale, du chemin vicinal. Seule une approche globale est cohérente avec un modèle économique qui valorise les interactions d'abord entre des acteurs locaux. Il faut réinventer la place du village. Plus généralement, il faut réinventer tous les « appareils » que nous utilisons quotidiennement : la voiture, l'électroménager, la télévision, la radio... Il faut notamment développer les plates-formes de services indispensables à tous les produits qui seront de plus en plus naturellement connectés. La création de valeurs va résulter de notre capacité à comprendre les attentes latentes du citoyen/consommateur et optimiser l'efficacité de l'utilisation du capital humain, fixe et circulant.
La France ne doit pas se tromper de combat.
Propos recueillis par Thierry Groussin.
3 commentaires
... je propose un grand débat sur la "créativité nationale" que les préfets se feraient un plaisir d'organiser ;-)
Bonjour,
Cette semaine, dans 2 réunions totalement disjointes j'ai entendu et donc retenu le mot "serf".
Effectivement, le système politique français et son élite nous a concocté un environnement qui nous conduit directement au sous prolétariat, c'est-à-dire au servage.
C'est bien pourquoi, beaucoup de ces bonnes familles qui nous gouvernent depuis 40 ans ont externalisé leur descendance. Ces familles ont assuré ainsi leur avenir à l'étranger et donc contribue concrètement à accélérer notre déclin, préparé et accompagné par leurs aînés qui ont encore les rennes du pouvoir.
Comment stopper ce processus, là est la question ?
Personnellement, je n'en ai pas les moyens.
Surtout quand je constate qu'une seule banque, Goldman Sachs pour ne pas la citer, dispose de la vie, et surtout de la mort, des populations de pays entiers et que rien n'est fait par les pouvoirs politiques pour la démanteler pour cause de crime contre l’Humanité...
Cordialement
JLB
pas mal l`article
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