Jurassic Park
26/05/2011
Adolescent, j’ai beaucoup pratiqué Arthur Conan Doyle et, en dehors des trois tomes de Sherlock Holmes que j’ai lus jusqu’à ce qu’ils tombent en ruines, un de ses romans que j’ai préféré est Le Monde Perdu, où le professeur Challenger découvre, isolée du reste du monde, une région d’Amazonie qui a conservé la flore et la faune de l’ère secondaire. Cette histoire en a inspiré par la suite beaucoup d’autres et, très probablement, le ptérodactyle qui hante une des aventures d’Adèle Blanc-Sec est un lointain descendant de celui qui terrorise les héros du Monde Perdu. Jurassik Park est la version moderne du Monde perdu. A ceci près – et je vous propose de considérer que la différence ne manque pas de sens – que le monde imaginé par Michael Crichton et mis en scène par Steven Spielberg n’est plus une anomalie géographique mais une production humaine. Nos oeuvres, nous avertit ce récit, deviennent plus redoutables que les phénomènes naturels.
Vous vous souvenez, j’imagine, du personnage vêtu de blanc, à mi-chemin entre le démiurge de Matrix Revolutions et l’emblème de KFC, qui a dépensé sans compter pour créer ce parc d’attraction où l’on peut observer, aussi vivants que vous et moi, des dinosaures de toute sorte. Ceci a été rendu possible grâce à une ingénierie de clonage juste un peu plus avancée que la nôtre. J’avoue que ressusciter des espèces disparues, qu’aucun homme n’avait encore jamais vues autrement que sous forme de fossiles, est un projet fascinant. Quant à moi, s’il existait un lieu tel que Jurassik Park, j’y courrais ! De fait, ce monsieur en blanc est un malin génie qui capte nos rêves pour les réaliser. Mais ce qui commence comme un rêve peut tourner au cauchemar.
Jurassic Park est une modélisation excellente des catastrophes dont la cause est humaine. A la source de l’histoire, un rêve, donc, que de nombreux êtres humains sont susceptibles de partager. Puis, des acteurs avec leurs névroses, leurs motivations, leurs représentations diverses de la réussite et du bonheur. D’abord, Alan Grant et Ellie Sattler, deux paléontologues aussi innocents et passionnés qu’impécunieux, qui, pour financer leurs recherches, puisent l’argent où ils le peuvent: lorsqu’ils trouvent John Hammond dans leur caravane, ils ne reconnaissent même pas leur sponsor. Celui-ci, l’homme vêtu de blanc, personnage central du drame, est richissime. Cependant, son moteur n’est pas l’argent. Hammond est une sorte de démiurge mu par le désir de créer quelque chose d’unique. Tout dangereux qu’il soit, je ne le trouve pas antipathique. Hammond s’est entouré de gens honnêtes, au sens où ils ont de vraies compétences et respectent les règles. Certains feront même le sacrifice de leur vie: nous ne sommes pas en présence d’une bande de malfaiteurs mal léchés. Parmi les gens qui entourent le démiurge, cependant, il y a une population singulière : des scientifiques qui ont franchi un pas décisif : ils ont expérimenté avec émerveillement le pouvoir faustien que leur a donné la science. Puis, il y a le maillon faible, le grain de sable, l’homme dont l’avidité va tout faire basculer - et, à cause de lui, la création va échapper à ses créateurs. Il est facile de faire porter à un personnage, à un méchant, la responsabilité du sinistre. Je serais tenté de dire que les systèmes comme celui de Jurassic Park ne peuvent pas être sans faille. Malgré la rationalité mise en œuvre pour les construire, leur ADN est fait de passions humaines pour qui le monde et les autres ne sont qu’un moyen de s’assouvir. D’ailleurs, une fois la catastrophe survenue et à peine en a-t-on fait le bilan que surgit la conviction que, « maintenant, on sait comment il faut faire pour que ce soit parfait ». Et on est prêt à recommencer. L’illusion fondamentale, celle d'une rationalité maîtrisée et totale, reste à l’œuvre.
Un rêve collectif, archétypal, différents acteurs dont les aspirations et les actes se combinent pour aboutir au drame : voilà les ingrédients des catastrophes d’origine humaine. Jurassic Park est une fiction, je vous l’accorde. Alors, reprenez par exemple l'histoire de Fukushima : vous verrez que, si loin d’un parc à dinosaures que soit une centrale nucléaire, le modèle de Michael Crichton ne fonctionne pas mal. Si vous cherchez, vous pourrez faire d'autres parallèles.
4 commentaires
Le parallèle entre Jurassic Park et Fukushima ne me semble pas tiré par les cheveux, bien au contraire. Le hasard a fait que j'ai justement revu Jurassic Park en DVD il y a quelques semaines, et la même réflexion m'a traversé l'esprit : cette illusion de pouvoir tout prévoir et tout maîtriser, que dénonce le "chaoticien" Ian Malcom dans le film (et le livre), on la retrouve précisément dans les discours de certains tenants du nucléaire. Dans Jurassic Park, la tentation démiurgique est de (re)créer la vie. Avec le nucléaire, il s'agit d'utiliser l'énergie qui fait briller les étoiles. Je vois aussi un lien métaphorique entre Jurassic Park et la catastrophe nucléaire de Fukushima : la radio-activité du combustible que l'on n'arrive plus à maîtriser est un dragon que l'on a réveillé et qui refuse de se rendormir.
Je pense que les parangons du nucléaire ne sont pas si naïfs. À preuve, le refus de la France de se soumettre à des évaluations réellement scientifiques sur la résistance des centrales nucléaires à la chute d'un avion, par exemple, comme le souhaitent les Suisses et les Allemands. en ce qui me concerne, je considère que Matrix (le premier) est également un très grand film, extrêmement narratif, sur la métaphore de notre société.
Même si pas vraiment lire le sujet, mais je crois que je aurez démarrer vous rendre visite.
Ce que je retiens du film de Spielberg c'est "la vie trouve toujours son chemin " lorsque l'oeuf de dinosaure tombe de la capsule protectrice de l'informaticien félon.
La vie trouve toujours sont chemin ...quel sera ce chemin ?
la prise de pouvoir de nouvelles bactéries ? l'extinction de l'homme ? une nouvelle civilisation humaine reliée ? Une sortie de la matrice guidés pas un Néo ?
Tour est possible ...même ce que nous ne pouvons pas imaginer.
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