Globalia
09/05/2013
Peut-on envisager que ceux qui conduisent les affaires du monde - capitalistes milliardaires et leurs vassaux, CEO, PDG, etc. - lisent si peu qu’ils n’aient pas connaissance des enjeux que constituent la pollution et l’épuisement des ressources terrestres, ou que, stupidement, ils ne les prennent pas au sérieux ?
Peut-on envisager que des gens intelligents, qui ont fait des études très supérieures - fût-ce en économie - et se retrouvent aux plus hauts postes de la technocratie internationale ne voient pas la contradiction qu’il y a entre prêcher l’austérité et se lamenter sur la croissance qui ne se ranime pas ?
Je pourrais aligner quelques autres paradoxes du même tonneau, mais ces deux-là me paraissent les plus énormes et cela fait déjà trop de contradictions selon moi pour ne pas y réfléchir. On ne peut pas tout le temps invoquer la stupidité de ceux qui dirigent pour expliquer ce qui nous étonne. Mieux vaut se dire que c’est nous qui ne comprenons pas le film et nous le repasser pour tenter un effort d’analyse supplémentaire.
J’en suis ainsi venu, il y a quelques jours, à imaginer une hypothèse qui m’a fait froid dans le dos. Elle pourra vous sembler folle, mais les choses folles et que l’on croyait impossibles, dans l’Histoire de l’humanité, ne manquent pas. Je vous la livre, vous en ferez ce que vous voudrez.
Mon hypothèse est que les gens intelligents ne sont pas stupides. Or, l’enjeu vital et urgent, au delà de tout autre, est aujourd’hui de faire durer les ressources que nous fournit la Planète en même temps que de préserver cette dernière des retombées déjà excessives de nos activités polluantes. On sait que la Terre ne pourra nourrir ni supporter l’extension du niveau de vie occidental à l’ensemble du monde - ce qui est pourtant l’aspiration que nous avons réussi à semer presque partout. En conséquence, le scénario qui me paraît le plus vraisemblable est celui d’un appauvrissement décidé et volontaire des peuples. Selon moi, il n’a pas été élaboré de longue main. Ce sont plutôt les effets de la crise financière mondiale et, éventuellement, le miroir grossissant de la Grèce qui en ont fait germer l’idée et montré les possibles leviers.
Ce scénario pourrait avoir deux variantes qui reflètent peut-être des courants qui agitent la ploutocratie mondiale. La première consiste à laisser l’humanité stagner ou retomber, dans son ensemble, à un niveau de vie et de consommation tel qu’il ne présente plus de risque pour le futur de la vie sur Terre. Les hyper-riches se contentent d’aménager leurs oasis, loin du tumulte et des agitations de la magna turba. La seconde version, mitigée, qui laisse encore des possibilités d’enrichissement supplémentaires - notamment pour les tycoons qui viennent seulement d'être admis au club - est de laisser monter ce niveau quelque part à condition qu’il baisse ailleurs. En ce moment, par exemple, l’Inde et la Chine développent une société de consommation, alors, pour compenser, on induit l’appauvrissement de l’Occident. La voiture individuelle pourrait être un bon indicateur de ce traitement différentiel.
Pour ceux à qui ce scénario semblerait délirant, je rappellerai quand même que le malthusianisme n’est pas mort, qu’il y a encore des gens qui pensent qu’une bonne guerre simplifie les choses et que les hommes, de toute façon, sont trop nombreux sur Terre. Je rappellerai aussi que, l’année dernière, certain cénacle plus ou moins scientifiques avait établi que la viabilité à long terme de l’humanité suppose que la population mondiale ne dépasse pas le chiffre quelques millions.
Et, si vous voulez, je peux mettre un bémol et formuler la chose différemment: tout se passe comme si...
PS: Globalia est le titre d'un roman de Jean-Christophe Rufin.
6 commentaires
OK et mille fois Hélas !
Que faire ? Quels engrais substantiels pour que l'espoir y trouve un peu de raison? Celui du long terme se raréfie énormément.
Enonce-nous la voie faisable...
Merci à toi
Avec toute mon amitié
Armen
Cela me fait penser à un livre: "Seul les paranoïaques survivent". C'est peut-être bien vrai...
Cher Thierry, ce que tu décris là, c'est le "Palais de Cristal" déjà dépeint avec maestria per le grand philosophe du siècle: Peter Sloterdijk. "Globalia", c'est bien, mais Sloterdijk livre les racines bien plus profondes, structurelles et substantielles de ce phénomène, aboutissement de milliers et milliers d'années. Les forces dont tu parles "sont agies" autant qu'elles agissent, dans un mouvement d'entropie dont l'ampleur dépasse y compris les plus puissants d'entre nous pauvres humaines et riens du tout à l'échelle cosmique.
Paul Diel disait que l'espèce humaine pouvait disparaître comme les Dinosaures (dont on dit qu'ils ont sombré parce que leur colonne vertébrale ne supportait plus leur poids).
Le plus rageant ou décourageant c'est que nous avons créé des armes et des conditions de vie-mort qui puissent donner réalité à l'auto destruction.
Mais Diel ajoutait qu'en vertu de la force des évolutions passées des espèces vivantes on pouvait garder l'espoir... que l'epèce humaine puisse se doter de la lucidité de ce qui la menait à l'autodestruction et le combattre.
Morin dit que l'improbable reste possible...
Il nous faut donc comme tu l'écris en effet nous donner des récits nourris de tout ce qui déjà fonctionne comme outils de contre-barbarie. C'est ta feuille de route que je décris.
Puisse-t-elle devenir celle des grands médias publics.
L'enjeu est anthropologique. Biologique : vie ou mort d'une espèce.
Pardon à cet écho un peu solennel que je donne à tes questions
Armen
Ne faut-il pas aussi, sans naïveté, plus fortement insister sur les grands mouvements internationaux qui ne sont pas forcément que voeux creux et paroles pieuses ( UNESCO et autres FORUMS)?
Il s'agit de toutes parts d'augmenter la masse critique via toutes les prises de conscience dans des champs complémentaires...
Nous sommes dans l'extrême Complexité...
Cela mûrit dans le champ psycho -pédagogique. Echecs, souffrances, décrochages scolaires aidant... sans compter les enquêtes internationales sur les écoles et les prisons françaises qui ébranlent les fausses illusions républicaines.
Et les réussites surtout extra-Hexagone que ces enquêtes révèlent.
Bien amicalement
Armen
Thierry,
as-tu lu ceci: http://www.pauljorion.com/blog/?p=53303
je trouve que ça résonne bien avec ce que tu dis.
Amitiés,
d
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