UA-110886234-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/01/2015

Notre véritable histoire

 

 

10882192_798196293593209_2342818927982223763_n.jpg

 

Alors que s’achève une année où les démons qui hantent l’humanité depuis son apparition semblent plus que jamais déchaînés, j’ai besoin de me rassurer.

 

Jamais nous n’avons eu une conscience aussi claire de notre impasse écologique, de la finitude de nos ressources et de la proximité des échéances, et jamais les gouvernements n’auront moins fait, fût-ce pour en retarder les effets dévastateurs.

 

Jamais nous n’avons eu une telle expérience de l’abondance, et jamais les accaparements égoïstes et les inégalités n’auront atteint de pareils sommets.

 

Jamais l’accès aux sagesses millénaires des peuples n’a été aussi large et universel, et jamais on n’a foulé aux pieds avec autant de mépris les valeurs d’amour, de paix et de respect qu’elles nous proposent. 

 

Jamais les humains n’ont été dans une quête aussi ardente de héros, et jamais les impostures n’auront été aussi nombreuses, les admirations et les engagements aussi dévoyés.

 

J’arrête là et je ne donne pas d’exemples, chacun en aura un nombre suffisant à l’esprit et il suffit de consulter les actualités sur Internet pour en trouver chaque jour de nouveaux.

 

Certains ont annoncé la fin de l’Histoire. Je ne partage pas cette idée. D’abord parce que, comme l’ont montré des observateurs aussi différents que Nancy Huston, Boris Cyrulnik ou Michael White, la caractéristique de l’humain est de traiter la réalité comme un récit. Ensuite parce que, pour changer de registre, l’évolution n’en continue pas moins - je veux le croire - de chercher son chemin et que c’est là, selon moi, la véritable histoire que nous avons à discerner et à vivre.

 

Si l’histoire dont certains annoncent la fin est celle des empires et des dynasties, j’en accepte l’augure, même si la passion des conquêtes et de l’accumulation est loin de s’affaiblir et si, aux royaumes belliqueux, nous avons ajouté les pieuvres des multinationales et les razzias sauvages des flux financiers. Mais tout cela, quand on regarde bien, est de même nature. Je veux croire que, dans quelques siècles, tout ce fatras paraîtra aussi vil et anecdotique au regard de la véritable Histoire de l’humanité que l’agitation indécente des people.

  

Quand on regarde derrière nous, loin derrière nous, l’on voit émerger de la soupe primordiale des graines de vie qui, en générant de l’oxygène et en s’associant au sein d’ensembles de plus en plus étendus, ont produit des systèmes vivants de plus en plus complexes. A la crête de cette vague apparaît homo sapiens sapiens qui, à l’échelle des temps historiques, manifeste en apparence peu de transformations anatomiques: ce n’est plus au niveau de la charpente que cela se joue mais au sein de la boîte crânienne. De la complexification de ces quelques centimètres cubes de matière molle la planète va être profondément et irrémédiablement bouleversée. 

 

Le plus visible est qu’avec sapiens sapiens - ou plutôt, comme le désigne avec justesse Edgar Morin, sapiens demens -  s’est introduite dans le monde une intelligence créatrice dont les effets - nous en avons l’ultime ressac sous les yeux - iront exponentiellement. Mais il y a plus. Homo sapiens demens apporte dans la finitude du monde l’infinité de son désir, ou, formulé autrement, l’infinité de son manque. Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et tous les animaux, une fois qu’ils ont mangé, sont repus. Homo sapiens demens, lui, proclame « Quo non ascendam ? » et n’est jamais rassasié. Au surplus, il ne tient pas à l’être. A l’image des Romains de la décadence qui se faisaient vomir pour continuer à s’empiffrer, il a inventé la mode, la destruction créatrice et l’obsolescence programmée. Son chef-d’oeuvre: un objet de convoitise étranger aux limites de la réalité, un objet de désir - un leurre - à croissance infinie: l’argent numérique.  

 

C’est ici que l’Histoire change de registre. Défiée par les conséquences destructrices de ses propres créations et, par dessus tout, de la représentation qu’elle se fait d’elle-même et du bonheur, l’humanité doit maintenant ou bien trouver le juste récit à se conter, ou bien disparaître. La solution à la menace radicale qu’elle a engendrée ne relève plus des catégories traditionnelles, politiques ou techniques. La solution, la véritable solution, est d’ordre anthropologique. Elle est du domaine de l’apprentissage et du travail sur soi-même: après s’être consacrée au développement de ses savoir-faire et de ses savoirs, l’humanité doit maintenant faire grandir son savoir être. Dans ce registre, si elle veut bien s’intéresser à son héritage, elle ne part pas de rien. En outre, la germination est déjà à l’oeuvre. J’évoquais ces graines de vie qui, en s’associant il y a quelques milliards d’années et en fabriquant notre atmosphère, ont engendré des systèmes vivants de plus en plus complexes: aujourd’hui, ce qui me donne espoir, ce sont les graines de conscience que je vois se multiplier sans bruit parmi nous, loin des histrions de la scène médiatique. Puisse leur contagion engendrer, tant qu’il est temps encore, une métamorphose pacifique ! Voici le voeu que je forme pour nous tous alors que le soleil se lève sur le premier jour de l’année.

 

Crédit photo: Pascal de Cahors http://colibrinfo.blog4ever.com