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10/07/2024

La matrice et nous

 

Au contraire des animaux, l’être humain a besoin d’une matrice sociale et culturelle qui prenne longuement le relais de la matrice biologique afin qu’il devienne adulte. Pour le meilleur ou pour le pire, il garde toute sa vie une certaine malléabilité, plus ou moins profonde, qui est une composante de ses capacités d’apprentissage et de résilience. C’est pourquoi il peut dans une même existence vivre des vies très différentes: il n’est jamais figé. Les exemples sont nombreux, mais en ce moment je pense plus particulièrement à l’illustration qu’en donne un film que j’ai vu l’autre soir: « Un homme nommé cheval », qui conte l’histoire d’un lord anglais capturé par les Sioux et qui devient membre de la tribu. Un changement de matrice radical. 


A l’origine, la matrice culturelle est la réponse d’une communauté à l’expérience accumulée par les générations. Avoir connu, par exemple, une époque d’insécurité alimentaire, de travaux pénibles et peu productifs, de ressources nourricières fragiles, peut laisser des réflexes d’économie: quand on connaît sa vraie valeur on évite de jeter « le fruit de la terre et du travail des hommes ». De nos jours, ces réflexes d’une autre époque profiteraient à l’écologie. A l’inverse, les générations du « il n’y a pas de limite » peuvent avoir un certain mal à comprendre la sobriété volontaire. Mais les choses ne sont pas aussi simple:  on trouvera aussi bien des victimes de pénuries pour qui manger de la viande à chaque repas ou avoir une penderie qui déborde de vêtements est de l’ordre d’une revanche ou d’un réconfort. La consommation alimentaire n’est pas forcément qu’une réponse à la faim et de même pour toutes les autres solutions que nous donnons à nos besoins. L’économiste chilien Manfred Max-Neef jugeait qu’il y a des « pseudo-réponses qui ne satisfont pas le besoin qu’elles semblent viser, des « réponses destructrices » qui satisfont un besoin au détriment d’un autre, et des « réponses inhibitrices » qui étouffent un besoin au profit d’un autre. Mais répondre simplement et pertinemment à nos besoins ne ferait pas s’enrichir la planète capitaliste autant que les mauvaises réponses dont la variété est infinie. Pour l’économie classique, nos besoins sont infinis, alors qu’en réalité ce sont nos désirs qui le sont. En découle le système économique malsain dont nous voyons les dégâts. 


Les réseaux sociaux

Apparus il y a quelques années avec le numérique, les réseaux sociaux (dénommés RS en abrégé) ont ajouté une nouvelle dimension à la matrice et y jouent maintenant pour beaucoup de personnes un rôle de premier plan. J’observe qu’ils ont des aspects positifs et d’autres qui le sont moins. En période politiquement et socialement tendue, quand on se retrouve dans les rangs d’une minorité et quand la censure s’exerce sans complexe, il sera plus facile d’y repérer des kindred spirits, d’y trouver et échanger des informations que dans son environnement proche. On y a aussi moins de risque de se faire soi-même repérer comme divergent par des voisins de bistro, ce qui est un avantage quand, sous l’effet de la peur et de la propagande, les positions de certains se radicalisent jusqu’à la délation. En revanche, les RS sont un encouragement à déserter le vrai terrain, le seul où l’on puisse construire. En outre, sur les RS, il est banal que l’invective remplace le raisonnement, sans parler des trolls qui chassent en bande jusqu’à pourrir de leurs grossièretés certains fils de discussion. Lieu de sauvegarde - pour combien de temps ? - de conversations libres, les RS encouragent aussi au manque de respect de l’autre, à l’agressivité de l'expression et à l’anonymat couard. Ce n’est vraiment pas ce dont notre société a besoin pour évoluer. 


Identité

Au sein de la matrice sociale, l’individualité de chacun se démarquera plus ou moins nettement. Certains se singulariseront, jusqu’à devenir des moutons noirs, d’autres resteront - mais jamais totalement - des moutons ordinaires. Pour être fils de drapier, François d’Assise n’a pas pris la suite de son père, il a même rompu radicalement avec elle, choisissant de courir les chemins en chantant Dieu plutôt que faire commerce. C’est que la matrice culturelle est multiple et hétérogène. Dans le cas de François, on imagine facilement le milieu familial, dominé par le métier du père et, l’englobant, le milieu chrétien que représente l’Eglise et au sein de laquelle le futur saint choisira qui être. Plus une matrice culturelle est hétérogène, plus elle offre de ressources à la constitution d’identités potentiellement disparates. Dans la construction et l’évolution d’un individu, ses idiosyncrasies puisent sélectivement dans cette hétérogénéité. La réaction à la débâcle de 1940 suscitera ainsi à la fois des Résistants et des « collabos ». La peur n’est pas seule en cause. On peut comparer ce processus à celui des végétaux qui, du même sol, puisent des éléments communs et d’autres, spécifiques aux besoins de leur propre variété. C’est une alchimie des plus subtiles au sein de laquelle - point à souligner - s’incarne notre liberté. Y apparaissent parfois des prises de conscience assorties de la question: « Qui veux-je être ? ». Si je reprends l’exemple du film évoqué plus haut, confronté à la quasi-impossibilité de s’évader et à la perspective de rester esclave, « l’homme nommé cheval » va choisir comme voie de salut de se faire intégrer à la tribu en tant que guerrier. 


Libre-arbitre 

J’ai fait référence au rôle de la liberté au sein du processus. Je refuse de penser que la matrice sociale nous détermine entièrement. Comme l’a écrit Sartre: « L’important n’est pas ce que l’on a fait de nous, mais ce que nous faisons de ce que l’on a fait de nous ». Cependant, selon ce qu’il y a en nous, selon les accommodements que nous trouverons à tel ou tel moment de notre vie avec nos faiblesses et nos vices, selon ce que nous voulons être, les gens que nous rencontrerons et ce que nous attendrons d’eux, selon les jeux du désir mimétique, selon aussi le comportement des figures publiques, nous inclinerons au meilleur, au médiocre ou au pire. J’ai vu des intellectuels de haut vol trahis par leur égo parce qu’un Prince expert en fourberie avait fait semblant de leur ouvrir son cercle intime et de leur donner accès aux secrets des dieux. Il n’y avait nulle contrainte, c’était seulement le choix qu’ils avaient fait d’écouter leur besoin d’une illusoire gloriole. A l’inverse, le cheminot à la retraite dont on a donné le nom à ma rue n’avait sans doute jamais imaginé qu’il deviendrait un héros de la Résistance et finirait, déporté, d’une balle dans la nuque. Sur l’axe du bien et du mal, le curseur de chacun d’entre nous peut se déplacer en fonction des stimuli: opportunités, peurs, personnages charismatiques qui apparaissent à une croisée des chemins, etc., mais aussi en fonction des décisions successives qui consolident celui que nous choisissons d’être. Comme le dit Francesca, le personnage incarné par Meryl Streep dans La route de Madison: « Nous sommes la somme des choix que nous avons faits ». 


Capables du pire

Sous l’impulsion d’une manipulation collective - ce que l’on appelle aujourd’hui l’ingénierie sociale - la matrice peut s’enflammer de fièvres terribles. Les 28 février et le 1er mars 1794, le village vendéen des Lucs-de-Boulogne est attaqué par l’armée de la République. Ne se contentant pas d’exterminer les habitants, hommes, femmes, enfants et vieillards, les Bleus font preuve d’imagination. Par exemple, ils clouent un bambin vivant, par la gorge, à un arbre. Comment des hommes peuvent-ils faire cela ? A certains moments de l’histoire comme celui-là, cette horreur est loin d’être un acte isolé au point qu’il est impossible d’invoquer des troubles psychiatriques. Il s’agit d’un processus qui transforme des hommes « normaux » en ignobles tortionnaires. Peu ou prou à la même époque que le massacre des Lucs-de-Boulogne, afin de participer à l’activité alors à la mode chez les adultes, les petits parisiens s’amusaient à décapiter les chats. Nous sommes capables de tout: du meilleur et du pire. La vie en société est censée nous civiliser, mais, pour peu que le pouvoir tombe en de mauvaises mains, c'est le pire que l’on extraira de nous. 

Ces dernières années, nous avons fait une expérience extraordinaire: de nombreux pays du monde ont été emportés dans le délire covidiste et nous avons vu à l’oeuvre la combinaison de fonctionnaires aux ordres avec, grâce aux médias, une manipulation sophistiquée de l’opinion publique. A cette échelle, ce n’était jamais arrivé dans l’histoire des peuples. Nous avons vu des décisions, des discours et des comportements d’un cynisme inouï. Nous avons vu resurgir la traduction laïque de l’anathème et de l’excommunication, en même temps que la délation et la coercition. Nous avons vu en particulier comment la gestion d’une prétendue crise sanitaire a offert aux membres des professions concernées l’opportunité d’exacerber leurs pulsions autoritaires. L’être humain est un magma de penchants qu’il refoule, sublime ou épouse.« Caressez un cercle, il deviendra vicieux » disait en plaisantant un de mes amis. Certains agents de la matrice sociale - et, évidemment, la propagande qu’ils sécrètent - ont le pouvoir d’actualiser nos démons intérieurs et de nous inciter à prendre ces derniers pour guides.


Evolution de la matrice

Longtemps et majoritairement l’environnement immédiat - la famille, la communauté locale - ont assuré la transmission. Puis, l’Etat s’est soucié de ne pas leur en laisser le monopole et l’école est devenue un acteur important du processus. Pour mesurer le pouvoir qui lui a été donné, il suffit de se rappeler qu’elle est parvenue à éradiquer les langues régionales. Ce qu’elle a fait avec les « patois », elle l’a fait avec d’autres sujets comme l’histoire nationale, et, depuis quelques années, tout en montrant parfois une certaine mollesse face aux problèmes comportementaux des élèves, elle entend s’immiscer dans l’intime en se mêlant d’éduquer sexuellement les enfants. 


Là-dessus, les médias ont renouvelé les murs de la célèbre caverne de Platon. Les écrans de toute nature, de toute dimension, se sont multipliés. Le temps de « cerveau disponible » qu’ils captent a considérablement augmenté.* Le résultat est que nous ne percevons plus le monde qu’à travers des images et des interprétations qui ont été choisies et assemblées à dessein. Entre les chaînes de télévision, les stations de radio et la presse écrite qui, bien qu’elles mettent en avant des divergences, sont sous la tutelle de l’Etat ou d’une poignée d’oligarques, le monde ne nous est pas montré tel qu’il est, mais tel que les intérêts des uns et des autres veulent que nous nous le représentions. C’est souvent une représentation simplifiée, réduite à une histoire simpliste de Bons et de Méchants favorable au déclenchement de réflexes pavloviens. C’est un véritable travail d’illusionniste qui consiste à capter notre attention, à la détourner de ce que l’on ne veut pas que nous voyions - le réel sans apprêts - et à la focaliser sur ce dont on veut nous obséder. On n’hésite pas à pratiquer la censure douce - l’invisibilisation de certains sujets ou de certaines personnes - ou dure: l’interdiction de diffuser certaines informations comme le « secret-défense » du gouvernement français et comme tentent de le faire au plan mondial l’OMS et ses affidés. Le philosophe Alexis Haupt appelle « médiavers » cet univers reconstruit par les médias, qui se fait passer pour la réalité. 


Transmission

Un sujet sensible est celui de l’histoire. Compte tenu du déficit d’enseignement de cette matière à l’école - quand elle n’est pas transformée en propagande politique - le cinéma prend une place prépondérante dans la représentation de notre passé. Or, il est rien moins qu’honnête. Il pèche par action et par omission. Par omission, le cinéma français pèche dans son ensemble, qui depuis longtemps ne s’intéresse quasiment plus à l’histoire de notre pays. Par omission, on peut également citer Dunkerque, le film de Nolan, qui invisibilise les efforts de l’armée française pour retarder l’avancée allemande et permettre aux Britanniques de rembarquer. Quant au péché par action, nous avons Le dernier samouraï, de Edward Zwick (2003), dont le personnage principal était dans la réalité un officier français et non un Américain revenu des guerres indiennes. Ce n’est peut-être qu’un détail, mais qui en dit long sur les libertés que prennent les producteurs. Que dire du Napoléon de Ridley Scott, sorti en 2023 ? Seulement voilà: dans une salle obscure, la puissance de l’image et du son, sur fond d’inculture du public, entraîne que la représentation des évènements ainsi reconstitués est absorbée sans esprit critique. 


La transmission aura aussi été affaiblie par l’invention dans les années 50-60 de la classe sociale des « jeunes ». Certes, quatre siècle avant notre ère, Platon dénonçait déjà la jeunesse qui ne s’intéresse qu’à la danse et à la musique et il y a toujours eu des conflits entre parents et enfants autour des limites à poser au désir. Mais le phénomène nouveau fut l’apparition des stratégies culturelles du capitalisme. Le capitalisme ne vit que de croissance, de promesses de croissance. Il a sans cesse besoin de nouveaux marchés pour se relancer. Il crée de faux besoins. Or, pour le système qui s’approprie la planète, des générations qui ne se distinguent pas suffisamment les unes des autres par l’habillement, les loisirs, les modes de vie et dont, au surplus, les plus anciennes avaient quelques anticorps face à la société de la consommation et des loisirs, induisait un manque à gagner. Il s’agissait de rompre la transmission de valeurs de sobriété, de libérer les jeunes de la tutelle et de l’exemple des aînés afin promouvoir une mode qui change le plus vite possible, le prêt à jeter... Avec le médiavers naissant, une confluence de moyens - chanteurs, concerts, 45-tours, émissions de télévision, etc. - permit de dégager la « génération yéyé », un nouveau langage, un nouveau rapport aux parents - devenus les « croulants » - et de développer de nouveaux segments de marché. Les intérêts commerciaux rejoignent ici certaines idéologies politiques que Jean-Claude Michéa a baptisées "le complexe d'Orphée": tout ce qui est d'hier est mauvais, tout ce qui est de demain est meilleur. 


Le médiavers

Une illustration frappante de la puissance du médiavers nous a été fournie par la « crise sanitaire » que j’ai évoquée plus haut. De fait, nous avons assisté à rien de moins que l’émergence d’un « soft totalitarism ». Il n’a pas les moustaches de Staline, le bonnet du Duce ou les hystéries de Hitler. Au vrai, il n’a pas de visage du tout, ce qui l’aide à passer inaperçu. Il n’a pas créé physiquement des camps de concentration ou des goulags, mais il a instauré des discriminations, des  exclusions et atomisé la société en faisant de l’autre - ce porteur de virus asymptomatique - un danger puis un ennemi. Une frayeur bien entretenue a empêché beaucoup de gens de repérer les symptômes qui ne trompent pas: l’endoctrinement, le degré de surveillance, les techniques de l’engagement, et la réduction de la liberté - de penser, de s’exprimer, de se déplacer, de disposer de son corps. 


Ces années-là sont dernière nous, mais le soft totalitarism, après ce tour de chauffe, n’en est qu’à ses débuts. Il est derrière la porte, il s'infiltre dans l'organisation des Jeux Olympiques de Paris, il attend une opportunité pour entrer et s’installer jusque dans votre salon. Les grands capitalistes, les réseaux du WEF, l’OMS et l’ONU y travaillent. Pour notre bien évidemment. C’est pourquoi l’on peut souhaiter que l’expérience de la « crise sanitaire » ait été suffisamment formatrice et que la vérité - en faveur de laquelle les études scientifiques se multiplient (dans l’ombre encore entretenue par les médias français) - soit exposée au grand jour: selon moi, l’avenir de l’espèce humaine dépend désormais de sa capacité à repérer et déjouer le plus haut possible en amont la mise en oeuvre d’une opération d’ingénierie sociale. Sinon, le l’élevage industriel deviendra le modèle d’organisation de nos sociétés.


Influencés et influenceurs

Le 20 avril 1999, Eric Harris et Dylan Klebold, s’étant introduits avec des armes dans le lycée où ils sont scolarisés, tuent douze élèves et un professeur et blessent vingt-quatre autres personnes avant de se suicider. Le « massacre de Columbine » n’est pas un cas unique aux Etats-unis et cela pose déjà question. La détention facile d’armes à feu n’en est pas une réponse: supprimer les armes éviterait des morts mais pas les causes de leur utilisation. Pourquoi, dans la société américaine, y a-t-il de telles pulsions ? Quand on regarde de plus près l’histoire des assassins, on se rend compte qu’au sein de la petite communauté scolaire ces deux jeunes étaient continûment et méchamment harcelés par d’autres lycéens. Les humiliations répétées font recuire la haine, et, comme l’être humain est un être de récits, les journaux de Harris et Klebold, que la police a récupérés, montrent qu’ils s’étaient forgé une histoire qui leur permettait de nourrir le fantasme d’un statut supérieur à ceux qui les humiliaient. Cette histoire les conduisit à l’extrême de leurs personnages. Cela n’excuse aucunement leur acte, mais on ne peut pas évincer le rôle du milieu. Le harcèlement n’explique pas tout, il est la partie émergée d’un phénomène social qui questionne notre responsabilité. 


Il s’agit de la note personnelle que nous apportons au sein de la matrice sociale. Car nous en sommes une composante. Nous sommes à la fois influencés et influenceurs. Je fais référence ici à une responsabilité diffuse que certains auront peut-être du mal à reconnaître: celle de l’atmosphère dans laquelle nous baignons, qu’en même temps nous produisons. De la société dans laquelle nous vivons, je suis responsable de plusieurs manières, et d’abord par la nature des interactions que j’ai avec mes semblables. La violence qui se cristallise sous une forme terrible, comme au lycée de Columbine, me semble être la manifestation d’un poison si sournois - ou si culturellement admis - qu’il en est imperceptible. A organiser une société basée sur le darwinisme, à prêcher la compétition de chacun contre tous, à mettre et remettre sur un piédestal des frimeurs, des prédateurs et des menteurs, peut-on s’étonner de rendre des moutons enragés ? Quel spectacle, par exemple, la récente campagne électorale nous a-t-elle principalement offert ? Celui d’une outrance verbale qui ne se modère plus, stimulant les clivages au sein d’une population qui, par delà ses divisions, devrait au contraire former un peuple conscient de ses intérêts communs fondamentaux. La compétition des marques a supplanté l’écoute et la compréhension des gens. Sans doute est-ce que mobiliser contre un « ennemi » est plus facilement fédérateur que sur des propositions positives. Mais cultiver la conflictualité ne fait qu’ajouter à la violence dont la société est déjà saturée. J’irai jusqu’à dire que la violence inconsciente et non manifestée qui, à des degrés variables, habite chacun de nous n’est pas sans rapport avec celle qui, soudain, explose dans l’espace public. Ne soyons pas les vecteurs de ce que nous n’aimons pas. Pour une société plus saine, soyons nous-mêmes plus sains. 

* Cf. dans ma revue de presse: http://larevuedepressedindisciplineintellectuelle.blogspi... 

30/06/2024

Apprentissage

(Cette chronique peut être lue comme une illustration de la précédente)

 

- Eh! les gars, le Zodiac vient vers nous. On a dû faire une bêtise !

Nous sommes une douzaine de stagiaires répartis dans trois voiliers, des dériveurs de type J/80. A bord du nôtre, nous sommes quatre à batailler tant bien que mal pour faire dans la belle baie des Sables d’Olonne notre premier virage de bord. Le moniteur, équipé d’un Zodiac, va d’un bateau à l’autre donner les consignes, rappeler les principes, parfois redresser le situations. 

 

Il y a deux mois, j’ai enfin décidé de dépasser la métaphore qui donne son titre à ce blog. Je me suis inscrit à un stage de voile afin de pouvoir mettre, littéralement et non littérairement, le cap au large! Il s’en allait temps qu’à mon âge je sorte d’une allégorie que j’utilise couramment pour vivre concrètement la situation à laquelle elle se réfère. Le stage a commencé lundi dernier. Donc, pendant une semaine, avec une petite équipe de copains façon Jules Romain ou Georges Brassens, j’ai appris avec plus ou moins de facilité à sortir le bateau du port et à l’y rentrer, à hisser les voiles, dérouler le foc - pardon: le génois! -, tenir la barre, virer de bord, doser la gite, faire un noeud de chaise, etc.

Nous plaisantons en voyant le Zodiac s’approcher, mais en même temps cette exclamation signifie que, malgré nos âges, nous avons retrouvé la vieille sensation d’inquiétude qui nous piquotait la nuque quand le « maître » passait dans les rangs afin de voir comment nous avancions sur le problème d’arithmétique qu’il nous avait donné à résoudre. Bien que T., notre moniteur, n’ait rien d’un instituteur de la IVème République et que plus d’un demi-siècle nous sépare de ces souvenirs scolaires, c’est le même réflexe conditionné qui resurgit. Combien nous aura-t-il marqué !

 

L’expérience d’un stage de voile recèle au moins quatre types d’apprentissage, qui sont autant de domaines d’exploration de soi. Il y a à acquérir des éléments d’ordre intellectuel: le vocabulaire maritime, aussi riche que précis, des phénomènes physiques à comprendre (les interactions entre  vent, voile, mer, coque et quille pour résumer), les différentes parties du bateau et leur façon de contribuer aux manoeuvres, etc. Il y a ensuite le vécu à bord, avec des moments personnels  d’affolement (« C’est quoi la « dalmatienne » qu’on me demande de tirer ? »), et, malgré notre bon naturel, aussi des phases de tension collective. « - Je t’avais dit qu’il fallait pousser la barre au lieu de la tirer vers toi! - Mais non, il ne fallait pas la pousser! Et d’abord, toi, tu n’étais pas à ta place! Et arrête de me crier dessus: ça me perturbe et ce n’est plus du plaisir pour moi! »  

 

Quatrième domaine d’apprentissage et d’exploration de soi: ce qui est d’ordre sensori-moteur. Marchez sur un pont qui n’arrête pas de bouger et vous comprendrez vite à quoi je fais allusion. J’ai découvert quant à moi que, si mon sens de l’équilibre est suffisant pour marcher et faire du vélo, en revanche il n’est pas assez développé pour que j’aie le pied marin. J’espère que cela viendra avec l’accoutumance. En tout cas, si vous avez tendance à vous mettre dans tous vos états quand on vous parle du chat de Schrödinger qui n’est ni mort ni vivant tant qu’on n’ouvre pas la boîte, ou du Covid qui serait une arnaque politico-médicale mondiale, vous relativiserez vos émois quand vous aurez expérimenté quelques sensations inhabituelles, comme d’être assis dans un bateau qui penche - qui gite! - au point que vous sentez la mer vous lécher le short. 

 

Une fois encore je ferai référence ici à Matthew B. Crawford, ce philosophe et bikeraméricain qui dénonce la perte croissante que subit notre espèce du contact réel avec le monde physique. Les sensations en mer m’ont rappelé ce qu’il décrit quand il parle de la conduite d’une motocyclette qui s’incline dans les virages et renvoie le message du sol. D’ailleurs, ajoutant si je puis dire de l’eau à ce moulin, notre moniteur nous a rapporté que, si on glisse un coussin sous les fesses d’un skipper expérimenté tandis qu’il barre, il ne sent plus son bateau et la performance de son pilotage diminue. Si l’on veut bien l’entendre, notre fondement devient ainsi un organe de perception. C’est la dimension kinesthésique de l’expérience. T. nous a demandé de barrer un moment les yeux fermés - sous réserve évidemment que les autres membres de l’équipage gardent les leurs ouverts. Nous sommes encore trop jeunes dans la pratique pour interpréter ce que notre corps ressent, mais il est indéniable qu'il reçoit plus d'informations pertinentes que nos yeux. J’imagine qu’un cavalier pourrait dire des choses semblables. 

 

Mais revenons au début du début de l’histoire. Que suis-je allé faire dans cette galère sans rames ? La vérité est que je suis né timide, que je rêvais à beaucoup de choses que je ne faisais finalement pas, et que, m’en rendant compte, j’ai multiplié les stratégies pour que ma vie n’en soit pas excessivement appauvrie. « Qui désire et n’agit point engendre pestilence » a écrit, je crois, le poète anglais William Blake. Alors, pour donner un exemple, c’est comme cela, en voulant reculer les frontières que la peur voulait me poser, que je me suis retrouvé à prendre la parole en public - au point que cela fit partie un jour de mon activité professionnelle. Ce stage de voile était ainsi une expérience supplémentaire pour accéder à davantage de liberté, pour agrandir le territoire de mes « possibles ». Il n’y a pas de plus grand ennemi de la liberté que la peur. Bien que fasciné depuis mon adolescence par la navigation à voile - effet de quelques romans et films d’aventure - puis sous le charme durable d’une croisière de quelques heures en goélette il y a une trentaine d’années, je n’étais jamais allé plus loin dans mon expérience de la mer. A soixante-seize ans, je me suis dit qu’il était temps de sortir des songeries. Comme le dit le Chat de Geluck: « Il faut faire tant qu’on est vivant ce que l’on ne pourra pas faire après ». Je me suis donc inscrit en me disant que soit ce serait une nouvelle ouverture, soit l’occasion d’exorciser un vain rêve. 

 

La peur est l’ennemie de nos potentialités. Elle est plus ou moins sournoise et s’exprime sous différents modes. Elle peut agir en amont sous la forme de l’appréhension qui nous décourage de nous engager dans certaines expériences. Il faut lui reconnaître le mérite de vouloir nous protéger des dangers qu’elle anticipe. Les Approches narratives m’ont appris qu’à la refouler on en fait une saboteuse, et qu’il vaut mieux l’accepter, l’entendre clairement et la remercier. C’est ce que l’on appelle « honorer les résistances ». En outre, comme la peur recèle de l'énergie, c’est une manière de réunifier nos forces. Dans The Mythic Path, deux psychothérapeutes américains, David Feinstein et Stanley Krippner, racontent le cas d'une de leurs patientes qui était divisée par deux tendances contradictoires: elle avait en elle un moi aventurier et un moi craintif. De ces deux tendances elle a fait deux personnages qu'elle a amenés à dialoguer pacifiquement jusqu'à trouver un accord. 

 

La première souffrance dont la peur veut nous protéger est l’humiliation. Mais, ce faisant, elle va empoisonner la dynamique de l’apprenance. Car il n’y a pas de plus grand risque d’être humilié que dans une situation d’apprentissage. A cause des choses qu’on ne comprendra pas et que d’autres comprendront plus vite. A cause des erreurs que l’on va faire tandis que d’autres ne les commettront pas. A cause de la moquerie hélas! si fréquente dans nos comportements. Alors, souvenons-nous qu’un enfant tombe en moyenne cinq mille fois avant de savoir marcher: heureusement, l’élan de conquête de la station debout est puissant, sinon nous marcherions tous à quatre pattes. Reste que la peur de l’humiliation est peut-être celle qui appauvrit le plus nos existences. Elle est présente à tout âge. Elle pourrait être plus puissante que la peur de risquer sa vie: je me suis construit à grands frais un statut social, une persona pour reprendre le langage de Jung, si celle-ci vole en éclat, je me retrouverai nu devant les autres. 

 

Il peut y avoir aussi une peur physique éventuellement disproportionnée. Celle-là ne surgit guère quand on apprend à jouer aux échecs ou à la pétanque, mais montez pour la première fois sur un dériveur et éprouvez combien il est plus difficile de rester debout que vous ne l’imaginiez! Découvrez que gîter à 45 degrés n’est pas une allure exceptionnelle, une nécessité de compétition, un mauvais moment à passer, mais une allure normale qui permet tout simplement de tirer le meilleur parti des éléments. Peut alors se présenter à votre esprit le risque de vous retrouver à l’eau. D’un seul coup, la mer autour du bateau vous semblera plus vaste, plus déserte, plus profonde et plus froide! Le fait d’avoir un gilet de sauvetage et de savoir qu’on ne vous abandonnera pas ne suffira pas à vous rassurer. Seule l’habitude pourra le faire: cela signifie que, pour la désamorcer, il faudra fréquenter cette peur jusqu’à ce qu’elle se dissolve dans la banalité.

 

Il y a des stratégies pour ne pas laisser la peur stériliser votre vie. Si l’enfant ne renonce pas à la station debout, malgré cinq mille chutes, c’est qu’il est entouré de gens qui sont debout et qui, aussi, l’encouragent avec la certitude qu’il y parviendra. Les Approches Narratives proposent un concept que je trouve singulièrement pertinent: celui du « club de vie ». Pour faire court, il s’agit de nous entourer de personnes pour qui nous avancerons naturellement vers ce que nous avons envie de faire, vers celui ou celle que nous avons envie d’être. Des gens comme Michel qui, un jour, m’a dit: « Et si on s’inscrivait ensemble au stage de voile ? » - Merci à toi, l’ami !

 

« La peur est une réaction. Le courage est une décision. » 

Winston Churchill

 

 

20/06/2024

Vivre jusqu’au bout (5): L’apprenance

 

L’apprenance: j’ai découvert ce néologisme au début des années 90, quand j’ai fait la connaissance d’Hélène Trocmé-Fabre. Elle venait alors de réaliser une série remarquable de documentaires regroupés sous le titre « J’apprends, donc je suis ». Visionner cette oeuvre fut un des moments intellectuels les plus stimulants de ma vie, d’autant que j’abordais alors un nouveau métier qu’il me fallait inventer: la formation des dirigeants. « Né pour apprendre » est comme le confluent de sept approches que détaille le film: « Né pour découvrir », « Né pour reconnaître les lois de la vie », « Né pour organiser », « Né pour créer du sens », « Né pour choisir », « Né pour innover », « Né pour échanger ». 

 

C’est dans mes conversations d’alors avec Hélène que j’ai entendu revenir cette expression: « le vivant ». Jusque là, je parlais de la nature et il y avait « la nature et nous ». Parler du « vivant » est différent: cela fait de nous, les êtres humains, non plus une entité à part qui surplombe le reste des êtres mais une des fibres sensibles de ce phénomène qu’est la vie, un flux au sein d’un flux plus large dont il reçoit élan, inspiration et connexions. A un niveau différent, il y avait là un écho d’un des grands moments intellectuels de ma vie: ma rencontre avec la pensée de Pierre Teilhard de Chardin. 

 

S’agissant d’apprenance, la première chose, essentielle dans l’approche d’Hélène, est que la réalité est à l’opposé de la métaphore qui fait de notre cerveau un ordinateur. Depuis Mallebranche et les Lumières, la tentation est permanente de tout ramener au modèle de la machine. Même ce que nous ignorons encore ne saurait échapper à ce paradigme mécaniste. On dénie ainsi au vivant, à la vie, à l’humain, leur part d’inconnaissable, leur mystère et leur irréductible transcendance. Les transhumanistes actuels sont les héritiers de ce courant de pensée, qui veulent augmenter l’homme non par l‘actualisation de ses ressources intérieures mais par l’adjonction à son corps d’artefacts technologiques. Point culminant de cette idéologie: l’immortalité serait atteinte grâce à la transformation de l’individu en données transférables dans la mémoire d’un ordinateur. Cette vision n’est pas d’aujourd’hui: William Gibson l’évoquait déjà dans son roman « Le Neuromancien », publié il y a quarante ans.  

 

L’apprenance est la disposition, parfois dormante ou asphyxiée, à apprendre continûment, au fil des heures et des jours, de manière formelle ou informelle. Elle n’est pas prisonnière des salles de classe ou de conférence et elle a l’impudence de ne pas l’être des diplômes. Elle ne se limite pas aux savoirs codifiés en vue de leur transmission. Dès lors qu’elle est éveillée - et que rien ne l'entrave - elle se nourrit de tout. Elle observe et sonde la richesse du quotidien. Elle s’étonne aisément, ce qui la conduit au questionnement: au lieu de jeter ses cultures gâtées avec un haussement d’épaules, Fleming se demanda ce qu’il s’était passé et découvrit la pénicilline. L’apprenance s’intéresse tant aux phénomènes extérieurs qu’à ceux qui se produisent au sein de notre psyché: les deux sont indissociables, notre représentation du monde naissant au point où ils se rencontrent. 

 

J’ai la chance d’être né avec un esprit curieux. J’ai eu aussi celle d’exercer des métiers qui firent de moi, modestement, une sorte d’explorateur. Et d’abord, parce que, ces métiers, étrangement, je dus les inventer. Certaines personnes font des études, obtiennent un diplôme puis exercent toute leur vie la profession correspondant à ce diplôme. C’est tout le contraire de ce que j’ai vécu. Le développement territorial, quand je m’y suis retrouvé au début des années 80, était encore dans l’enfance et, plus tard, ma dernière mission, la « formation des dirigeants » au sein d’un grand groupe coopératif, fut à créer de toutes pièces. Je considère que j’y ai réussi et avec bonheur. 

 

Le « moi » de mes vingt ans n’aurait jamais imaginé celui de mes quarante, de mes soixante ou mon moi actuel. Ils sont les produits successifs de l’apprenance qui suscite des émergences imprévisibles. 

 

Venu l’âge de la retraite - qui, si l’on écoute certains économistes, est celui de l’inutilité - stimuler l’apprenance est essentiel. Ce passage devrait être traité comme initiatique tant les facteurs de dérives sont nombreux. Je me souviens de Michel V., un ingénieur des Arts et Métiers, qui avait bénéficié de la convention des métiers de la sidérurgie, ce qui veut dire qu’après avoir été sous-directeur d’une usine qui employait un millier de salariés, il s'était retiré de bonne heure et fort heureux de cela. Trois mois plus tard, sa femme racontait qu’il restait assis toute la journée dans un coin du salon, près du téléphone qui ne sonnait jamais. La création d’une antenne d’EGEE (Entente des Générations pour l’Entreprise et l’Emploi) le sauva, ainsi que quelques autres. Avec d’anciens collègues, il créa une sorte de cabinet de conseil bénévole pour les candidats à la création d’entreprise. 

 

J’ai envie de citer quelques autres exemples, pour montrer combien l’apprenance favorise les bifurcations et la diversité. Ancien conducteur de trains, Z. se jette dans l’apprentissage de l’improvisation théâtrale pendant que son épouse, qui combat Parkinson moralement et physiquement, découvre la peinture et s’y adonne avec un succès qui lui vaut maintenant d’être exposée. Il y a aussi cet ancien directeur de ressources humaines, qui devient photographe et ne cesse d’approfondir son art, passant de la couleur au noir et blanc et des tempêtes de l’océan aux monuments et aux demeures de notre passé. Et encore ce haut-fonctionnaire de l’Inspection des Finances, qui se passionne pour les médecines alternatives et se forme à la chromatothérapie. Depuis longtemps j’ai dans l‘idée qu’il y a en nous les semences de vies différentes. Les climats, les saisons et les terroirs stimuleront la germination de l’une plutôt que d’une autre. L’accroissement de longévité dont nous avons bénéficié jusqu’à présent et la possibilité de partir en retraite sans mourir de faim font que d’autres graines peuvent germer et porter des fruits quand les générations précédentes n’avaient souvent que le temps et l’énergie d’en cultiver une. 

 

La faculté d’apprendre est une de nos facultés les plus précieuses, sinon la plus précieuse. C’est, bien sûr, celle qui nous permet de progresser dans nos connaissances et nos talents. C’est aussi celle qui nous aide à ralentir notre vieillissement. En effet, nous pouvons nous efforcer de prolonger l’existant: la force de nos muscles, notre vivacité intellectuelle, notre mémoire, mais créer de nouvelles habiletés physiques ou intellectuelles est néguentropique. Alors que l’écoulement des jours et le vieillissement auraient tendance à nous livrer de plus en plus largement à la routine des pensées et des gestes et ainsi à nous pousser vers l’état de machine, l’apprenance refait de nous des vivants dans un monde vivant. Elle nous ouvre au nouveau et ce faisant nous invite à nous réinventer sans cesse. La compréhension rénovée des choses et l’intégration de nouveaux talents refoulent la momification. Elles peuvent nous emmener très loin, au point que nous pouvons un jour nous dire: « Je ne savais pas qu’il y avait ce moi en moi. » 

 

Alors, j’en reviens à la surprotection que j’ai évoquée précédemment et, quand je pense à toutes ces personnes cloitrées dans l'appauvrissement sensoriel et relationnel, dans la fadeur désinfectée des « maisons de retraite », à l’abri de tout et surtout de la vie, je me demande s’il convient de se priver de tant de choses au motif de faire peut-être durer son existence un peu plus longtemps. 

 

Je voudrais non pas conclure mais terminer cette chronique sur une dimension qui m’est chère et qui est d’ailleurs souvent présente dans les vies renouvelées que j’ai évoquées. Si, du point de vue de l’économie classique, nous autres retraités sommes des inutiles, il n’en reste pas moins que beaucoup de choses que nous choisissons d’entreprendre peuvent rejaillir en bienfaits autour de nous. Je pourrais, pour l’illustrer, reprendre chacun des exemples que j’ai évoqués, mais celui qui me vient à l’esprit est ce petit monsieur qui, dans la rue d’à côté, sur le mince bout de jardin qu’il a en façade, entretient tout au long de l’année une symphonie de formes et de couleurs. C'est un bienfaiteur public: rien qu’à passer devant chez lui, on se sent tout réjoui.