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06/12/2007

Ethique de l'alimentation

La projection et les souvenirs associés sont un élément crucial de notre rapport aux choses. Une expérience que j’ai déjà citée montrait que, dans l’appréciation gustative de deux boissons très proches – le Pepsi et le Coca – l’aspect purement sensoriel était corrigé de manière inconsciente par des éléments d’ordre projectif, en l’occurrence la marque. Cette démonstration de «neuromarketing» fait la preuve que ce que nous savons d’un produit se fond dans l’expérience sensorielle que nous en avons.

Des aliments en manque de lien

Or, du fait des méthodes actuelles de production, les projections que nous faisons sur les aliments ont changé. Conséquence de l’industrialisation, la relation – parfois de voisinage immédiat - que nous avions avec le producteur et avec son environnement, a le plus souvent disparu. Le lien s’est dissous entre nous et ce que nous consommons. En outre, en ôtant aux produits un caractère de relative rareté, la production de masse a réduit le respect avec lequel nous les traitions. Au contraire, les bacs toujours débordants des hypermarchés suggèrent une abondance définitive. Face à cette profusion en apparence inépuisable, le « on ne gâche pas ! » de mes grands-parents ne peut que capituler.

Le "déficit d’identité" de ce que nous consommons a ouvert un boulevard sur lequel la publicité fait son cinéma. Les marchandises industrielles y cherchent à s’approprier l’écho d’une autre vie. Le fromage à la tonne prend l’accent du midi. La confiture se donne comme preuve d’amour maternel. Le café confère des aptitudes à la lévitation. Se réapproprier ce cinéma, reprendre possession de notre scène intérieure, ne serait-il pas un élément de notre liberté ? Essayons !

La vraie valeur des choses banalisées

D’abord, depuis combien de temps n’avons-nous pas regardé – vraiment regardé – ce qu’il y a dans notre assiette ? Regardons ces rondelles de carotte, cette feuille de persil ou cette pomme de terre. Demandons-nous ce que représentent ces légumes. D’où proviennent-ils ? Dans quel paysage sont-ils apparus ? Comment ont-ils été récoltés ? Que nous apportent-ils de leur pays ? Qu’en ont-ils retiré de précieux ?* Essayons de nous représenter la compétence, l’énergie, le désir de bien faire qu’a dû investir celui qui les a cultivés, et aussi sa façon de vivre, ses joies et ses peines, l’idée qu’il se fait peut-être de nous…

Passons maintenant à ce filet de poisson ou à cette tranche de foie gras. Représentons-nous l’animal dont ils proviennent. Dans quel milieu est-il né ? Quelle a été sa vie ? Lui aussi, que nous apporte-t-il de son pays ? Qu’y a-t-il retiré de précieux ? Représentons-nous également – cela fait partie du coût de notre alimentation – ce qu’ont pu être sa peur, sa souffrance, sa mort. Intéressons-nous maintenant à celui qui l’a élevé ou capturé. Quel est son quotidien ? Quelles sont ses peurs, ses joies, ses peines, ses souffrances, sa noblesse ? - Aux Sables d’Olonne, près du fort Saint-Nicolas, il y a le mémorial des marins-pêcheurs disparus en mer. Les derniers noms sont d’hier. J’y vais de temps en temps. Cela m’aide à regarder le poisson autrement.

La valeur de l'attention

Maintenant que nous nous sommes représenté le processus auquel nous les devons, nous voici en mesure de prêter une attention convenable aux saveurs que ces aliments nous proposent. Il y a combien de temps que nous n’avons pas pris le temps de humer, de mâcher ? Alors, fermons les yeux. Goûter, qu’il s’agisse d’un vin ou d’un plat, c’est percevoir des nuances, faire des aller retour entre une sensation globale et des saveurs spécifiques. C’est jouer avec la complexité…

Que peut-on gagner à cet exercice ? D’abord, un peu plus de conscience, et cela ne fait pas de mal. Ensuite, gustativement, on aura tiré davantage de ce que l’on aura consommé. On aura peut-être mieux mâché, mieux éveillé nos sucs digestifs, et on digèrera mieux. Même, vraisemblablement, on aura moins consommé car le sentiment de satiété est déclenché par la saturation des papilles. Or, moins consommer, c’est ralentir l’épuisement des écosystèmes. C’est, d’amont en aval de la chaîne alimentaire, réduire les pollutions de toute sorte. C’est – j’y suis sensible – diminuer les souffrances que nous infligeons aux animaux. C’est alléger notre organisme - avec tous les avantages que cela peut induire. C’est - aussi - donner une chance à d’autres façons de produire, moins intensives, plus qualitatives – plus humaines – de reprendre leur place dans notre budget. Sans diminuer notre plaisir. En l'ennoblissant au contraire.

* Michel Saucet, spécialiste de la pensée systémique, auteur de La sémantique générale aujourd'hui, disait un soir qu’importer des haricots verts du Kenya c’est importer de l’eau d’un pays qui en manque…

Vous pouvez aller faire un tour sur ces sites :

http://www.info-durable.be/durable.cgi?id_types=2&id_teksten=3166&taal=_fr

http://www.slowfood.fr/france

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