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12/02/2008

De l'imposture

Lors du dernier marathon de New York, l'épouse de Tom Cruise se serait présentée si fraîche et rose à l'arrivée de la course que cela aurait suscité des rumeurs malveillantes. Quelques regards aiguisés auraient même remarqué que, sous son petit top, la belle ne portait point de soutien-gorge. Or, paraît-il, quarante kilomètres sans sous-tif, c'est le mal aux tétons garanti, sans parler des conséquences à long terme. Katie arborait en revanche un mascara du meilleur effet et, sans sourciller, elle s'est juchée dès le soir sur des talons vertigineux au lieu de glisser des pieds endoloris de coureuse dans les croquenots d'usage. Bref, on la soupçonne d'avoir fait porter ses couleurs - et surtout sa puce électronique - par un monsieur qui aurait assuré pour elle l'essentiel du kilométrage. http://www.largeur.com/expArt.asp?artID=2535 Comme elle est mignonne, on est tenté par l'indulgence. On a envie d'en sourire: une frasque d'adolescente!

J'ai vécu plus dérangeant. J'évoquerai une personnalité sympathique, style boyscout, bien connue pour ses campagnes écologiques. Après avoir lu avec enthousiasme l'un de ses livres, un ouvrage très militant, je m'étais empressé de chercher une audience à laquelle délivrer la bonne parole. J'avais trouvé, à Toulouse, une réunion qui rassemble chaque année environ 1500 personnes et j'avais su convaincre les organisateurs que c'était cette personnalité-là qu'il fallait inviter. Las... Lorsque, mandaté par mes collègues, j'ai enfin pu parler à quelqu'un de son entourage - ce qui m'a pris des semaines - ç'a été pour m'entendre dire qu'à défaut d'une adhésion de l'organisation invitante à "la fondation", nous n'avions point droit à l'évangile et à son messie. Grand seigneur, j'ai eu le malheur de demander le tarif de ladite adhésion. C'étaient des centaines de milliers d'Euros avec un engagement de renouvellement sur trois ans. Et moi qui croyais, dans ma naïveté, que les 10 000 Euros d'honoraires que j'étais autorisé à proposer - pour une conférence d'une à deux heures - faisaient montre de générosité!

Continuons. Il s'agit cette fois d'un monsieur qui a parcouru le monde pour nous alerter, avec un talent consommé, quant aux effets du CO2 et à la menace du réchauffement climatique. Un grand show. Et, pour moi qui n'ai pas été insensible au discours et au style, un chaud et froid quand j'ai découvert que le même personnage - qui appelle ses compatriotes à se serrer la ceinture en matière d'énergie - possédait une résidence dont la consommation était vingt fois supérieure à celle d'un foyer moyen. Sachant que, selon Dominique Viel, il est abusif et trompeur de charger comme il le fait l'activité humaine de l'exclusivité du réchauffement climatique, il y a de quoi se poser des questions quand on constate que, avant de se croiser, notre preux chevalier a placé quelques menues économies dans le business écologique. http://www.tennesseepolicy.org/main/article.php?article_id=367

Vous vous souvenez de ce qu'on a appelé - bien à tort - la "nouvelle économie"? Elle n'avait en réalité rien de nouveau, ce n'était qu'un accès de fièvre du système qui fait de l'argent avec de l'argent et presque rien d'autre. La bourse s'ennuyait, les gestionnaires de capitaux aussi. Les services Internet montrèrent le bout du nez. Alleluia! la nouvelle ère était là! Sauf qu'à tirer sur les poireaux pour les vendre plus vite, on les a prématurément arrachés. Mais pourquoi ne recommencerait-on pas avec le "business écologique" ? Quelle importance pour un système dont 7% des flux seulement sont représentatifs d'une vraie création de richesse et 93% purement spéculatifs ?

Allez, un dernier exemple. Pour la route, comme on dit. Cette fois, il s'agit d'une ONG. Très connue pour son talent de metteur en scène. Grandes campagnes de presse sur la protection des baleines avec pour résultat une collecte de dons atteignant plusieurs dizaines de millions de dollars. Sur les comptes de l'association, 18 millions de dollars en Australie, plusieurs dizaines de millions d'autres aux Etats-Unis. L'association tire plus d'argent de ses campagnes en faveur des baleines que les baleiniers de leur activité! Pour autant, elle se plaint de ne pas avoir les moyens de remettre sa corvette à l'eau. La protection du sanctuaire des mers du Sud est suspendue. Les prédateurs ont la voie libre. Mais peut-être est-ce seulement un changement des ratios de gestion: parti du nombre de cétacés sauvés, le succès se mesure désormais à l'accroissement du nombre d'adhérents et au volume des fonds recueillis. Une évolution bien connue. http://internationalnews.over-blog.com/article-16522127.html

On va encore m'enjoindre d'être réaliste. On va me dire que, lorsqu'on est l'apôtre d'une grande cause, on est légitime à ne pas s'assujettir à la morale commune. Que l'argent est un instrument de mesure efficace. Qu'il faut savoir composer. Que c'est ainsi. Qu'on ne peut rien changer. Que ces gens-là font quand même progresser les choses.

Tout ce que vous voulez! Mais il y a une chose que je refuse de leur donner: mon admiration. Ils ont déjà leur salaire.

Commentaires

Merci Thierry. Pour les hyperliens, tu utilises la syntaxe HTML ? J'ai l'impression que cela ne marche pas.
Je suis d'accord avec toi sur l'imposture. Et l'imposteur est lui même manipulé jusqu'à l'absence du "pupet master". Ce que nous vivons aujourd'hui

Écrit par : swimmer21 | 12/02/2008

Les liens ne fonctionnent pas car la touche "insérer un hyperlien" elle-même ne réagit pas. Alors, il faut les copier pour les mettre dans le fenêtre du browser.

Pourrais-tu développer le concept "l'absence du pupet master" ?

Écrit par : Thierry | 12/02/2008

Toujours plaisir à vous lire.

Il me semble que vous mélangez deux choses de nature différente : l'imposture, en effet, d'un côté, au long des marathons (quel dommage tout de même que l'exception que vous prenez à cet authentique dépassement de soi), et l'intérêt de l'autre. Pascal : qui veut faire l'ange fait la bête. Nous devrions mieux prendre en compte l'intérêt des gens à faire ce qu'ils font ou devraient faire, y compris sur des sujets comme l'action associative en matière d'environnement ou d'éducation. On s'en porterait mieux je crois. Mais oh, horreur, ne s'agirait-il pas là d'un précepte authentiquement... libéral ?

Écrit par : Olivier | 13/02/2008

Bonjour Olivier. Jean-Jacques Rousseau disait aussi qu'il faut concevoir les constitutions pour les hommes tels qu'ils sont et non tels qu'ils devraient être. Un vieux fond chrétien me fait cependant partager l'idée qu' "on ne peut servir deux maîtres, Dieu et l'argent". Vous pouvez remplacer Dieu par "la vie", car c'est ce dont il s'agit en fin de compte. Sur une décision critique, le biais introduit par l'argent, parfois inoffensif, peut engendrer des effets papillons catastrophiques. A fortiori sur un enchaînement de décisions. Adam Smith qui disait que le marché pouvait convertir la somme des égoïsmes en avantage collectif, ajoutait: "avec la grâce de Dieu"!

Écrit par : Thierry | 13/02/2008

Rousseau, apôtre du réalisme institutionnel ? Voire.

Deux maîtres ? Et pourquoi pas aucun des deux, en remettant chacune de ces nécessités - disons, le sens et l'aisance -, et les illusiosn qu'elles génèrent, à leur place.

Quelque chose ne me va pas, je crois, dans cette diabolisation de l'argent. Tenez, regardez le magnifique exemple de l'investissement des particuliers en Amérique dans le domaine de la culture.

Après tout, dans le fond chrétien, une bonne moitié est protestante, non ?

Écrit par : Olivier | 14/02/2008

Diaboliser: le diable est celui qui divise. L'argent ne divise-t-il pas ?

Écrit par : Thierry | 14/02/2008

Non, c'est le Diable - la tentation, la pulsion, le mal - qui unifie joyeusement ! Et le Bon Dieu qui fait s'affronter les foules. Gott mit Uns...

Écrit par : Olivier | 14/02/2008

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