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26/08/2012

Contre la déprime: prendre le large!

 

Mon camarade Jean-Marc, entrepreneur, homme d’action et de réflexion, me montrait ces jours-ci une présentation qu’il a faite devant son staff. Il y analysait à sa manière les causes de la dépression qui envahit parfois les organisations - voire, ajouterais-je, une société toute entière - et je trouve que sa vision est pertinente. Dès que nous nous immergeons dans l’actualité, nous avons mille raisons d’être attristés ou inquiets, voire angoissés. Ce ne sont, pour nos entreprises, que concurrence déloyale de pays lointains, entrée de «nouveaux acteurs» qui changent les règles du jeu, règlementations chaque année plus pesantes et contrôles plus tatillons. Plus largement, ce ne sont dans tous les média que menaces, catastrophes ou naufrages. Au bout de tout cela, cela signifie souvent pour nous des changements dont nous nous passerions bien car ils viennent bousculer ce confort que représente par nature le statu quo ante. Bienvenue la déprime! Mais, disait mon camarade bordelais, si le découragement et l’envie de baisser les bras sont humains et justifiables, en revanche ils ne doivent être qu’un moment, sinon la dépression va s’enraciner et, comme une avalanche qui grossit, entraîner ses propres maux en plus de ceux dont on souffre.

 

Ne serait-ce d’abord que pour notre santé mentale, toute situation difficile appelle l’action. C’est ainsi que l’homme surmonte la peur et le découragement, non en contemplant ce qui l’effraie ou l’attriste, mais en libérant son énergie. Si vous êtes déprimé, c’est que vous ne vous autorisez pas à agir, et agir, dans un contexte qui change, c’est expérimenter. Or, c’est là que le bât blesse, que ce soit dans notre société, dans notre façon de manager nos organisations et aussi bien nos propres vies. Nous encaissons les coups mais nous les rendons rarement. Parce que, sans doute, nous éprouvons face à l’adversité un sentiment d’impuissance. Comme les animaux de la fable, nous fuyons devant l’incendie et nous sommes loin de la philosophie du colibri qui, si petite qu’elle soit, vient jeter sa goutte d’eau sur les flammes. Si le minuscule oiseau reste tout seul à le faire, il pourra toujours se dire qu’il a essayé d’enrayer la catastrophe, alors qu’il ne restera aux autres qu’à ruminer leur malheur et, à certains, tardivement éclairés, qu’à déplorer de n’avoir pas agi. Le sentiment d’impuissance puise aussi à une autre source: face aux problèmes qui surgissent et resurgissent, on a refait cent fois ce qu’on était habitué à faire dans des circonstances semblables, on a refait cent fois ce qui marchait jadis - et cela ne marche plus. Lorsqu’on on est confronté à un changement profond, les réactions du milieu ne sont plus les mêmes, les réponses du manuel doivent être oubliées au profit de l’improvisation et de l’expérience. Même le vocabulaire, - ce logiciel de notre cerveau - doit changer. Par exemple, le mot «crise» continue de nous abuser. Si, face aux évènements engendrés par le séisme financier de 2008, nous avons l’impression de boire tasse sur tasse au sein de courants erratiques, c’est que nous nous entêtons à vouloir revenir vers une côte qui n’existe plus, alors qu’il faudrait mettre le cap au large. Qu’est-ce, rigoureusement parlant, qu’une crise ? C’est un moment difficile, critique, après lequel on retrouve l’équilibre antérieur. Ce que j’ai affirmé ici maintes fois, c’est que nous n’avons plus affaire à une crise: nous sommes emportés dans une métamorphose. Si nous voulons bien admettre cette interprétation des évènements, alors nous n’investirons plus notre énergie dans une tentative désespérée de retenir ce qui est en train de mourir. Tout au contraire, nous retrousserons nos manches avec l’énergie des pionniers qui découvrent un nouveau monde. La «déprime» se nourrit donc de l’inaction dans laquelle nous nous enfermons comme dans une prison.

 

Et c’est là que le camarade Jean-Marc met le doigt où cela fait mal. Pourquoi n’expérimentons-nous pas davantage alors que tout nous y invite ? A cause du qu’en-dira-t-on! Les vers de Brassens - Non les braves gens n’aiment pas que / On suive une autre route qu’eux - sont toujours aussi vrais. Il en faut de l’audace pour essuyer le regard d’incompréhension des autres au moment de mettre une idée nouvelle en pratique! Et c’est vrai du haut en bas de la société, et quel que soit le pouvoir que l’on prête aux intéressés! Notre dernier chef d’Etat qui n’ait pas eu peur de faire scandale quand il jugeait la cause juste et nécessaire ? De Gaulle. C’est tout dire: c’est à un demi-siècle d’aujourd’hui. Souvenez-vous des effarouchements d’histrions qui l’ont accompagné à tout moment. Quand, au grand dam des Américains, il a décidé de reconnaître la République populaire de Chine. Quand il a dit ce qu’il pensait de la politique d’Israël sur les territoires occupés. Quand il a brocardé l’Europe des technocrates. Quand il a déclaré que la France préférait boire dans son verre que dans celui des autres! Je ne dis pas qu’il a toujours eu raison sur tout, mais au moins la peur du qu’en-dira-t-on ne le paralysait pas. Si vous voulez un exemple du même tonneau dans le contexte actuel, regardez du côté de l’Islande. Vous y retrouverez même le choeur des orfraies.

 

La prison du qu’en-dira-t-on nous menace partout: à la maternelle comme dans les réunions de conseil d’administration, au sein des équipes de travail comme à la table familiale, dans notre façon de travailler comme dans nos modes de vie. Je donnerai de cela un exemple modeste, mais qui est en relation directe avec cette métamorphose que, nolens volens, nous avons à vivre et où chacun d’entre nous pourrait exercer son pouvoir d’innovation. Il y a quelques années, j’ai décidé de faire l’expérience de vivre sans voiture. L’expérience dure encore. Cela ne veut pas dire que j’ai renoncé à me servir d’un véhicule motorisé, mais, majoritairement, que ce soit en région parisienne ou en province, je me déplace à pied, à vélo ou en transport en commun. Pour les déplacements plus compliqués, je recours au co-voiturage ou à la location. Bien sûr, la solution ne fut pas toujours évidente et la tentation fut parfois grande de courir chez le plus proche concessionnaire. C’est ainsi que je peux entendre les critiques actuelles à l’égard de la baisse, jugée trop timide, du prix du carburant. Mais ceux qu’aveugle le compteur de la pompe et qui ne veulent pas tenter l’expérience d’un moindre recours à la voiture ne découvriront pas que la contrainte est créatrice, qu’au fur et à mesure qu’on avance surgissent des solutions qu’on ne voyait pas et qu’au terme de la remise en question des routines on retrouve la facilité qu’on avait d’abord perdue. On regroupe ses déplacements, on se fait des circuits, on rencontre des gens qui sont dans la même démarche et, s’il y a moins de véhicules mobilisés, ceux qui le sont voient se réduire leur temps de non-utilisation, donc d’inutilité. Ce n’est pas à jouer les autruches, à réclamer une minute de grâce avant que le couperet tombe, qu’on s’adaptera positivement à un monde où le pétrole sera de plus en plus cher. C’est en se mettant en situation d’y goûter dès maintenant. Et c’est aussi vrai dans d’autres domaines que celui de l’énergie.

 

Reste, pour en revenir au propos de mon ami Jean-Marc, que c’est toujours avec une légère appréhension que j’annonce à un interlocuteur que je n’ai pas de véhicule. Au moment de lui livrer cette anomalie de mon existence, j’imagine au dessus de sa tête une bulle me représentant sous les traits d’un original éventuellement attardé et dangereux! Imaginez quand je suis amené à confier que, de temps en temps, je fais des semaines sans viande! Alors, je pense à tous ceux qui font preuve d’une bien plus grande audace que moi. Je pense à à Jean-François, à Carlos, à Françoise, à Natacha... Je pense à ces chefs d’entreprise fous qui suppriment la hiérarchie dans leurs organisations. A ces doux rêveurs qui sèment des jardins ici et là, initient des marchés gratuits, des monnaies locales. Je pense à ces hurluberlus qui créent des écoles différentes ou qui font le choix de vivre de leur maraîchage bio. Je pense aux toilettes sèches de Marc et au regard incrédule de ses visiteurs... Comme me le disait Gérard, un autre téméraire: «Ce qui m’a aidé, c’est que je ne me suis jamais comparé». Ce sera ma conclusion. Se comparer est la mort de l’innovation, car se comparer c’est inconsciemment prendre l’autre pour référence. On ne risque pas d’avancer. Le monde est comme une image faite de millions de pixels. C’est comme si chacun d’entre nous avait la responsabilité de l’un d’entre eux. Qu’il se l’approprie et ne se soucie pas du regard des autres!

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