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13/06/2014

Conspirateurs malgré eux ? (2)

 

 

D’abord, croyez-vous que les « riches »(1), parce qu’ils sont riches, sont stupides ? Croyez-vous qu’ils ignorent ce que vous vous vantez de savoir à propos des enjeux écologiques, de la pollution, de l’épuisement des ressources ou des risques climatiques ? Croyez-vous qu’ils ne sont pas capables de voir que le chaos écosystémique et l’épuisement des ressources les menacent autant qu’ils menacent le quidam du coin de la rue ? Mon opinion est qu’ils le savent aussi bien que vous et peut-être même mieux. Si l’on accepte cela - c’est-à-dire qu’ils ne sont pas plus bêtes et moins bien informés que la moyenne de la population - quelle vision de l’avenir peut-on leur supposer ? Bien sûr, quand on parle des riches, on parle d’une population variée, ne serait-ce qu’en niveau de richesse. On pourra y trouver des gens qui jouent la pendule - « Encore une petite minute d’enrichissement s’il vous plaît ! » On en trouvera d’autres qui, fortune faite, s’organisent sous protection de milice privée un petit monde loin des bruits et des puanteurs de la foule déchaînée. On en trouvera aussi d’autres qui pensent qu’il faut agir, soit parce qu'ils supputent que leurs paradis individuels pourraient ne pas survivre à un désastre planétaire, soit parce que, parvenus où ils sont, ils estiment avoir une responsabilité particulière quant à l’avenir du monde. 

 

Alors, de ce point de vue-là - l’avenir du monde - la crise qui fait chuter la consommation des pays les plus gourmands est une aubaine. Ce n’est pas, selon moi, qu’elle ait été voulue. Elle n’est, à mon avis, que le dérapage d’une hystérie qu'incarne parfaitement le héros de Scorsese: Le loup de Wall Street. Mais, pour n’avoir pas été intentionnelle, cette crise ne peut pas dissimuler la voie qu’elle pourrait ouvrir au sauvetage de la planète: les pauvres, de tout temps, ont toujours moins consommé et moins pollué que les riches. Leur empreinte écologique - ce ratio qui traduit en hectares la surface nécessaire au mode de vie d’une population - est dérisoire. Si, pour assurer à tous les Terriens le niveau moyen de consommation américain, il faudrait cinq planètes comme la nôtre - et pour celui des Français, trois - les pays à faible revenu sont au large avec une seule. Vous voyez où je veux en venir: c’est l’élévation générale d’un niveau de vie matériel nourri par la production industrielle qui a mis la planète en péril. Mais si l’essentiel de l’humanité se résout - nolens volens - à vivre frugalement, l’avenir est préservé. Notez qu’un homme comme Pierre Rabhi, qu’on ne peut suspecter d’avoir partie liée avec les tycoons, ne dit pas autre chose. Et ce n’est pas une poignée - fût-elle grosse - de multimilliardaires qui pourra déséquilibrer la balance. Le niveau global de frugalité nécessaire peut être atteint de deux manières: par la réduction de la consommation des masses - la manière douce - ou par la diminution de la population mondiale - la manière forte. Quant à l’intensité des restrictions auxquelles devrait se soumettre l’humanité, cela dépend de l’horizon de soutenabilité que l’on vise: dix ans, la fin du siècle, la fin du millénaire - ou celle du soleil. Alors, vous avez ces deux leviers à portée de votre main, vous connaissez les enjeux et vous n’ignorez rien de l’urgence de la situation: lequel empoignez-vous ?  Les deux peut-être, sachant qu’il faut ébranler de redoutables inerties. 

 

Georgia_Guidestones-e1289416857266.jpgAvez-vous entendu parler du Stonehenge américain ? (2) Ce monument, érigé en 1980 en Géorgie et financé sur des fonds anonymes, est fait de blocs de granite de près de six mètres de hauteur, sur lesquels on peut lire en huit langues - l’anglais, le russe, l’hébreu, l’arabe, l’hindi, le mandarin, le castillan et le swahili - les dix « nouveaux commandements pour un nouvel âge de Raison ». Dix commandements, rapportés par on ne sait quel Moïse d’on ne sait quel Sinaï, mais dont le premier fixe à 500 millions d’habitants la population terrestre à ne pas dépasser. Je m’abstiendrai d’en faire, comme certains, l’évidence d’une conspiration mondiale. Pour moi, ce monument est simplement révélateur d’un courant de pensée. On pourra dire alors qu’il ne représente que la poignée de riches originaux qui se sont cotisés pour l’ériger. Mais, selon moi, il manifeste bien davantage que l’opinion d’une ultra-minorité: il s’agit du courant malthusien plus ou moins éclairé qui irrigue depuis des siècles la mentalité occidentale. Quant à l’effet que ces pierres levées cherchent à produire, je dirais qu’elles visent l’imaginaire collectif: leur style dépouillé évoque les monuments qui nous restent des âges les plus anciens - ce n’est pas pour rien que l’on pense à Stonehenge - en même temps qu’il fait penser au mystérieux monolithe qui apparaît dans le film de Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace. Il y a - me semble-t-il - le désir de passer pour un message venu d’ailleurs, d’une civilisation supérieure éventuellement extra-terrestre ou d’un conseil des sages situé en dehors du temps, et qui nous dit en quelque sorte: « Attention, humains, vous êtes avertis, nous prenons date! ». J’ajouterai, d’expérience, qu’un chiffre comme celui de 500 millions, dont j’ignore la pertinence, a rarement besoin d’être démontré. Il suffit de l’asséner avec assez d’assurance et, demain ou après-demain, tout le monde le répètera comme parole d’Evangile sans qu’il ait jamais été vérifié (3). Au moindre évènement du genre famine ou pollution, on n'aura plus d'autre explication à donner que: « Ah! ben, voyons, au dessus de 500 millions d’individus, on sait bien que les grands équilibres sont compromis. » Je vous laisse à imaginer ce que cette opinion, une fois suffisamment partagée, est capable d’engendrer. Nous pouvons devenir complices d’une conspiration qui n’existe pas et, par là même, lui donner l’existence. 

 

(à suivre)

 

(1) Je veux ici parler du niveau de richesse d’un Bill Gates.

(2) Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Georgia_Guidestones 

(3) Voir par exemple les travaux de Dan Ariely sur le besoin compulsif de références de notre cerveau.

 

Commentaires

Merci Thierry de la référence à Dan Ariely, qui avait échappé à ma veille sur les biais cognitifs. Je recommande à tous les lecteurs du blog de s’intéresser de très près à ces sujets de biais cognitifs, qui permettent de mettre en perspective les/nos comportements.

Écrit par : Pierre C. | 14/06/2014

Je suis quand même étonné que la surpopulation dont on parlait tant dans les années 60-70 ne fasse plus l'objet d'un débat public alors qu'il s'agit quand même d'un sujet essentiel. Tu te souviens de "la Bombe P" de Ehlich ? Des extrapolations selon lesquelles en l'an 2000, il y aurait 5 personnes par mètre carré ? Des calculs faux et alarmistes mais quand même aujourd'hui, où est passé ce sujet ? Y a t-il un tabou imposé par les religions pour lesquelles il importe de faire "croître et (se) multiplier" les croyants ? Des bises,
Pierre

Écrit par : Pierre | 14/06/2014

Et indisciplinés de tous poils ... préparez vous à la suite (en anglais) :
http://www.theguardian.com/environment/earth-insight/2014/jun/12/pentagon-mass-civil-breakdown
via :
http://www.pauljorion.com/blog/?p=65958
sous-titre : « Le Prince a mis le Philosophe sur la liste des gens à éliminer » .... Proposition : je recommande que les libraires scindent bien dans les rayonnages : Science-Fiction, Fantasy ET ANTICIPATION, un genre littéraire bien nécessaire, qui n'a plus l'honneur d'une étagère séparée.

Écrit par : Pierre C. | 14/06/2014

Souvenons-nous des démêlées de Thomas Moore avec Henri VIII. Les philosophes s'exposent toujours à perdre la tête. C'est leur différence avec les intellos.

Écrit par : Le Jo | 14/06/2014

Mon cher Thierry, Rapidement, en ma qualité de défenseur d'un projet sociétal qui peut nourrir le monde entier, sans retomber sur une frugalité trop radicale. C'est bien sûr l'économie Bleue, qui démontre qu'un monde sans gaspillage est possible et conduit à l'abondance...
Bien sur la surconsommation, et la globalisation doivent être ramenés à des proportions plus équilibrées, et les économies régionales sérieusement ravivées...
Le résultat, les besoins de base de tous garantis, en ce compris le possibilité pour chacun de s'élever, librement, et de façon auto-déterminée, au maximum de ses possibilités. La condition: utiliser localement ce qui est disponible localement... Revenir en quelque sorte à une culture matérielle qui puise dans la passé, se base sur l'actuel, mais est orientée vers l'avenir.. Une autre condition: une conscience nouvelle, basée sur une vision systémique de la vie... qui amènera des comportements nouveaux et célèbrera la coopération pour découvrir, célébrer et multiplier les interconnections omniprésentes conductives à la vie

Une référence:
Fritjof Capra et Hazel Henderson dans leur court article "Qualitative Growth"

Écrit par : Charles van der Haegen | 15/06/2014

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