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20/03/2019

De l’empoisonnement invisible de la vie démocratique (suite)

 

Les médias de masse ont une spécialité: construire des entonnoirs dans lesquels les naïfs tombent en croyant qu'il n'y a rien à l'extérieur. Voilà ce que sont aujourd’hui une campagne et des élections démocratiques: un entonnoir. Cela démontre une chose, c’est que l’on ne fait pas vivre la démocratie en se réveillant à la veille des élections pour choisir un candidat comme l’on parie au tiercé avant de se rendormir. On ne la fait pas vivre à accepter, mandat après mandat, de jouer avec des dés pipés, de choisir les hommes et les femmes qui dirigeront la France et la représenteront, comme on choisit les acteurs d’une série télévisée, dans un casting manipulé qui mène inéluctablement au vote dit « utile ».

 

Faire vivre la démocratie suppose de discerner ces pièges, de réfléchir et de penser, en particulier dans une perspective à long terme. Réfléchir, réfléchir vraiment, exige de prendre du recul, de mettre de la distance avec les émotions du moment, de s’intéresser à l’histoire qui traverse les siècles et de se méfier des productions médiatiques. J‘emploie à dessein ce terme de « production », car les médias de masse, tout en donnant l’impression qu’ils sont objectifs - un cinéaste pourrait vous dire qu’il n’y a rien de moins objectif qu’une image - sont devenus maîtres en storytelling. Ce qu’ils appellent traitement de l’information est, sur le mode d’un zapping accéléré, un assemblage de symboles, de petites phrases, destiné à jouer sur vos réactions émotionnelles et à téléguider votre interprétation des évènements.

 

En outre, en reprenant une vision au ras du sol, la guerre pour votre attention est permanente, et, du point de vue ergonomique, penser est devenu une gageure. Beaucoup de nos outils quotidiens et des habitudes qu’ils ont entraînées conspirent pour rompre sans cesse le fil de notre réflexion. D’incessantes intrusions nous invitent à l’émiettement. Ne parlons pas du téléphone portable qui, au surplus, "rapproche de ceux qui sont loin et éloigne de ceux qui sont proches ». Mais observez simplement ce qui se passe quand vous êtes devant votre écran à rédiger un article, un projet ou un message. Des « notifications » visuelles et sonores vous annoncent au fur et à mesure les messages entrants. « Tiens, vous dites-vous alors, un message d’Untel ? Que me veut-il ? » Autre scénario: vous êtes sur Facebook en train de lire un article ou de rédiger un « post ». A tout moment, on vous signale que Pierre, Paul ou Jacques a rédigé un commentaire. Qu’ont-ils bien pu écrire ? Vous mettez le doigt dans l’engrenage et pour peu que l’un de ces commentaires vous excite la bile, cela va vous coûter plusieurs minutes de votre temps et achever de ruiner votre concentration.

 

Vous tentez une diète du même Facebook ? Des alertes vous informent jusque dans votre boîte-aux-lettres que tel « ami » a fait ceci ou cela. Lorsque je vois le nom de certains qui sont particulièrement drôles ou talentueux, je dois résister à l’envie d’aller voir. Allons maintenant piocher dans les mails eux-mêmes. Celui-ci me propose de signer une pétition sur le sort des éléphants d'Afrique. Une cause qui m’est chère: comment passer outre ? Un autre me parle d’une réunion sur un de ces sujets qu’il est bon d’approfondir: la transition écologique, le management participatif, que sais-je ? J’ai tant de sujets d’intérêt que je suis facile à piéger ! Bien sûr, je pourrais les mettre à la poubelle sans les lire. Mais... si je manquais une information importante ? Si ma voix faisait défaut à une cause que j’ai à coeur de soutenir ? Me voilà, fébrile, à parcourir tous ces mails.

 


Essayez d’évaluer le temps que vous passez ainsi à rebondir, comme une balle de pingpong, de mail en pop up et de pop up en notifications. Ajoutez-y celui où vous vous laissez happer par votre « vie de consommateur ». Imaginez maintenant que, de ce temps-là, vous repreniez un bout pour le consacrer à ce que j’appelle « la vie démocratique ». Peut-être allez-vous me répondre qu’au terme d'une journée de travail, vous manquez un peu d’énergie. Et qu’au terme d'une semaine, se soucier de consommation, faire la patate de canapé, est plus agréable que se réunir avec ses semblables pour réfléchir et échanger. Que de tentations plus simples, plus délicieuses, que la démocratie !

(à suivre)

Commentaires

Très juste, cher Thierry !

Écrit par : Mayeur | 20/03/2019

C'est exactement le problème. L'important est à l'extérieur, out of the box. Il faut savoir passer du temps à s'informer, à échanger, et prendre le temps du recul. Incompatible avec la vie active pour la plupart.

Écrit par : Jean-Marie Chastagnol | 20/03/2019

C'est exactement le problème. L'important est à l'extérieur, out of the box. Il faut savoir passer du temps à s'informer, à échanger, et prendre le temps du recul. Incompatible avec la vie active pour la plupart.

Écrit par : Jean-Marie Chastagnol | 20/03/2019

C'est exactement le problème. L'important est à l'extérieur, out of the box. Il faut savoir passer du temps à s'informer, à échanger, et prendre le temps du recul. Incompatible avec la vie active pour la plupart.

Écrit par : Jean-Marie Chastagnol | 20/03/2019

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