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13/07/2020

Questions sans réponses ?

 

 

- Te rends-tu compte, cela fait deux mois que ma banque ne m’a pas rappelé à l’ordre !

- Comment cela ?

- Ben, au moment du débit des mes paiements par carte, c’était rare qu’elle ne m’avertisse pas que j’allais être en découvert.

- Et alors ?

- Alors ? Cela me mettait toujours mal à l’aise. J’avais le sentiment d’être pris en faute. Même si je paye pour mes écarts des « commissions d’intervention » qui, à force, me coûtent cher. Puis cela m’inquiétait aussi de taper dans ma petite épargne pour régulariser.

- Je te l’ai déjà dit: cherche un job qui paye mieux !

- Mais je n’ai pas envie de changer de job! Je me plais ici. Ecoute, j’ai regardé mes comptes: pour la première fois depuis longtemps, du fait du confinement, j’ai dépensé 20% de moins que ce que je gagne.

- Cela ne va pas durer. Tu vas reprendre tes habitudes !

- Justement, je n’en ai pas envie. Les sorties au restau, par exemple, ça ne me dit plus rien et il y a plein d’autres choses comme celle-là.

- Notre ami Jojo, avec le confinement et la lenteur de la reprise, il est au bord du dépôt de bilan.

- Oh! m… ! Le pauvre !

- Ben, oui, c’est avec des Amish comme toi que le commerce ne reprend pas !

- Mais si je n’ai pas envie… Je ne vais pas me forcer !

- Que vas-tu faire de l’argent que tu as économisé ?

- Je ne sais pas. Mais cela me rassure de ne pas être tout le temps sur le fil du rasoir.


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- Ce confinement a été l’occasion de découvrir la « sobriété heureuse » !

- Et de casser l’économie…

- De toute façon, le tissu économique doit évoluer si l’on veut économiser les ressources, réduire la pollution…

- Et le CO2. Je sais. En attendant, tout se casse la figure, la construction aéronautique, les compagnies aériennes…

- Tu pensais que les choses pourraient changer en douceur ?

- Je n’ai jamais imaginé ce que nous avons sous les yeux !

- Et alors ?

- C’est de la destruction !

- La « destruction créatrice » de Schumpeter. On nous en a rebattu les oreilles et, tout d’un coup, ça ne marche plus ?

- Où vois-tu la création ? Je vois la destruction mais pas la création !

- A chaque changement, on voit d’abord ce que l’on perd. Pourtant il y a aussi de nouveaux emplois possibles.

- Lesquels ? Tout le monde à la terre, pour cultiver des navets bio, c’est cela tes nouveaux emplois ? Mon beau-frère est ingénieur, il pointera peut-être demain au chomdu. Qu’est-ce que tu lui proposes ?

- Peut-être aura-t-il lui-même des idées de reconversion ?

- Facile !

- Nous étions d’accord que cela ne pouvait pas durer, que depuis cinquante ans on allait dans le mur. Tu préfères maintenant aller dans le mur et laisser une planète appauvrie et en ruines ?

- Je pensais que cela pourrait se passer progressivement, en douceur.. Mais là…


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- Cela me rappelle quand j’ai arrêté de fumer. Une fois dépassée la période difficile, l’odeur du tabac me dégoutait comme une tentative de subvertir ma volonté.

- Et là, qu’est-ce qui te dégoute ?

- Le racolage des vitrines !

- Il n’y a rien de plus normal. Les commerçant n’ont pas vendu pendant deux mois.

- Je sais, mais je n’y peux rien, je trouvais cela charmant, maintenant ça m’agace. Je commence à trouver stupide de vendre des vêtements qu’on a à peine le temps d’user. Donner des robes de l’an dernier que j’ai à peine portées pour faire de la place à de nouvelles que je ne porterai guère plus…

- C’est une question de mode…

- Justement ! Qu’est-ce qui justifie que des gens que je ne connais pas m’imposent des « tendances » ?

- Oulala ! Je ne t’ai jamais vue remontée comme cela !

- Les pubs à la télé, c’est pareil. Je ne les supporte plus. Je les trouve exécrables. Celles qui jouent sur l’humour font de leurs personnages des pantins, et les autres, comme celles pour les voitures, transforment de vraies valeurs en sirop pour gogos.

- Tu es en pleine révolution culturelle !

- Je me rends compte à quel point, sous prétexte de m’offrir la réponse à mes « désirs », j’étais manipulée!

- Et maintenant que tu t’es démanipulée, que vas-tu faire ?


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- Le truc que tu dois comprendre, c’est que tu n’es pas seulement payé pour produire.

- Pour quoi d’autre suis-je donc payé ?

- Pour consommer évidemment !

- ?

- Mais oui, la machine économique ne fonctionne pas si tu te contentes de produire. Tu dois aussi consommer. Tu as deux boulots: l’un au bureau, l’autre chez toi.

- C’est une vision d’intello ça, non ?

- Pour que la machine fonctionne, tu dois consommer: c’est intello ça ? Celui qui épargne est un tricheur, une sorte de gréviste!

- Et si je n’ai pas envie, on ne va pas me forcer ?

- Indirectement, pour « soutenir l’économie », on te taxera d’une manière ou d’une autre.

- Mais, après tout, pourquoi faudrait-il que la machine économique fonctionne ?

- Et l’emploi, le commerce, qu’en fais-tu ?

- Ah! oui, l’emploi…

- Tu vois ?

- Oui, je vois… C’est bizarre, soudain j’ai l’impression d’une prison.

- D’une prison ? Tout au contraire: tu as plus ce choix pour dépenser ton argent que n’en avait Louis XIV !

- Oui, mais…

- Mais ?

- Vivre, c’est autre chose que choisir sur un étalage. Un étalage, en outre, qui a été organisé par d’autres.

- Il est riche, quand même, cet étalage !

- Il est riche mais il m’enferme. Si je n’achète pas, me voilà mauvais citoyen, complice de l’effondrement économique !

- Tu bénéficies du système, n’est-ce pas légitime qu’il attende quelque chose de toi ?

- Depuis trente ans que je bosse, il y a un truc que j’ai entendu des milliers de fois: « faut s’adapter! ». Et si c’était au tour du système de s’adapter pour une fois ?

 

S’il y a des lecteurs qui ont envie de donner des réponses à ces "questions sans réponse", qu’ils mettent un commentaire sous ces saynètes ou bien m’adressent un mail: dans le cadre d’un projet en cours de mûrissement avec quelques amis, on verra ce que l’on pourrait initier ensemble.