12/02/2023
Création de la Revue de Presse d'Indiscipline Intellectuelle
Il ne se passe guère de jour que je ne décèle, dans la masse des informations qui circulent, quelque pépite intellectuelle. Cela vient nourrir ma réflexion mais ne se retrouve pas toujours dans mes chroniques.
Une pépite intellectuelle est pour moi quelque chose qui fait réfléchir même si l'on n'adhère pas systématiquement aux idées qui sont exposées, et - on ne se refait pas - la pertinence du propos tient beaucoup pour moi à son impertinence, de même que l'intérêt d'une personne, outre son intelligence, à son courage.
La survie de la pensée ne peut être garantie que si l'on s'intéresse à ceux que Howard Bloom appelle les "agents de diversité": ceux qui se détournent des ombres organisées de la caverne de Platon. La résilience d'un écosystème nécessite la diversité. Il en est de même pour la pensée.
C'est ainsi que j'ai ressenti le désir de partager au fil des jours les pépites qui me tombent sous les yeux. Le résultat est un blog complémentaire à Indiscipline Intellectuelle: ma revue de presse. Je ferai ces mises en ligne au fil des jours et, a priori, je les regrouperai en une newsletter hebdomadaire que vous pourrez recevoir en vous inscrivant.
Je viens d'effectuer les premières mises en ligne : http://larevuedepressedindisciplineintellectuelle.bloghttp://larevuedepressedindisciplineintellectuelle.blogspirit.com/archive/2023/02/11/francis-halle-nos-forets-francaises-sont-d-une-pauvrete-dese-3336800.html et http://larevuedepressedindisciplineintellectuelle.blogspirit.com/archive/2023/02/11/ramping-up-wind-turbines-solar-panels-and-electric-vehicles-3336804.html
A propos du deuxième article, je présente mes excuses aux lecteurs non anglophones: il y aura de temps en temps des documents en anglais que malheureusement je n'ai pas le temps de traduire.
Comme à mon habitude, par principe, les commentaires sont libres. Je souhaite simplement qu'ils restent civilisés.
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11/02/2023
Haïssable religion ?
Du fanatisme et de l’intolérance
Je veux bien entendre le discours des partisans de la laïcité sur les signes religieux dans l’espace public, même si je les trouve d’une mesquinerie obsessionnelle. Comme je l’ai déjà écrit, quel danger peut représenter pour les citoyens la vue d’une statue de Saint-Michel à un rond-point, ou d’un calvaire en rase campagne ? Mais, enfin, reconnaissons qu’ils sont logiques avec eux-mêmes. Ils jurent encore dans la parole d’un de leurs maîtres: « Il faut écraser l’infâme! »* C’est-à-dire, pour reprendre la formule de Claude Bernard, tout ce que l’on ne peut trouver « sous le scalpel » et qui relèverait donc de superstitions nuisibles à la santé mentale. On peut comprendre le souci des partisans de la laïcité si, des religions, on ne retient que l’intolérance qui, entre autres choses, mène aux persécutions et à l’obstruction à la science, et si on fait de ces phénomènes une spécificité du fait religieux. Mais c’est justement sur ce second point, la spécificité de l’intolérance, qu’il y a matière à réfléchir.
Faisons-nous l’avocat du diable. Le concept d’hérésie - a priori typiquement religieux - pourrait n’être en lui-même qu’une manière de circonscrire le dogme officiel, mais il s’aggrave du sort qui à certaines époques fut réservé aux hérétiques. Sans remonter, en Europe, à la croisade contre les Albigeois, la seule affaire Calas a de quoi retourner les sangs. Jean Calas, marchand d’étoffes à Toulouse, protestant, est accusé d’avoir étranglé l’un de ses fils qui voulait se convertir au catholicisme. Il n’y a pas l’ombre du quart d’une preuve, mais Calas - qui jusqu’au bout criera son innocence - souffre en tant que protestant et en raison du projet de son fils d’un préjugé défavorable. Il subira la torture, aura les membres brisés sur la roue en place publique et, pour abréger son supplice, par faveur du tribunal, sera étranglé. Voltaire, ayant d’abord cru en la culpabilité de Calas, rencontrera à Genève un autre de ses fils. Au terme de leurs discussions, il changera d’avis et aidera brillamment à sa réhabilitation. Quant à l’obstruction à la science, elle est illustrée en Europe par l’histoire emblématique de Galilée, sommé par l’Eglise de renier sa théorie de la Terre qui tourne. Dans l’affaire Calas comme dans l’affaire Galilée, on peut considérer ce point commun: l’entrave à la révélation de la vérité. On peut donc charger la religion de crimes indéniables et l’histoire des sorcières de Salem, de Michel Servet, mais aussi des nombreux chrétiens qui, de nos jours, souffrent et meurent de persécutions larvées ou directes à cause de leur foi, est là pour en témoigner.
Mais s’agit-il d’une dérive spécifique à la religion ? En ce qui concerne le christianisme dont notre civilisation est issue, on peut se demander à quel moment Jésus a prescrit de faire souffrir et tuer les gens pour leurs opinions ? N’est-ce pas lui, au contraire, qui s’est livré à la torture et à la crucifixion ? Ne s’agit-il donc pas, plutôt que d’un fait spécifiquement religieux, d’une instrumentalisation de la religion ? L’intolérance n’est-elle pas plutôt un comportement trop humain qui n’a besoin que d’un os à ronger, qu’il soit ou non religieux, pour s’exacerber ? J’ai maintes fois évoqué ici l’histoire d’Ignace Semmelweis (1818-1865) qui avait soupçonné la cause des fièvres puerpérales dont mourraient principalement les femmes des milieux pauvres - celles qui n’accouchaient pas chez elles mais à l’hôpital. Sur une intuition, il demanda aux médecins et aux étudiants qui passaient directement des salles de dissection des cadavres aux salles d’accouchement de se laver les mains. Le nombre des décès chuta spectaculairement. Mais voilà, quand il présenta son hypothèse à ces messieurs ce fut le scandale: ils véhiculaient, leur dit-il, un facteur invisible. « Un facteur invisible ! Mais c’est de la superstition, de l’obscurantisme! Au temps des Lumières ! On se moque de nous! » On cessa de se laver les mains, les décès reprirent de plus belle sans que personne, considérant cette coïncidence, revînt en arrière. Semmelweis finit dans un asile de fous, maltraités par les infirmiers. Bien sûr, on ne lui a pas fait subir la question ordinaire comme à Calas; on ne lui a pas cloué la langue sur un tasseau et on ne l’a pas brûlé vif comme Giordano Bruno. Mais, outre la folie dont il est mort, que penser des milliers de femmes qui continuèrent de mourir jusqu’à ce que le microscope de Pasteur révélât l’existence des bactéries ? Ce qui m’intéresse dans cet exemple est le processus mental qui, en dépit de l’invocation des Lumières, fait l’amalgame entre l’hypothèse d’une cause invisible et un retour de l’obscurantisme. Un tel raisonnement n’est pas scientifique, il relève de la pensée magique.
La disposition à établir une doxa, à diagnostiquer des hérésies et à persécuter les hérétiques relève davantage d’une tournure des passions humaines que spécifiquement de la religion. On pourrait évoquer, dans un autre domaine, les pays emportés par la vague du communisme. On pourrait évoquer, n’en déplaise à certains, la Révolution française ! Combien de têtes sont-elles tombées du fait de l’intolérance et du fanatisme ?
Mais, beaucoup plus proche de nous, on pourrait aussi se repasser le film de la « crise sanitaire », des empoignades qu’il y eut autour de la nature du coronavirus, des mesures prises et des traitements à refuser ou appliquer. Au motif de sauver des vies sinon des âmes, l’intolérance a fait merveille. Les injures, les malédictions et les anathèmes ont fusé de partout. C’est allé jusqu’à ce qu’un médicastre de Nantes menace de mort le professeur Raoult et qu’un homme politique s’exprime grossièrement à l’encontre des personnes refusant les injections expérimentales***. C’est allé jusqu’à ce que l’on traite de vieillard gâteux un de nos prix Nobel de médecine et qu’il soit inhumé dans le silence officiel. C’est allé jusqu’à un usage inouï de la censure: on a cloué la langue des dissidents, faisant ainsi obstruction à la recherche de la vérité. Au nom de la science, on a fait taire ce qu’il y a de plus scientifique dans la démarche scientifique: le doute et le questionnement. Et c’est allé - cela rappellera la triste histoire de Semmelweis - jusqu’à ce que des malades meurent par milliers de l’interdiction des traitements précoces. Nous avons assisté à une forme d’ayatollisation qui n’a toujours pas fait amende honorable. Imaginez pourtant les discours que l’on aurait entendus si une religion avait été la source de ces violences, de ces dégâts et de ces drames.
La corruption, certes, peut expliquer en partie ces comportements et l’enquête dont rend compte le livre « Les gardiens de la raison »* démontre qu’elle existe et à une échelle impressionnante dans les milieux de la santé. Mais, selon moi, cette explication ne couvre pas l’ensemble du phénomène. La bonne foi, la conviction de défendre la juste cause, peuvent aussi expliquer l’extrémisme des conduites. Plus encore, peut-être, l’attachement à une représentation du progrès, aux thérapies qui mettent en valeur l’ingénierie des laboratoires. Vous imaginez, indépendamment des aspects financiers, si les acrobaties technologiques venaient à être bêtement battues par un simple remède contre la gale ou la malaria ? A maladie complexe, il faut un remède complexe ! Chez les blouses blanches, le sentiment de détenir la vérité, en particulier face à des ignorants qui freinent des quatre pattes, exacerbe les tendances autoritaristes de l’humain. Donnez un os à un chien et quand vous vous approcherez de lui, il grondera et menacera de vous mordre. La religion n’est qu’un os parmi d’autres dont notre espèce peut nourrir ses dérives. Les idéologies scientifiques et politiques font tout aussi bien l’affaire.
Une autre chose est à prendre en compte: l’institutionnalisation. Lors d’un débat entre Edgar Morin, Frédéric Lenoir et Régis Debray, l’un d’entre eux déclara (je crois que c’était Régis Debray): « L’Eglise a la lourde tâche de transmettre un message qui la condamne ». Nous touchons là à une autre source du fanatisme: le corporatisme. Quand le message procure une légitimité à une institution, menacer le message menace l’institution, et les réactions de celle-ci peuvent l’éloigner du message. En outre les institutions sont imbriquées dans le monde et ses adversités. Comme l’a écrit je ne sais plus qui: « le moine peut faire voeu de pauvreté, pas le couvent ». Dès qu’il y a institutionnalisation, il y a l’apparition de nouvelles contraintes et l’on rentre dans un jeu avec les autres acteurs de la société. La condamnation de Jeanne d’Arc par l’évêque Cauchon en est l'illustration.
Une institution qui se sent défiée défendra son autorité plutôt que ses valeurs. Elle se crispera jusqu’à lancer, en s’appuyant sur la peur, la chasses aux sorcières - s'agissant du covid, les médecins qui soignent. Elle fera des procès et excommuniera - les conseils disciplinaires de l'Ordre des Médecins et les radiations. Lors de la crise sanitaire, où a-t-on vu les réactions les plus saines dans le secteur médical ? Chez des individus courageux, souvent solitaires, qui avaient continué à penser et à avoir le souci de l’humain. Où a-t-on vu les inquisiteurs les plus bornés et les plus fanatiques ? Où ce fanatisme sévit-il encore malgré les démentis qui arrivent de plus en plus nombreux ? Qui dénonce les médecins dont les ordonnances trahissent la liberté de prescrire ? Qui continue d’excommunier des professionnels de la santé qui ont fait état de leurs doutes quant à la politique sanitaire** ?
D’évidence, l’intolérance et le fanatisme font facilement rage au sein de la société, et la religion n’y a rien à voir - et la laïcité rien à dire !
* Voltaire.
** Injections dont on commence à voir les dégâts aujourd’hui, malgré l’omerta de la presse subventionnée: https://odysee.com/@TVL:e/2023-01-31---Chaillot-Odysee-72...
*** Stéphane Foucart, Stéphane Horel, Sylvain Laurens, Les gardiens de la raison, Enquête sur la désinformation scientifique, La Découverte, 2020.
**** Exemple récent: https://lemediaen442.fr/dr-amine-umlil-la-revocation-brut...
10:30 | Lien permanent | Commentaires (1)
07/02/2023
Systèmes immunitaires 7/7
Puritanisme
Ce que nous venons de voir est la stratégie d’une autorité centrale, dominante, qui, sans utiliser la force brutale, veut intimer l’obéissance à une population. Le principe est que le matraquage doit être seulement mental afin de ne pas susciter de réactions de révolte. C’est donc par une tétanisation initiale puis par les pièges issus de la théorie de l’engagement - l’autorisation auto-délivrée et les premiers petits gestes de soumission qui faciliteront les suivants - qu’elle va obtenir le comportement visé, jusqu’à l’acceptation par une majorité de la population de se faire injecter une substance expérimentale - mais aussi celle de cautionner la suspension des professionnels qui ont refusé cette injection et l’interdiction d’exercer aux médecins qui ont osé soigner et guérir.
Ce que nous allons survoler maintenant est d’un autre ordre. Il s’agit de la stratégie de minorités parfois microscopiques et qui ne disposent pas du pouvoir central, afin de lézarder le système culturel d’une société. N’oublions cependant pas que, pour sembler émaner d’intérêts différents et avoir des objectifs limités, ces minorités, par leurs actions, consciemment ou non, volontairement ou non, peuvent servir les desseins plus larges d’autres pouvoirs situés en amont de leurs agitations. Certains magnats sont passés maîtres dans l’art de subventionner les idiots utiles de tout poil pour faire advenir le monde qu’ils veulent: une société liquide où chacun n’est plus qu’une molécule au sein d’un courant que l’on oriente où l’on veut. On peut d’ailleurs imaginer qu’un peuple sans mémoire se trouve un jour face à la stratégie d’un état central telle que je l’ai précédemment évoquée: faute des références, des avertissements que pourrait lui procurer son passé, il manquerait des outils d’analyse pour discerner ce qui se passe, et les ressorts de l’action - par exemple la mémoire de la Résistance - lui feraient défaut.
Si, derrière la cancel culture ou le wokisme, on peut voir des causes hétérogènes, leur modus operandi est le même: miner. Miner ce qui fait la résistance d’une population à ce qu’on veut lui faire accepter. Miner, donc, les éléments de sa culture, ses structures traditionnelles, ses valeurs, son identité, et bien sûr les symboles et les récits qui assurent leur transmission. Par delà la diversité et la spécificité des luttes le résultat est de vermouler la société comme le feraient d’une charpente des insectes d’espèces différentes. Au delà des causes diverses qui s’expriment, toutes ces revendications servent au final, nolens volens, le désir d’une élite d’en finir à la fois avec la résistance de l’humain qui empêche d’installer les solutions qu’elle imagine aux différents périls planétaires qu’on lui attribue, et avec son manque de malléabilité qui empêche de pousser à l’extrême toutes les expériences de transformation imaginables de l’espèce, dont celles que propose le transhumanisme.
Cachez ce sein ?
Il y aurait en France certaines populations que la vue de certaines choses est susceptible d’offenser ou tout au moins de mettre mal à l’aise. En tout cas, c'est ce que certains prétendent. Par respect pour ces populations sensibles, par fraternité même pourrait-on dire, il convient de leur épargner ces confrontations gênantes. Mais s’agit-il en l’occurrence du plug anal de Paul McCarthy, qui fut dressé place Vendôme, du « vagin de la reine » d’Anish Kapoor exposé au château de Versailles, de la statue de « femme pissant debout » érigée à Nantes, ou des « performances » exhibitionnistes de certains artistes ? Bien sûr que non! La source de possibles malaises serait des aspects obscènes de notre histoire et de nos traditions populaires, et les victimes en seraient des populations de culture étrangère. Par exemple, selon une certaine porte-parole politique, il conviendrait que Noël ne s’appelle plus Noël afin de ne pas choquer les musulmans qui vivent en France*. Cela signifie donc que c’est à notre culture de faire le sacrifice d’elle-même. Mais où est la logique de s’effacer devant l’autre qui, lui, ne s’efface pas ? Où cela nous conduit-il ?
Les statues à caractère religieux et les crèches font l’objet d’assauts réguliers qui se légitiment de la laïcité. Croyez-vous qu’une statue de Saint-Michel dressée à un carrefour endoctrine les foules qui passent devant elle ? N’est-elle pas plutôt perçue distraitement comme une oeuvre d’art, un repère géographique ? Aujourd’hui, cette persécution des signes religieux prend, selon moi, des significations supplémentaires. Alors que l’on veut initier les enfants très tôt au café du pauvre, les encourager à douter de leur sexe et à demander les mutilations « trans » avant même qu’ils aient atteint l’adolescence; alors que Disney sur-représente dans ses dessins animés certaines options de genre plus exhibitionnistes que significatives, qu’une commune invite des drag queens à faire un spectacle scolaire, la vue d’une crèche, avec « un papa, une maman et un bébé » - une famille réactionnaire - représente un frein à l’évolution que veulent certains**.
La cancel culture vient des Etats-Unis où le puritanisme des origines, contrairement aux apparences, a laissé une marque profonde. Le contenu de la notion de pureté a changé, mais des sorcières de Salem à la cancel culture et au wokisme en passant par le maccarthysme, l’habitus est le même. Il s’agit de chasser et de purifier. Aujourd’hui, en résumé, il s’agit d’effacer tout ce qui, pour quelque groupuscule que ce soit, peut nourrir un grief. Ainsi on débaptisera des rues et des places, on déboulonnera des statues, on pratiquera la censure des oeuvres. C’est à la fois un courant et, me semble-il, une posture, voire un trouble obsessionnel compulsif. Peu importe ce que tel ou tel personnage a pu apporter de bénéfique en dehors de ce qui lui est reproché à tort ou à raison. Le puritanisme ne supporte que les purs. Je prends un exemple, en Vendée: celui du lycée Soljenitsyne. En 2022, un groupuscule pompeusement appelé « collectif » reproche au dissident russe, mort en 2008, sa proximité de Poutine et demande que l’établissement change de nom. Que Soljenitsyne ait été, dans la guerre contre l’armée nazie, un officier d’artillerie exemplaire ne compte pas. Qu’il ait été condamné, en 1945, à huit années de camp disciplinaire pour avoir critiqué Staline ne compte pas. Que le territoire de la Russie lui ait été interdit jusqu’en 1959 ne compte pas. Qu’il ait été le premier à révéler l’existence des camps en URSS ne compte pas. Que, sous Brejnev, la police ait saisi ses manuscrits ne compte pas. Qu’en 1974, il ait été déchu de sa citoyenneté et expulsé de son pays ne compte pas. Qu’il ait révélé au monde entier le fonctionnement de l’univers concentrationnaire de l’URSS ne compte pas. Non, la seule chose à retenir de cette vie, ce n’est même pas le prix Nobel, c’est sa proximité de Vladimir Poutine, le chef de l’Etat de son propre pays. Mais qui donc sont ceux qui prétendent juger cet homme à titre posthume ? Quels états de service supérieurs aux siens ont-ils à nous montrer ?
On me dira que j’aurais pu prendre un personnage moins facile à défendre que celui de Soljenitsyne, par exemple celui de Napoléon Ier dont la statue équestre, à La Roche-sur-Yon, a également été menacée. Il est incontestable que l’on aurait pu se passer de son épopée guerrière, encore que, selon certains, on peut y voir l’exportation d’une violence que la Révolution avait exacerbée. Même si l’on ne partage pas cette analyse, faut-il pour autant tenir pour dérisoire que Napoléon ait mis un terme à un chaos interminable, re-stabilisé le pouvoir, laissé des institutions solides et un socle législatif dont nous bénéficions encore ? Faut-il oublier - on me dira que c’est secondaire - qu’il a fait indemniser les Vendéens afin qu’ils pussent reconstruire les milliers de maisons détruites sur ordre par l’armée française en 1793 et 1794 ?*** Le puritanisme dont sont issus le wokisme et la cancel culture ne supporte que les purs. Mais les purs n’existent pas****. Si vous ne voulez que des ancêtres parfaits en tout point, préparez-vous à n’avoir plus d’ancêtres, comme les Aborigènes d'Australie après la colonisation. Cherchez à qui ce crime profitera.
Parce qu’il faut bien conclure...
Au terme de cette longue chronique, ma conclusion sera lapidaire. La faiblesse n’a pas sa place dans le destin d’un peuple. Louis XVI était peut-être bonasse, moralement il ne méritait pas ce qui lui est arrivé, mais il a fini la tête sur le billot. Notre culture a la tête sur le billot. Une de nos faiblesses est de vouloir être aimé jusqu’à, peu à peu, nous renoncer. D’une manière générale, nous fuyons les situations conflictuelles. Alors, nous avons une disposition naturelle à faire plaisir, et il nous est insupportable d’être qualifiés d’arriérés, d’égoïstes, de phobiques de ceci ou de cela. Il nous est pénible de devoir prendre des positions minoritaires. Ceux qui veulent nous influencer le savent. Nous devons nous méfier d’autant plus de la technique du salami: elle consiste pour celui qui veut obtenir quelque chose à ne nous demander que de petits "riens". Au surplus, ces riens peuvent être argumentés sur un plan moral ou affectif. Pour en finir en gardant l’image d’une « brave » personne, nous serons tentés de faire des concessions. A nos yeux, elles seront minimes, négligeables. En réalité, elles seront comme le dernier petit verre de l’alcoolique: chacune d’elles en entraînera tôt ou tard une autre. Cela d’autant que nos faiblesses sont vite repérées et exploitées. On verra par exemple que vous êtes facile à culpabiliser. En mai 68, on accusait de n’être pas libérée la fille qui refusait de coucher avec le premier compagnon révolutionnaire venu, et si le demandeur en plus était un homme de couleur, elle se faisait traiter de raciste. C’est le même procédé.
Nous avons un besoin essentiel de respect de nous-mêmes par nous-mêmes. Nous avons un besoin urgent de lucidité et de courage. En résumé: nous avons besoin de vrais citoyens. Nous avons perdu pied dans notre histoire. Par de multiples attaques, au long des années, de multiples intérêts ont quasiment effacé notre âme. Si je devais créer une université de la citoyenneté, je demanderais que l’on nous y enseigne l’histoire et nous forme à la vigilance. Nous devons savoir repérer de loin les virus qui tentent de s’infiltrer dans notre culture pour la miner. Nous devons apprendre à reconnaître les diverses formes de manipulation qui vont de la culpabilisation larvée à la stratégie du choc pour nous conduire à consentir à n’importe quoi. Nous devons aussi apprendre - et c’est le plus difficile peut-être - à accepter de n'être pas aimés de la terre entière. Dans certaines circonstances, l’avantage va à celui qui, sans détester quiconque, se moque d’être lui-même détesté.
* Lesquels d’ailleurs semblent n’avoir rien demandé de tel.
** Le symbole de la Sainte-Famille n’est d’ailleurs qu’un des éléments qui, dans certains milieux, fait du christianisme la plus haïssable des religions. Je consacrerai prochainement à ce sujet une chronique spécifique.
*** https://www.youtube.com/watch?v=z66PqYqkimY
**** Ou alors, ils sont terrifiants. Cf. la Révolution française.
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