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30/07/2009

La pensée écologique

L’Institut national du cancer affirme avoir établi que la consommation d’un verre d’alcool par jour – y compris de vin – augmenterait significativement le risque de développer un cancer. Cet accroissement de risque serait par exemple de l’ordre de 168 % en ce qui concerne le cancer de la bouche. Emoi chez les viticulteurs – on les comprend - mais surtout réaction de la Haute Autorité de Santé qui fait valoir que le vin – sauf abus bien sûr - aurait aussi des vertus dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Bref, boire ou ne pas boire, le choix n’est pas facile et le principe d’abstinence ne coïncide pas avec celui de précaution. - Ouf !

 

Je trouve que, comme souvent, on va un peu vite en besogne. Un être humain me semble aussi complexe qu’un écosystème naturel où des milliers d’espèces des cinq règnes s’ajustent en permanence, réalisant une sorte d’équilibre plus ou moins durable. Cet équilibre résulte, comme l’a montré Robert Ulanowicz*, de la diversité des acteurs en présence et de la multiplication de leurs interactions. Mais, du fait de cette diversité et de ces interactions, on se trouve devant un système complexe, c'est-à-dire un système dont la prévisibilité des réactions à un quelconque stimulus est réduite pour ne pas dire illusoire. Si l’on considère la composition physicochimique d’un individu et tous les flux qui traversent son corps au cours de sa vie - qu’il s’agisse des aliments divers et des boissons variées qu’il absorbe plusieurs fois par jour et de l’air de qualité variable qu’il respire en permanence - comment peut-on tirer des conclusions fiables quant au rôle d’un élément unique s’il joue en faibles quantités relatives ? Comment peut-on pronostiquer le résultat des combinaisons aléatoires de toutes ces substances internes et externes ? N’aurait-on pas là, issu encore une fois des modélisations statistiques, un mirage semblable à celui qui nous a valu les subprimes ?

 

Ce qui est en cause selon moi dans cette manière de penser, c’est la représentation qui sert de toile de fond à ces spéculations, celle de « l’univers-horloge » de Newton ou de « l’animal-machine » de Malebranche : une représentation mécaniste. Et si nous avons dépassé la physique de Newton, c’est parce que des gens comme Einstein ont remarqué, dans l’univers, des phénomènes irréductibles à la théorie newtonienne. En conséquence, ils  ont essayé de bâtir une autre théorie qui intègre élégamment ces phénomènes orphelins. Quelques années avant la percée einsteinienne, cependant, un physicien dont le nom ne me revient pas – et tant mieux pour lui - affirmait gaillardement qu’il n’y avait plus rien à découvrir ! N’en serions-nous pas là en ce qui concerne notre compréhension de l’humain ? Nos affirmations laissent supposer en tout cas que nous n’aurions plus rien à découvrir et que nos modèles ont atteint la perfection...

 

Les homéopathes se libèrent de cette représentation réductrice en introduisant la notion de « terrain ». Chaque individu est un terrain aux réactions spécifiques. Sans ce concept déjà plus écologique comment en effet expliquer que tous les fumeurs - Churchill par exemple - ne meurent pas d’un cancer du poumon ? En outre, si j’ai bien compris, le terrain en question n’est pas à entendre qu’au sens somatique. En effet, les flux matériels, air, radiations, substances diverses qui traversent son métabolisme ne sont pas seuls à interagir avec la santé d’un individu. Que dire de tout ce qui traverse sa psyché ou y stagne:  par exemple les émotions et les tensions issues de sa vie affective et professionnelle ? Plus encore : que dire de la manière dont cet individu "métabolise" les ingrédients de sa vie psychique  ? Les sublime-t-il ou les refoule-t-il ? Et, dans la même perspective, que dire encore de ses croyances globales ? Viktor Frankl**, qui a fait l'expérience des camps de concentration, a montré comment le facteur psychique, la capacité à conserver un sens à son existence, avait une forte incidence sur l’espérance de vie des déportés. On est loin des projections statistiques des effets de telle ou telle substance sur un corps abstrait.

 

Entendons-nous bien : je ne suis pas en train de prôner l’abandon de toute modération ou de toute hygiène de vie. Je soutiens simplement la thèse d’un philosophe oublié, Jules Lagneau, qui disait: "Il faut penser difficilement les choses facile». A votre santé !

 

* Robert Ulanowicz, Le nouveau paradigme de la durabilité, entretien avec Dominique Viel, Transitions n° 2, deuxième semestre 2009 (si vous voulez recevoir ce numéro, écrivez-moi à thygr@wanadoo.fr ).

 

** Dans Le sens de la vie.

18/07/2009

A votre santé

Ceux qui avaient trouvé que le film « Nos enfants ne nous pardonneront pas » y allait un peu fort vont être édifiés. Une étude conjointe du très sérieux INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de l’université Pierre et Marie Curie (Paris 6) vient d’apporter  la démonstration que l’exposition aux pesticides double quasiment chez les agriculteurs le risque d’être atteint par la maladie de Parkinson. http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/sciences/20090619.OBS1191/pesticides_et_parkinson__le_lien_se_confirme.html

 

05/11/2008

La politique du beefsteak

"Gagner son beefsteak" : l’expression date un peu mais - se substituant à « gagner son pain » - elle dit l’attachement qu’on peut avoir à la consommation de viande. Henri IV scandalisait sans doute son aile droite lorsqu’il déclarait: « Je veux que chaque laboureur de mon royaume puisse mettre la poule au pot le dimanche ». Manger de la chair animale a été longtemps le privilège des nantis. C’a donc été une conquête non seulement alimentaire mais sociale. Tripalement, depuis les temps préhistoriques, se nourrir du corps de l’autre est aussi un symbole de puissance. C’est la signature du prédateur. Le monopoly des fusions et des absorptions n’est au fond qu’un prolongement de cet entre-dévorement archaïque.

De la sous-alimentation, nous sommes passés, pour beaucoup d’entre nous, à la viande à tous les repas. Je connais des tables familiales qui vivraient comme une déchéance, ou à tout le moins une marque de mauvais goût, qu’il n’en soit pas ainsi. Cependant, cette coutume mérite d’être réévaluée.Avec des métiers de plus en plus sédentaires, qui sollicitent davantage l’énergie nerveuse que celle des muscles et qui génèrent plus de stress que de dépense physique, la consommation systématique de chair animale est-elle vraiment nécessaire ? D’une part, si l’on considère le seul aspect diététique, ne surchargeons-nous pas notre métabolisme ? D’autre part, les animaux que nous consommons constituant le sommet de la chaîne alimentaire, n’ont-ils pas accumulé dans leurs tissus des substances indésirables que notre corps à son tour récupère et concentre tout au long de ses soixante ou quatre-vingts ans de "bouffes" quotidiennes ? Un vieil adage médical disait que l’on creuse sa tombe avec ses dents…

En second lieu, du point de vue de la gestion des ressources de la planète, produire autant de viande est-il une si bonne affaire ? Je me souviens d’Alfred Sauvy qui, déjà, dans les années 60, avait montré qu’à apport alimentaire comparable, produire de la viande mobilise de deux à quatre fois plus de surface que produire du végétal. Or, aujourd’hui, du fait de l’élévation des niveaux de vie dans les pays en développement - et sans parler de la fausse bonne idée des biocarburants - les cultures vivrières se retrouvent en concurrence avec la production d’aliments pour la volaille et le bétail. En outre, si l’on en croit l’article de Dominique Viel*, la production d’un kilogramme de viande bovine nécessite de 2000 à 20000 litres d’eau selon le mode d’élevage et contribue donc à la raréfaction d’une ressource cruciale.

En troisième lieu - au risque de passer pour efféminé aux yeux de quelques camarades de maternelle - je rajoute aussi, une fois encore, que dans certains endroits les conditions d’élevage et d’abattage des animaux sont une honte pour notre espèce et que nous ne devrions pas encourager de telles pratiques par une consommation de « boffs ».

Nous nous demandons parfois, avec juste raison, quel est le poids de notre bulletin de vote sur notre destin. Par le choix de notre alimentation, nous pouvons avoir un impact concret et répété sur les systèmes naturels, sociaux et économiques. Nous pouvons choisir de vivre mieux tout en tuant moins, en créant moins de souffrance humaine et animale, et en allégeant notre empreinte écologique. Cela, tout simplement en choisissant ce que nous mangeons. N’est-ce pas un pouvoir ? N’est-ce pas concret ?

* Comment nous dévorons l’eau de la planète, Echo Nature Magazine n° 22, novembre-décembre 2008.