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02/09/2009

Guerre et paix

Par atavisme vendéen, mais pas seulement, j’ai une grande admiration pour Georges Clémenceau. Enfant, il a vu les gendarmes de Napoléon III embarquer son père pour délit d’opinion. Il a couru derrière le panier à salade – alors tiré par des chevaux – en criant : « Papa, je te vengerai ! » Il fut à la fois un homme d’Etat, de réflexion et de culture, le Tigre, le protecteur de Claude Monet. Il s’est opposé à Jules Ferry sur la question de la colonisation, jugeant au contraire de celui-ci qu’il n’y avait pas de race supérieure qui eût quelque droit que ce fût à imposer sa loi à des races supposées inférieures. Pour lui, cette thèse ne reflétait que le droit du plus fort. Plus tard, il prit parti pour Dreyfus, soutint Zola et son journal. En pleine première guerre mondiale, appelé par Raymond Poincaré à présider le Conseil des ministres, il devint le Père la Victoire. A soixante-dix-huit ans, blessé près de l’aorte par la balle d’un anarchiste, il demanda la grâce pour son agresseur. Il terminera sa vie en écrivant un livre de réflexions : « Au soir de la pensée » et stipulera dans son testament : « Pour mes obsèques, je ne veux que le strict minimum, c'est-à-dire moi ». L’homme ne manquait ni de panache ni d’humour.

 

Il a cependant commis une erreur fondamentale, une erreur que nous avons payée d’une deuxième guerre mondiale. Une erreur compréhensible, car nous la répétons sans cesse, dans les grandes comme dans les petites choses. Celle de croire qu’un adversaire bien châtié deviendra inoffensif. Clémenceau a cru que la paix serait au prix de l’abaissement de l’Allemagne et de sa punition. A cause d'elle, la France était devenue un pays de veuves, d’orphelins, de champs en jachère et de cimetières. Des millions d’hommes et de jeunes gens avaient laissé leur vie ou leur santé dans le conflit. Le « Boche » devait donc d’abord payer pour toute cette souffrance. Mais, aussi, l’idée de Clémenceau était qu’il fallait durablement l’affaiblir pour avoir la paix. Au traité de Versailles, il obtint que l’Allemagne fût condamnée à verser des réparations gigantesques. Que s’ensuivit-il ? Que l’Allemagne se trouva en effet fort affaiblie. Mais, au lieu d’être domptée, elle eût bientôt dans la bouche le goût amer de l’humiliation. L’humiliation n’a qu’une fille : la colère. Adolf Hitler sut capter celle-ci, la catalyser, trouver de malheureux boucs émissaires, promettre le retour de l’honneur, la revanche, et il plongea l’Europe dans un nouveau bain de sang. La punition du coupable nous a valu un nouveau drame.

 

Les gens qui pensent comme je pisse – et encore! - vont peut-être me dire : « Alors, vous êtes du côté des agresseurs ? » Parce que, pour eux, s'extraire des jugements sommaires, essayer de comprendre, c’est pactiser. « Action, réaction ! » comme dit l'autre polichinelle dans Les Choristes. Or, "action, réaction", on en crève. Au contraire, il faut comprendre d’urgence de quelle manière des honnêtes gens comme Clémenceau, en croyant bien faire, ont rouvert la porte à l’horreur. Car la paix des générations à venir est beaucoup plus importante que nos sursauts de justiciers ou de vengeurs. Le véritable ennemi, ce n'est pas l'autre, c'est la guerre. C’est ce que de Gaulle et Adenauer ont compris en scellant la réconciliation franco-allemande après la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui, avons-nous envie de dire qu’ils ont eu tort ?

 

Alors, par pitié, regardons partout où, à petite ou grande échelle, l’humiliation aujourd’hui est en train de s’accumuler comme le pus dans un abcès. Demandons-nous si, ce qu’il nous faut, ce sont des cowboys ou des artisans de paix. Ceux qui verront pour une fois dans mon propos une allusion à l’actualité pourront bien avoir raison. Bonne rentrée à tous!