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17/05/2014

Fable non-électorale farfelue

 

 

- Raconte-moi encore comment vous avez sauvé la démocratie !

 

- Mon petit gars, je te l’ai raconté cent fois !

 

- Oui, mais j’aime cette histoire. Encore, s’il te plaît…

 

- Bon. Mais attends, il faut que je rassemble mes souvenirs. Tu sais, cela remonte à de plus en plus longtemps.

 

- Commence là où il n’y avait plus de démocratie, mais vous ne vous en rendiez pas compte!

 

- Ce n’est pas le plus drôle, mon petit gars… Mais, bon… Ah! je ne sais pas par quel bout commencer…

 

- Tu parles toujours de la fabrique du contentement…

 

- La fabrique du… Non, ce n’est pas cela… Encore que… Non, en fait je t’ai parlé de la « fabrique du consentement ».

 

- Contentement, consentement, c’est presque la même chose, non ? Une lettre de différence…

 

- A y penser, tu a peut-être raison…  

 

- Allez!

 

- Oui, oui…  Ecoute, mon petit gars, il y a trois siècles, mes ancêtres - donc les tiens - en ont eu assez d’être les sujets d’un roi. Alors, ils ont fait la Révolution…

 

- Mais pourquoi en avaient-ils assez d’être les sujets d’un roi ? Ce n’était pas bien ? 

 

- Non, ce n’était pas bien. A l’origine, la noblesse était issue des périodes troubles de notre histoire et elle avait des devoirs, dont celui de protéger le peuple. Mais, peu à peu, la paix s’était répandue et la protection n’avait plus lieu d'être. Etaient restées les obligations du peuple à l’égard de ces protecteurs pourtant devenus inutiles. Le prix de cette protection avait permis aux ambitieux de se presser à la cour du roi de France qui, lui-même, pour bâtir ses demeures et assurer son rayonnement…

 

- C’est quoi, le rayonnement ?

 

- C’est quand les gens oublient leur intérêt et s’imaginent qu’ils participent de la grandeur de celui qui les exploite… On les prive du nécessaire et ils se consolent avec des phantasmes…

 

- C’est quoi, des phantasmes ?

 

- Si tu m’interromps tout le temps, on n’y arrivera pas! Bon, disons, que les phantasmes sont des illusions. Alors est venu un moment où les difficultés du quotidien ont été plus fortes que ces illusions et nos ancêtres - les tiens - ont renversé la monarchie et ont instauré la République.

 

- Parce que c’est mieux ?

 

- Ils le pensaient. 

 

- Ils se trompaient alors ?

 

- Oui et non.

 

- Tu ne pourrais pas être plus simple ?

 

- Ce que les hommes veulent en premier lieu, c’est la liberté.

 

- Ah ? Moi, je croyais qu’ils voulaient surtout avoir de quoi vivre…

 

- Ce n’est pas faux. Mais la liberté fait la dignité de l’homme, elle lui permet de choisir sa vie.

 

- Je t’ai bien écouté, plusieurs fois. Quand tu parles de cette Révolution, j’ai l’impression que tout le monde ne voulait pas la même chose. Les uns voulaient de quoi manger, les autres voulaient de la liberté.

 

- Ce n’est pas aussi tranché que cela, mais ce n’est pas faux.

 

- Et alors ?

 

- Finalement, tu as raison, tout peut se résumer au conflit entre ceux qui veulent la liberté et ceux qui veulent juste plus de biens matériels… 

 

- Mais ça sert à quoi, la liberté ?

 

- A vivre comme on l’entend. A ne pas se soumettre aux idées de quelqu’un d’autre. A l’idée qu’il se fait de la manière dont nous devrions vivre.

 

- Et alors ?

 

- Alors… Tu m’embrouilles ! 

 

- Désolé !

 

- Bon… Ce qui s’est produit, c’est que le peuple a pu désigner lui-même ceux qui dirigeraient le pays. 

 

- C’est ce qu’on appelle les élections ?

 

- Oui. Mais, le problème, c’est que les gens élus par le peuple ont adopté les mêmes comportements que les anciens nobles: ils ne protégeaient plus les gens mais ils avaient besoin de leur argent…

 

- Mais pour quoi faire ? Il n’y avait plus de roi, alors il n’y avait plus de cour où se la péter…

 

- Nous n’avions plus de roi et, en effet, plus de cour. Mais il y a toujours un niveau au dessus de celui où on est, avec des gens qui nous donnent l’impression que nous sommes plus grands quand on se sent petit mais qu’ils nous acceptent à leur table.

 

- Comment ça se fait qu’on se sente petit quand on dirige un pays ?

 

- Cela dépend de l’histoire qu’on se raconte. Si l’on se raconte une histoire où la grandeur vient de la taille, alors on regarde les plus gros que soi et on cherche à leur plaire, à avoir leurs faveurs. 

 

- Et que se passe-t-il ?

 

- Il se passe qu’avoir la faveur des plus gros se paye. Imagine, les gros qui regardent ce petit qui bave d’envie de faire partie de leur club. A ton avis, que vont-ils faire ?

 

- Il va falloir que le petit le mérite ?

 

- Tout juste. On va lui demander d’apporter des gages, par exemple de renoncer à quelque chose de cher…

 

- Je me souviens! Il va donner quelque chose, mais il va rester méprisable quand même! Mais pourquoi ?

 

- Pourquoi ? Parce qu’on ne respecte que celui qui résiste. Celui qui brade son pays ou son héritage pour un avantage personnel est quelqu’un qu’on peut acheter, donc quelqu’un de méprisable puisque quelqu’un d’autre, en payant un peu plus cher, pourra l’acheter aussi.

 

- Et le sauvetage de la démocratie ?

 

- Tu te souviens que le régime démocratique repose sur des élections au moyen desquelles le peuple élit ses représentants ?

 

- Jusque là tout va bien!

 

- Oui, mais ceux qui veulent le pouvoir vont créer des organisations qu'on appelle des partis et au bout d’un certain nombre d’années on ne pourra élire que les candidats présentés par deux ou trois partis dominants. 

 

- Mais pourquoi cela ? Le peuple est libre de voter pour qui il veut ?

 

- Certes. Mais il ne peut voter que pour ceux qu’il connaît et il ne peut élire que ceux qui parviennent à rassembler un certain nombre de voix. Comme pour le sport, les médias ne parlent que des équipes en vue. Donc, l’expression de la volonté du peuple est bien canalisée. 

 

- C’est vrai que la tendance des gens est de voter pour ceux qui ont une chance d’être élus.

 

- Parce que les gens s’enferment dans la perspective d’une victoire à court terme. Ils ne donnent ainsi à aucun petit une chance de devenir grand. Le résultat, c’est que le pouvoir se retrouve tout le temps entre les mains des deux ou trois mêmes factions.

 

- Cela pourrait faire des différences quand même ?

 

- Les promesses rendent les fous heureux! Derrière toutes les marques de lessive, il y a le même fabricant.

 

- Un parti politique, ce n’est pas une marque de lessive !

 

- Un parti politique, à une certaine taille, ce sont des ambitieux qui, pour être élus, promettent au peuple ce qu’il a envie d’entendre, et qui font en même temps des courbettes aux gens dont ils veulent être reconnus. Bref, on pouvait voter pour qui on voulait, parmi ceux dont les médias voulaient bien parler, on se retrouvait avec des politiques très semblables parce que la référence de ces gens-là ce n’était pas nous - le peuple - c’étaient des puissances extérieures à notre pays et même à nos intérêts.

 

- Et alors ?

 

- Et alors, il devint un jour évident qu’on tournait en rond à élire tantôt le parti A, B ou C. Tout le problème, nous nous en rendîmes compte, provenait de ce que, pour être élu, il fallait le véhicule d’un parti, mais que celui-ci dès qu’il était assez puissant trahissait ses électeurs. En lui donnant évidemment les meilleures raisons du monde. 

 

- Voilà le moment que j’adore !

 

- Et je te comprends! On avait remarqué que, dès qu’un parti se retrouvait dans un gouvernement, il était comme châtré. Sa référence, je l’ai dit, n’était plus ceux qui l’avaient élu mais ceux à qui son personnel voulait plaire. Par loyauté ou « réalisme », les adhérents de ces partis restaient coits et, en tout cas, sans influence, et les gens élus en leur nom finissaient par cautionner des politiques inverses de celles sur lesquelles ils avaient brigué la voix des électeurs. 

 

- Et alors ? Et alors ?

 

- L’idée a germé un jour - devant les périls écologiques croissants - d'un parti qui ne présenterait jamais de candidat aux élections, qui ne briguerait jamais le pouvoir. D'un parti dont les membres s’engageraient à ne jamais se présenter, mais qui garderaient les élus sous une étroite surveillance. L’idée a plu et s’est répandue comme une traînée de poudre! Elus avec une fraction des 15 ou 20 % seulement de suffrages exprimés, les hommes politiques portés aux plus hautes charges manquaient en fait de légitimité. Ils n’en étaient que davantage exposés aux critiques du parti des « non candidats ». Avec eux, pas moyen de négocier: ils n’offraient aucune prise ayant renoncé à toute ambition !

 

- Quel était le moyen de pression de ce parti sans élus ?

 

- L’opinion publique informée par des médias dont l’actionnariat était populaire au lieu d’être entre les mains d’une oligarchie.

 

- Mais comment avez-vous pu constituer de tels médias ?

 

- Eh! mon petit gars, tu as vu l’heure ? Ce sera pour une autre fois !

 

Commentaires

Cher Thierry, la partie la plus savoureuse de ce beau post est le fait que "les adhérents des partis restaient coits (au lieu de cois sans t), ce qui laisserait à penser qu'ils ont été en quelque sorte empapaoutés ... pas faux pas faux :-)
STP ne corrige pas la typo, c'est la preuve irréfutable que le texte a été écrit par un humain très humain ....

Écrit par : Pierre C. | 17/05/2014

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