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23/01/2023

Systèmes immunitaires 1/7

 

Il y a parfois des analogies que je n’ose dire amusantes, sinon d’un point de vue intellectuel. Par exemple, en ce moment nous avons d’un côté les injections expérimentales censées protéger du covid, conférant en même temps à ceux qui les acceptent le statut de bons citoyens, et, de l’autre, la vague de la cancel culture qui se présente entre autres comme une démarche de purification de l’histoire, d’élimination des gloires injustes, et qui anoblit d’une aura de progressisme ceux qui la promeuvent. Or, il semble bien que dans les deux cas les résultats de ces supposées bonnes intentions soient assez calamiteux. Les injections précitées et la cancel culture ont ceci en commun qu’elles concernent nos systèmes immunitaires: celui de notre corps ou celui du corps social. Les injections affaibliraient en définitive les mécanismes de défense de certaines personnes; la cancel culture, quant à elle - c’est ma conviction assurée - ruine ceux de nos sociétés. Au surplus, si vous critiquez celle-ci ou celles-là, vous verrez que leur point commun est de faire immédiatement de vous rien de moins qu’un être méprisable, un irresponsable, un suppôt du complotisme ou un oppresseur. 

 

Avant de poursuivre cette analogie, j’ai envie de rappeler l’origine du concept de « complotisme » ou « conspirationnisme ». Il a été forgé par la CIA pour discréditer ceux qui trouvaient que la version de l’assassinat de John F. Kennedy par un électron libre manquait de consistance. La déclassification actuelle des dossiers risque d’apporter de la lumière - à moins que ce soit encore davantage d’obscurité car on parle de centaines de milliers de pages. Je n’ai retenu quant à moi de cette époque que l’enquête sur le vif d’un journaliste français qui avait décelé des incohérences factuelles indiscutables. Le coupable désigné, Lee Harvey Oswald, d’après ses états de service était un tireur médiocre. L’arme qu’il avait utilisée n’était pas non plus de premier choix pour un sniper, et cela d’autant qu’Oswald avait monté lui-même la lunette de visée. Or, tous les tireurs vous le diront: le meilleur degré de précision ne peut être atteint qu’en faisant cette opération en laboratoire. Ajoutez à cela que la cible était mouvante: seul le hasard pouvait permettre à une balle d’atteindre, dans ces conditions, le cerveau du président. Ces observations terre-à-terre valent pour moi les milliers de pages du rapport Warren. 

 

J’en reviens à l’analogie du début de cette chronique. La fonction du système immunitaire est de préserver la santé et la vie d’un organisme. Il s’est construit au long du temps et des générations de tous les maux rencontrés que l’organisme a réussi à surmonter. Le corps social est composé d’individus: vous, moi et les autres, et ce qui fait de nous, ensemble, un organisme est, au sens anthropologique du terme, une culture. C’est-à-dire un héritage reçu ou adopté. Cet héritage se compose d’une langue et de ses sonorités, d’une histoire, de territoires, de noms de lieu, de paysages, de coutumes, de goûts - et aussi de valeurs et de logiques d’action. Le système immunitaire du corps social que nous formons est donc lui aussi d’ordre culturel. Il protège notre identité collective qui est rien de moins que la réponse que nous pouvons donner, en tant que peuple, aux trois questions de Gauguin*:  D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? A l’instar de notre système immunitaire physique, il est le produit d’un long processus fait d’interactions et de défis innombrables qui en ont édifié progressivement la résilience actuelle. 

 

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« D’où venons-nous ? » La France est un exemple particulièrement saisissant de ce processus à la fois du fait de sa géographie singulière - ouverte et en même temps entourée de mers et de montagnes - et des nombreux matériaux de la construction dont elle a été le creuset. Nos racines plongent dans les mondes celtique puis romain et, à travers ce dernier, à la civilisation grecque. Mais, dès les premiers siècles, par les prédications et surtout par le courage de ses martyrs, le christianisme a également imprégné les peuples de son territoire. La nouvelle religion a su par la suite se relier aux fêtes et aux lieux sacrés des religions qui l’avaient précédée. Par exemple, en Vendée, nous avons encore Saint-Michel Mont-Mercure qui associe explicitement les deux mythologies. Les évêques, relayant les préfets de Rome alors que l’empire s’effondrait, ont assuré que la civilisation ne se désintégrât pas complètement sous l’envahissement barbare. Les monastères ont été les arches de Noé de la culture, des savoirs, des valeurs. Le christianisme a été un intégrateur des tribus qui ont déferlé à partir de 405, permettant l’édification progressive d’une relative unité culturelle et, au terme de siècles chaotiques traversés de lueurs, l’apparition d’une nouvelle grande civilisation: celle des cathédrales. Venant compléter les processus culturels, les rois de France, dont on a tendance aujourd’hui à méconnaître une certaine constance dans la hauteur de vue, ont formé ce que Maurice Druon, l’auteur des Rois maudits, appelait une « ligne de faîtes ». A partir d’une exceptionnelle diversité, de la Francie à la France, notre nation s’est ainsi formée au long des siècles, comme en une double hélice : par la culture et l’organisation. 

 

(À suivre)

* Toile peinte à Tahiti en 1897-1898, conservée au musée des Beaux-Arts.

 

 

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