UA-110886234-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/05/2024

Comment se retrouver tous ensemble là où aucun d’entre nous n’a nulle envie d’aller

 

Imaginez le porche d’une maison texane, un dimanche matin. Il y a là, assises sur les marches, sirotant mollement une citronnade, les trois générations : les parents, les enfants, le père et la mère de Madame. C’est l’été et il fait déjà chaud. Tout le monde semble s’ennuyer à mourir. Le beau-père lance alors une idée : et si on allait déjeuner à Abilene ? Abilene, c’est la « grande ville » qui se trouve à près de cent kilomètres. Les membres de la famille se regardent et bientôt la décision est prise de suivre la suggestion de bon papa.

 

La famille s'entasse dans la voiture familiale qui est vieille, sans climatisation, et le voyage à la rage du soleil est pénible. Arrivé à Abilene, le petit groupe erre longuement dans les rues à la recherche d’un restaurant: il est tard, beaucoup ne prennent plus de clients. Il finit par jeter son dévolu sur un établissement où la nourriture se révèle aussi chère que mauvaise. On rentre, toujours à la rage du soleil, la vieille voiture transformée en four. De retour à la maison, la dispute qui grondait sourdement finit par éclater. C’était vraiment une idée stupide d’aller déjeuner à Abilene !

 

Le beau-père se défend : lui-même n’avait pas le moindre désir de déjeuner à Abilene ! Simplement, il avait l’impression que tout le monde s’ennuyait et il a lancé cette idée-là, croyant faire plaisir, comme il en aurait lancé une autre, et il aurait accueilli toute autre proposition. Une fois que tout le monde s’est exprimé, une évidence s’impose : personne n’avait envie d’aller déjeuner à Abilene !

 

Pourquoi donc personne ne s'est-il exprimé à temps ? 

 

Cette histoire a été vécue par le sociologue américain Jerry B. Harvey, qui l’a théorisée sous l’intitulé de « paradoxe d’Abilene »*. Je suis persuadé que, sans faire résolument la chasse au paradoxe d’Abilene, notre société ira de mal en pis. 

 

Vous voulez faire un exercice ? Listez ce que, dans les mois qui viennent, vous n’aimeriez pas être, vivre ou avoir dans votre environnement. Et maintenant, avec une rigoureuse sincérité, relevez toutes les petites et grandes décisions, individuelles et collectives, qui vous emmènent vers ces choses dont vous ne voulez pas. Enfin, demandez-vous pourquoi vous prendriez cependant ces décisions et comment vous pourriez faire autrement…

 

Si vous avez des exemples à partager, vous pouvez les laisser un commentaire sur ce blog !

 

*The Abilene Paradox and Other Meditations on Management (San Francisco: Jossey-Bass, 1988).

Commentaires

Se taire lorsque je pourrais controverser, mais pour préserver un équilibre relativement viable le silence impose l'effort de retenue...

Écrit par : Gilbert | 07/05/2024

Parfois, il faut se taire, dans la mesure où cela ne servirait à rien de positif de parler. Plus souvent, il faut trouver la manière de ne pas se taire. Quant à la controverse, si c'est un exercice intellectuel dont chacun a signé les règles, pourquoi pas. Sinon, cela ressemble à "discuter pour avoir raison" et comme nous sommes aujourd'hui moins dans la discussion que dans la censure...

Écrit par : Thierry | 14/05/2024

Les commentaires sont fermés.