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11/03/2008

Le bazar de l'épouvante

Ce roman de Stephen King - adapté à l’écran* par Fraser C. Heston - touche à la fable. Un homme, un inconnu, ouvre boutique dans une petite ville américaine, aussi ordinaire et tranquille que n’importe quelle autre petite ville américaine. Cet homme a un don : celui de vous proposer l’objet dont vous aurez une si grande envie, une fois que vous l’aurez tenu entre vos mains, que vous pourriez vous autoriser, pour en devenir propriétaire, à commettre... disons: quelque légère transgression. Or, justement, une fois que vous êtes bien mûr, il vous manque toujours trois francs six sous pour réaliser votre désir. M. Gaunt vous propose alors, avec un petit clin d’œil complice, de solder le prix en vous livrant à quelque farce. Par exemple, pour conserver l’autographe d’un grand champion de base-ball, un enfant d’onze ans s’engagera à maculer d’immondices des draps que leur propriétaire à mis à sècher en plein air. Une femme un peu simplette, afin d’acquérir une figurine de porcelaine, devra coller des procès-verbaux assortis d’insultes dans la maison d’un de ses concitoyens. Et vous de rire, évidemment, en lisant ou en voyant la tête et les réactions des victimes lorsqu’elles découvrent le forfait.

Comme une bande d’étourneaux, une pluie de petits malheurs s’abat ainsi sur la petite ville de Castle Rock. Seulement, autant M. Gaunt sait trouver le point sensible de vos désirs, autant les mauvaises farces qu’il suggère touchent chez leurs victimes une blessure intime - peur, conviction d’être méprisé, détesté ou persécuté, fractures psychiques diverses laissées par un traumatisme enfoui – qui va se transformer en détonateur. Tandis que la souffrance, stimulée, se transmute en violence, chacune des victimes a la certitude – aussi immédiate qu’erronée – du coupable à punir. Confrontés à cette agression pour eux gratuite, les innocents prennent à leur tour le mors aux dents. Des carreaux cassés on passe alors aux coups de couteaux, des coups de couteaux aux coups de feu, et même les deux prêtres de la bourgade – tous deux chrétiens mais de différentes obédiences et qui de ce fait se détestent cordialement – finiront par en venir aux mains.

Au fond, cette histoire est-elle si différente de la réalité que nous connaissons ? Qu’utilisent ceux qui veulent nous faire oublier notre liberté ? Leur stratégie tient en trois mots. D’abord, on vient de le voir : tentation et division. Or, en hébreu, le tentateur, c'est Satan ; et, en grec, celui qui divise, c'est le diable - diabolos. Maintenant, regardez bien M. Gaunt : quelle apparence nous offre-t-il ? Celle d’un homme aux bonnes manières, bien habillé, toujours correct. Et presque compatissant. On le croirait issu de quelque rencontre des grands de ce monde autour de la faim des pauvres. La plus grande ruse du diable – troisième élément de sa stratégie – ne serait-elle pas de nous laisser croire qu’il n’existe pas ?

* 1993. Avec Max von Sydow dans le rôle principal.

09/03/2008

Pourquoi ?

Comment se fait-il qu’au cours de l’Histoire tant de braves gens se soient retrouvés à faire leur malheur et celui de leurs semblables sans y avoir un véritable intérêt ?

Pourquoi les valets de Ponce Pilate en ont-ils rajouté – fouet, couronne d’épines et humiliation - quand Jésus leur a été livré ? Pourquoi les soldats de Simon de Montfort, qui n’en avaient rien à faire des querelles religieuses, ont-ils pu, sur l'accusation de catharisme, couper langue, nez et oreilles à des villages entiers du Sud-Ouest ? Pourquoi la Saint-Barthélémy et la Terreur ont-elles trouvé des serviteurs zélés ? Pourquoi, en Vendée, au nom de la jeune République, les soldats de Thureau – des hommes pas pires que les autres - ont-ils enterré vivant d’autres hommes et arraché les entrailles des femmes enceintes ? Pourquoi des millions d'êtres qui ne rêvaient que d'un bonheur paisible, avec femmes et enfants, se sont-ils jetés les uns contre les autres en une des plus grandes boucheries de l'Histoire ? Pourquoi, quelques années plus tard, un peuple cultivé et civilisé s’est-il jeté dans les bras d’Hitler ? Pourquoi, en France, des hommes et des femmes ordinaires ont-ils spontanément collaboré avec le nazisme en dénonçant leurs voisins ? Pourquoi les gardiens du Mur de Berlin ont-ils accompli leur mission avec zèle ?

Pourquoi les gens ordinaires épousent-ils des causes qui ne sont pas les leurs ?

Pourtant, les contre-exemples ne manquent pas, qui montrent qu'une autre posture est possible. Tel "bleu" des légions infernales protège une petite vendéenne parce qu'il la trouve "mignonne". Telle famille catholique cache des enfants juifs. Alfred Stanke, à Bourges, dans l'antre même de l'horreur, secourt les victimes de la Gestapo. Ce qui a animé ces hommes et ces femmes n'aurait-il pu endiguer quelques années plus tôt la barbarie qui s'annonçait ?

Aujourd'hui, notre ennemi le plus redoutable n'est pas un étranger au visage différent du nôtre, flanqué d'un fusil ou d'une mitraillette. Notre péril imminent et extrême est le naufrage écologique de la Terre. Alors, pourquoi, avec tout ce que nous savons, persistons-nous dans un way of life qui garantit à nos enfants une planète exsangue et sans charme ? Ne sommes-nous point libres ? Ne pouvons-nous assister qu'enchaînés au naufrage du vaisseau qui nous porte ? Avons-nous fait le choix d'un Münich de l'environnement ?

Peut-être, au travers de toutes ces histoires et aujourd'hui encore, notre ennemi essentiel est-il tout intérieur: quelles vertus - quelle "écologie de l'âme" comme le dit Dominique Viel - faudrait-il alors cultiver chez les Humains pour qu'ils ne choisissent plus d'être impuissants ?

"Je cherche à comprendre et à disséquer les pires exactions, j'essaie toujours de retrouver la place de l'homme dans sa nudité, sa fragilité, de cet homme bien souvent introuvable. Enseveli parmi les ruines monstrueuses de ses actes absurdes." (Etty Hillesum)

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Pouvez-vous voir le soleil dans un grain de riz ? Car s’il n’y avait pas de soleil sur les rizières il n’y aurait pas de grain de riz. Pouvez-vous voir le nuage dans une table de bois ? Car, sans nuage, il n’y aurait pas de pluie pour arroser l’arbre et pas de bois pour faire une table. (Thich Naht Hanh)

On continue ?