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06/04/2010

Etudes de marché

 

Si j'avais demandé aux gens ce qu'ils voulaient, il m'auraient répondu: de meilleurs chevaux.

Henri Ford.

21/03/2010

Elections

 

Des élections ne suffisent pas à faire une démocratie. Déjà, le choix y est limité pour ne pas dire fermé. Ensuite, on ne vote que sur des promesses et, l'élection gagnée, les motivations qui ont guidé l'électeur semblent escamotées dans un jeu qui ne serait que celui des pures contraintes. Ecoutez les discours post-électoraux. Ils ne sont bientôt que le ressassement des raisons pour lesquelles ceux que vous avez portés au pouvoir sont sans pouvoir. Certes, vous aurez une production législative et on essaiera de vous faire passer pour une courageuse politique de réformes une succession de réformettes plus ou moins bien inspirées. C'est qu'il faut quand même vous persuader, pour que vous reveniez voter dans quelques années, que cela ira mieux avec eux que sans eux. La pauvreté essentielle d'aujourd'hui, cependant, c'est qu'il n'y a aucun grand dessein, rien donc qui donne vraiment envie d'aider nos hommes et nos femmes politiques. Nous restons devant leurs discours comme de gros bébés déjà gavés qui attendent leur prochain biberon d'illusions sans vraiment y croire. Rien à voir avec ceux qui, en 1940 - je suis désolé de vous la resservir - du fin fond de la débâcle ont eu la foi qu'un autre destin était possible. Il faut dire que ceux-là n'étaient pas seulement intelligents, ils étaient aussi courageux et n'avaient plus rien à perdre que la vie.

 

La démocratie ne peut se passer du citoyen. Or, nous avons cultivé une démocratie sans citoyens. Nous avons beaucoup de spectateurs, de téléspectateurs, de touristes de la politique et de consommateurs, mais très peu de citoyens. Et ceux qui s'intitulent pompeusement « citoyens du monde » ne sont parfois même pas capables de trier leurs déchets avant de descendre la poubelle. Parce que la citoyenneté, cela commence là, par le tri de ses ordures, c'est-à-dire par la conscience qu'on a de sa responsabilité quotidienne à l'égard de la communauté dont on fait partie. Liberté, égalité, fraternité, ce triptyque admirable, n'est rien si chacun d'entre nous ne l'incarne pas au quotidien.

 

Spinoza disait que la liberté est la finalité de l'Etat. Rousseau, développant cette idée dans Le Contrat social, précise : « Entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui libère ». Mais la liberté est menacée si chacun d'entre nous s'en remet à l'Etat et à la loi et laisse s'endormir sa vigilance. La sujétion de la république à des intérêts particuliers est la pente qui nous menace en permanence. Il ne manque pas de lois scélérates, même en démocratie, qui enlèvent de la liberté aux citoyens sans leur rendre en échange quoi que ce soit. Il ne manque même pas de lois spoliatrices, comme celles qui autorisent les grandes compagnies à breveter le vivant, à interdire la culture d'espèces végétales anciennes, afin de favoriser l'enrichissement sans borne d'une classe de privilégiés. Un jour proche, si vous n'y prenez garde, vous n'aurez le droit d'utiliser que les semences produites par quelque Monsanto. C'est déjà le cas aux Etats-Unis. Un jour proche, si vous n'avez pas soumis la conception de vos rejetons à l'ingénierie génétique, vous leur verrez dénié le droit à la sécurité sociale. Bienvenue à Gattaca !

 

La liberté du citoyen est l'ennemie du pouvoir. C'est pourquoi les puissances économiques et financières cherchent à acquérir par tous les moyens le soutien du personnel politique et le temps de cerveau du peuple. Le vrai sujet de l'idéal démocratique, comme l'avait bien vu Rousseau, c'est le rapport entre le faible et le fort. Je souscris totalement à la posture du philosophe Alain résumée dans la phrase : « le citoyen contre les pouvoirs ». Créer de la liberté, c'est d'abord libérer les cerveaux d'une admiration atavique pour le pouvoir et ceux qui l'incarnent. Discipliné, le citoyen, sans doute, quand il le faut. Mais servile, naïf, dolent, non ! Au contraire, révolté même, quand la cause l'exige. On devrait apprendre, dans nos écoles, à être libre jusqu'au courage de la rébellion. Mais, hélas ! les salles de classe sont souvent devenues des arènes où le jeu qui prime est celui du pouvoir : qui l'aura, du maître ou des élèves ? J'ai même entendu ces phrases d'enseignants : « Les laisser parler ? Mais vous n'y pensez pas ! Déjà, qu'on n'arrive pas à les tenir ! » Et si on se trompait de réponse ?

 

Le citoyen ne saurait être un consommateur de liberté, d'égalité et de fraternité. Tout au contraire, c'est à lui de les produire et les défendre. Par exemple, l'égalité n'est rien si chacun d'entre nous n'en est pas l'âme au quotidien. Si l'égalité n'est que formelle, une affirmation dans une constitution, une phrase dans une circulaire. Car, comme la liberté, elle est sans cesse menacée par la nature humaine. Si le fait d'être de tel sexe, d'exercer tel métier, d'avoir telle origine, engendre avantages ou désavantages, il n'y a pas égalité. Si le fait d'avoir été doté inégalement par la nature se reflète dans le traitement qui vous est réservé par la société, dans votre accès aux biens fondamentaux, il n'y a pas égalité au sens républicain du terme. Les registres de l'inégalité sont nombreux, mais ils ont pour source commune ce que ceux qui ont quelque pouvoir, ne fût-il que de suggestion, projettent à un moment donné sur ceux qui en ont moins.

 

Quant à la fraternité, c'est sans doute aujourd'hui la plus malade de la trinité républicaine. En partie à cause d'une certaine faillite de l'égalité, en partie parce que les corporatismes, confrontés à un retour de la paupérisation, privilégient leurs clients. La communauté républicaine a dérivé vers un système de castes où l'on trouve en concurrence toutes les variantes depuis le droit à l'exaction dépénalisée jusqu'à celui de coucher dans la rue, en passant par toute la gamme des protections diverses en matière de revenus, de retraites et de sécurité. Alors, bien sûr, la fraternité pourra s'exprimer par les dons que l'on fait à l'occasion de quelque cérémonie médiatique. Mais un tel système ne sait que mettre en concurrence les pénuries et laisse toujours des parents pauvres. Il n'exprime pas les choix d'une véritable communauté nationale.

 

La société démocratique est, selon moi, à refonder. L'élan généreux de ses origines s'est enlisé dans les pièges de la société de consommation qui a cultivé l'égoïsme de chacun en prétendant que le dieu de l'économie en ferait un miracle pour tous. Mais l'idéal des auteurs des droits de l'homme n'est pas un objet de consommation. Il est exigeant parce qu'il va parfois à l'encontre de nos pentes naturelles.  Il n'est rien sans la lucidité et sans le courage. Et, sans l'esprit d'initiative, d'expérimentation de formes sociales et économiques nouvelles, il est un discours creux. Mais les pionniers sont parmi nous. Ils ne font pas de bruit, ils intéressent peu les média, ne songent pas toujours à se présenter aux élections, mais ils sont à l'œuvre. C'est réconfortant, même si d'autres évènements vont bien vite.

17/01/2010

Vous n'êtes pas seul au monde !

Le sentiment d'impuissance est aujourd'hui des plus répandus. Il se manifeste souvent par le complexe de la goutte d'eau dans l'océan. « De toute façon, je ne pèse rien, qu'est-ce que ça va changer que je fasse ceci ou cela ? » Qu'est-ce que cela va changer que j'éteigne la lumière en quittant une pièce alors que j'y reviens dans une minute ? Que je présente un visage avenant au milieu de la foule triste du petit matin ? Que, pour une fois, je laisse la voiture au garage et j'aille à la piscine à vélo ? Que je mette un commentaire sur un blog pour dire mon accord ? Que j'aille voter ? Que j'exprime, à l'occasion d'une réunion, une idée que j'ai eue ?

L'impuissance en fait n'existe pas. Le succès de la peur, de la paresse - ou de ceux qui veulent nous dominer - est de nous faire croire qu'elle existe. En fait, toujours, elle est choisie. Elle résulte d'une capitulation dont nous essayons d'esquiver la honte. Par rapport au complexe de la goutte d'eau dans l'océan, j'ai envie de dire que, si nous étions un peu moins rationnels, ce qui compterait, quels qu'en soient les résultats, ce serait de faire ce qui nous met en accord avec nous-mêmes. Nous y aurions déjà un gain énorme. Mais on nous a dit d'être rationnels et nous sommes imbus du concept d'efficacité, du « combien ça coûte, combien ça rapporte ? » dont nous avons contaminé tous les registres de notre existence. Alors, quand il s'agit d'un choix, d'un acte, d'un comportement dont les répercussions extérieures ne paraissent pas mesurables, qui échappent à notre vision, la motivation nous déserte. Mais soyons rationnels jusqu'au bout. Imaginons que beaucoup d'entre nous, guidés par la même retenue - et n'est-ce pas de l'ordre du vraisemblable ? - adopte exactement le même pli de ne rien faire, de ne rien essayer, de se taire. Nierez-vous que nous passons à côté de quelque chose ? Serions-nous des millions à penser la même chose que, si nous ne sortons pas de notre coquille, de notre impression de solitude sidérale, cela ne fera jamais que des millions de personnes qui, ensemble, ne changent pas ce qu'elles ont le pouvoir de changer.

Exemple. Si je renonce à être propriétaire d'une voiture - comme je l'ai fait le 27 décembre dernier et c'est la première fois depuis que j'ai le permis que je suis sans véhicule personnel - si je renonce à être propriétaire d'une voiture et cela sans pouvoir mesurer un impact significatif de cette mienne décision sur le monde, à quoi bon cette privation ? Arithmétiquement, je suis obligé de le reconnaître, une telle privation est injustifiable. Le premier Indien ou le premier Chinois qui achète sa première voiture annihile les effets de mon renoncement. Mais, si je parle de mon choix comme je suis en train de le faire, si j'en profite pour expliquer les solutions que je trouve et les avantages que j'y ai, peut-être vais-je susciter en vous l'idée que ce n'est pas aussi dingue que c'en a l'air. Et peut-être, un jour prochain, un des 5000 lecteurs de ce blog, me mettra-t-il un commentaire du genre : « Je suis en train d'essayer d'en faire autant ! »

Chassons notre sentiment d'impuissance et la rationalisation qui l'enrobe de guimauve. Certes, les morts ne se lèveront pas pour nous soutenir et les générations qui ne sont pas encore nées ne viendront pas nous acclamer. Et alors ? Je me souviens d'Hervé Juvin qui me disait : « Nos grands-parents ont investi, nos parents ont payé les dettes et nous ont transmis un patrimoine. Nous, nous avons consommé l'héritage, et ce que nous lèguerons à nos héritiers ce sera des dettes. » Vous croyez que nous pouvons nous autoriser à être impuissants ?

Post-scriptum: y a-t-il un hasard ? Après avoir posté cette chronique, j'ouvre mon courriel et je tombe sur cette interview de Sylvie Simon qui, avec ses propres termes, intervient dans le même registre:

http://www.liloumace.com/FR-2012-Le-rendez-vous,-de-la-cr...