13/07/2009
Science et vie
Je me souviens encore d'un article de Sciences et Vie - c'était il y a près de cinquante ans - le premier que j'aie lu sur les transferts névrotiques de l'être humain vers les animaux de compagnie. Vous avez sans doute souvent constaté comme moi combien certains chiens aboient et enragent pour un rien. La thèse de l'article était que ces animaux expriment l'inconscient des humains avec qui ils vivent. On y citait le cas d'un loulou de Poméranie qui devenait quasiment fou, au point de mordre sa maîtresse, dès que quelqu'un sonnait à la porte. En fait, c'était cette femme qui était angoissée lorsque retentissait la sonnette. Elle sursautait, bondissait de son sofa, se précipitait vers la porte, dégageait probablement des phéromones de peur, et communiquait ainsi son agitation au système nerveux de son chien. C'est amusant de voir un processus habituellement intrapsychique - la colère est souvent une métamorphose de la peur - rendu visible grâce à un détour par le psychisme d'un animal.
Plus tard, j'ai pu observer les mêmes phénomènes s'agissant des êtres humains entre eux: il suffit que le chef, fût-il lointain, fronce les sourcils pour que, de proche en proche, une vague d'avanies balaye l'organisation. L'actualité récente, qu'il s'agisse ou non de bavures, nous appelle à réfléchir sur la façon dont la violence se transmet au sein de nos sociétés. Je ne crois pas que les gardiens de l'ordre soient des êtres différents de nous et qu'ils aient une plus grande envie d'en "découdre" que le citoyen moyen. Ils font un métier plus difficile que la plupart d'entre nous. Ils sont souvent en danger, souvent soumis à des provocations, et ils doivent à la fois faire usage de la force et se méfier des sources psychiques de l'énergie dont ils ont besoin pour obéir aux ordres. En revanche, c'est un fait constant dans l'Histoire, l'éthos de la police est toujours en relation avec celui des dirigeants du pays. C'est ainsi que, dans certains cas, elle peut révéler le "magma" - comme écrit Claude Simon dans L'acacia - que feraient oublier les manières policées et les costumes bien coupés de nos souverains. Les ongles manucurés sont censés nous faire oublier - mais nous rappellent aussi - que les griffes du prédateur sont là.
Qu'est-ce qui, dans l'actualité, m'a entraîné dans ces réflexions ? Cette évacuation d'un squatt où Joachim Gatti, un cameraman, a perdu un oeil à la suite de l'impact d'un flashball. http://www.rue89.com/2009/07/12/a-montreuil-la-police-vis... . C'est quand même triste de voir monter ainsi la tension dans un pays où, comparativement à bien d'autres, on ne vit pas si mal que cela. Y en aurait-il qui ne le trouverait pas assez propre ? Faisons attention. Il vient un moment où la lessive se fait dans le sang...
08:33 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : société, ordre, répression, police, violence
Commentaires
Comme dans tout pays en crise, la violence se déploie inexorablement, DE PART ET D'AUTRE, ICI ET LA, comme une annonce diffuse de la catastrophe à venir. Dans les années 30 du siècle passé, nombreux étaient les démocrates à s'inquiéter de ce qui se déployait sous leurs yeux impuissants. La question est toujours la même, quand la Bête se réveille, DE PART ET D'AUTRE, ICI ET LA, quels ressorts employer pour inhiber sa vitalité, sa puissance de fascination sur les esprits, le consensus qu'elle recueille d'une population humiliée ? Les intellectuels apparaissent comme des commentateurs. Les artistes montrent les choses mais sont impuissants à les changer. Où est le sens ? Qui aura la force de régénérer des relations créatives pour dépasser le désespoir ?
Écrit par : Christian Mayeur | 13/07/2009
Je crois qu'on ne peut pas "découvrir" que la police use de violence. Les forces de l'ordre ont toujours eu nrecours à la violence. Gratuitement, souvent. Dans les années 70 - époque où, mon Dieu, on vivait quand même bien mieux qu'aujourd'hui*-, un de mes collègues enseignants, Yann, a eu une cheville cassée à coups de pied, par un policier parce qu'il avait l'impudence d'assister à une arrestation et, du regard, exprimait sa désapprobation. Dans les années 80, à Mont de Marsan, le corps d'un jeune magebhin, à été remis à sa famille, avec deux côtes cassées, de multiples échymoses et la rate éclatée. Il avait fait une chûte en cellule de dégrisement!!! Deux exemples, dans le temps, parmi des milliers... La violence est inhérente à la nature du flic. Les jeunes deviennent policiers pour jouer les Lino Ventura et cogner sur les méchants gangsters. Faut être un peu neuneu... Ben oui... Justement...
* pardonne-moi de me foutre amicalement de ta formule, mais je l'ai trouvée un peu déplacée, en ces temps où le seuil de pauvreté, en France, est atteint par, au moins, 10% de la population.
Écrit par : balout | 14/07/2009
D'abord, j'insiste sur le fait qu'il ne faut pas diaboliser la police en tant que telle: tous les délinquants ne sont pas des Jean Valjean et je peux dire que lorsqu'on se trouve tardivement dans un RER, on est plutôt content qu'il y en ait une. C'est une chose d'être conscient des injustices sociales qui font le lit de la criminalité, c'en est une autre de se retrouver le bouc émissaire de ces injustices. Par exemple, un gamin d'une quinzaine d'années qui n'avait que le tort d'être correctement habillé a été coincé à une station près de chez nous par une petite bande qui, profitant d'un train désert, lui a fait faire le tour de la banlieue (une matinée entière) en le violentant.
Quant à la France, "pays où on ne vit pas encore si mal", c'était par rapport au présent: notre pays reste un de ceux où la misère a le moins progressé, rien à voir avec les millions d'emplois perdus par les US en l'espace de quelques mois. On ne peut donc pas en déduire que le risque de violences d'ampleur y est soit aigu.
Quant à la violence policière, il est indéniable qu'elle existe depuis que l'Etat existe. Elle est cependant variable et ce que je voulais pointer c'est qu'elle peut être le reflet de l'éthos du souverain. Les bobbies anglais n'avaient même pas d'arme à feu et passaient pour particulièrement respectueux dans les interpellations (cela a pu changer, je n'en sais rien). Etre appréhendé sous le règne de Staline, d'Hitler ou de Pompidou, ce n'est pas la même chose quoi qu'on puisse dire.
Ce qui me questionne, c'est l'impression d'un accroissement du nombre et de la rudesse des interventions, ou des bavures, dans notre pays. Est-ce seulement dû à la multiplication des causes d'intervention ? Est-ce une dérive vers un pouvoir plus autoritaire ? Est-ce la préparation à un accroissement de misère tel qu'il faut d'ores et déjà s'apprêter à contenir toutes les populations et les zones à risque ?
Écrit par : Thierry | 14/07/2009
Il est un indicateur simple: je vous invite, si vous voyagez un peu, à observer la présence policière visible dans les rues et à rapprocher ce taux avec la richesse économique, sociale, culturelle du pays. La France de ce point de vue est plus proche de l'Egypte que de l'Allemagne. On ne peut donc pas en vouloir aux policiers. Leur nombre est plutôt un symptôme de la dislocation sociale, politique et économique du pays. et ils ont pour mission de contenir la violence montante, dont ils sont eux mêmes le produit et les agents d'un jeu systémique. Si notre pays, par une politique structurée, avait pu amener les jeunes entrés par défaut dans la police à des postes d'ingénieurs, d'inventeurs de technologies durables, etc. bon nombre d'entre eux ne s'en seraient sans doute pas plaints. Mais pour cela, il faut une vision d'avenir, une culture industrielle, le goût du lien et beaucoup de désir dans la société. Nos voisins allemands ont tiré les leçons d'une histoire terrible. Pas nous. Traversez l'Allemagne de part en part, sillonnez les villes allemandes, comptez les voitures de Police et comparez. Faites la même chose en Suisse, en Flandre, en Finlande, au Japon et même dans de nombreuses villes américaines. Cela dit, le gouvernement a décidé de baisser les effectifs des forces de l'ordre, après des années de recrutement massif. C'est sans doute le signe d'une autre volonté. Et puis, il faut bien dire qu'à notre monde horizontal où paradoxalement les liens sociaux quotiddiens se sont délités, la police de proximité était une solution complémentaire, comme la monnaie, que tout doucement on réintroduit.
Écrit par : Christian Mayeur | 15/07/2009
La diminution des forces de l'ordre n'annoncerait-elle pas la privatisation de la sécurité publique comme c'est le cas aux US ? Cf. le film Jeux de Pouvoir qui traiterait d'un phénomène réel...
Écrit par : Thierry | 15/07/2009
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