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26/11/2011

Management des organisations

 

1. Le Manager cynique

 

« Nous sommes entre nous, alors je vais vous dire, mon vieux : il faut être pragmatique. On peut jouer les imbéciles – et je sais faire – sans être un imbécile. Si vous prenez le QI d’une population, vous aurez une courbe de Gauss : aux extrémités, en faible nombre, les gens très intelligents d’un côté et les plus stupides de l’autre. L’immense majorité, 80% au moins, se trouve dans la brioche de la courbe. Une organisation chargée de créer de la valeur pour des millions de clients, que ce soit en fabriquant des voitures, des assurances, de la choucroute ou des gode-michets, doit tenir compte de cela : quelles que soient les complexités de son métier, elle doit fournir des produits simples à comprendre, aisés à se procurer et faciles d’utilisation. Les succès d’Ikéa, d’Apple, etc.  démontrent cette vérité : le consommateur moyen a une intelligence moyenne. Non seulement, d’ailleurs, il a une intelligence moyenne, mais en outre il passe sa vie à l’anémier avec des loisirs stupides. Or, ce qui est vrai des consommateurs l’est évidemment des salariés, puisque ce sont les mêmes personnes. Pour être performante, l’entreprise doit donc s’organiser pour l’être avec des individus moyens. Moyens en intelligence et moyens aussi en motivation, car, pour la masse, travailler n’a pas le même attrait que consommer : je n'ai pas besoin de vous faire le dessin !

 

Contrairement aux grandes litanies des consultants New Age qui veulent nous vendre leurs utopies, la masse des individus n’a pas envie d’être créative, de réfléchir, et tout ce bullshit. Elle a envie d’un peu de fric pour acheter la lessive et les derniers gadgets que lui propose la télévision et pour se la jouer le week end avec les idiots qui lui ressemblent. Certes, nous devons y mettre des formes, parler à nos collaborateurs de leur intelligence, de leur « compréhension des enjeux », de leur engagement, etc. : il ne faudrait pas augmenter le nombre des tire-au-flanc qui est le point faible de toute entreprise. Mais, entre nous, dans la réalité, ne soyons pas dupes : tout doit être organisé pour atteindre l’excellence avec des zombies. C’est pourquoi le modèle militaire - avec ses fantassins, ses procédures carrées et sans intervention de la pensée, son obéissance mécanique, sa rapidité à exécuter le plan établi par les chefs - est le seul qui soit bon. Mettez là-dedans vos consultants « en intelligence collective » et autres irresponsables du même acabit, et vous verrez si vous gagnerez la bataille de la Marne ! Je ne donne pas trois jours pour que les gars jettent leurs armes et rentrent chez eux, sans se soucier de l’ennemi qui est sur nos talons ! Arrêtons les billevesées : oui, nous sommes en situation de guerre - de guerre économique. Une organisation efficace remporte les batailles avec  80% de godillots qui agissent intelligemment, non grâce à leur capacité de réflexion mais grâce aux ordres et aux procédures qui leur dictent ce qu’ils ont à faire à la seconde près.  Et si la discipline est assez respectée et la procédure assez simple pour pouvoir rendre productifs les 10% les plus stupides de la population, alors vous marquerez des points sur vos concurrents car, comme on dit dans l’industrie, vous aurez trouvé une utilité pour les « stériles ».

 

Alors, bien sûr, il faut gérer les autres, les dix pour cent qui ont des prétentions au génie. Notez que, si vous vous référez à ce que je viens de vous dire, on n’est pas obligé d’en embaucher beaucoup. Des bacs + 5 et plus, c’est souvent la gloriole du DRH qui les recrute, mais ils croient que c’est parce qu’ils ont des idées !  Je les ai observés, croyez-moi. Les véritables leviers de la performance, ceux que je viens de vous décrire, très peu pour eux ! Ce n’est pas assez noble, pas assez intellectuel ! Alors, si vous ne voulez pas qu’ils deviennent une plaie, il faut les orienter vers l’exploitation de leur intelligence opérationnelle et leur faire oublier le babillard qui soulève des questions sans intérêt, provoque des débats sans fin et retarde l’action. Heureusement, en général, le reste de l’organisation que je vous ai décrite se charge de les assagir : quand vous êtes le seul de vos pairs à vous masturber les neurones, on vous remet vite au pli et le moule reprend le dessus. Alors, ils se calment ou ils s’en vont. Mon conseil ? Harassez-les de travail. Faites-leur aspirer à des titres dans la hiérarchie. Donnez-leur des signes extérieurs de la faveur dont ils jouissent auprès de vous. Payez-les bien mais laissez-leur espérer toujours plus, afin qu’ils nourrissent sans cesse de nouveaux besoins qui les feront courir en oubliant la part d’eux-mêmes qui pourrait encore avoir envie de cogiter. Souvenez-vous aussi que penser, c’est désobéir. Les gens qui ont le temps de penser finissent toujours par penser que le chef se trompe et commencent à se demander comment le renverser. Personnellement, être renversé ne m’inquiète pas. Mais un putsch en pleine guerre, c’est la défaite assurée pour le pays.»

 

Commentaires

Bon, ce n'est pas vraiment faux, et j'avoue avoir eu ce genre de pensées. Une question, et une remarque. La question d'abord : Qui est le manager cynique, comme j'ai en tête le "Mme Bovary, c'est moi" de Flaubert. La remarque ensuite. Dans la masse de médiocres, il y a des gens qui font des choses surprenantes, comme de consacrer une partie de ses loisirs à l'entraide et à la solidarité bénévoles. Un constat qui montre les limites de notre définition admise de l'intelligence. Les abeilles sont individuellement pas très malines. Mais collectivement...

Écrit par : Jean-Marie Chastagnol | 26/11/2011

Bon, ce n'est pas vraiment faux, et j'avoue avoir eu ce genre de pensées. Une question, et une remarque. La question d'abord : Qui est le manager cynique, comme j'ai en tête le "Mme Bovary, c'est moi" de Flaubert. La remarque ensuite. Dans la masse de médiocres, il y a des gens qui font des choses surprenantes, comme de consacrer une partie de ses loisirs à l'entraide et à la solidarité bénévoles. Un constat qui montre les limites de notre définition admise de l'intelligence. Les abeilles sont individuellement pas très malines. Mais collectivement...

Écrit par : Jean-Marie Chastagnol | 26/11/2011

C'est une synthèse de propos entendus, d'observations et d'analyses du fonctionnement des organisations. Dans cette vision du management, l'intelligence des individus n'est recevable qu'à l'intérieur des comportements stéréotypés par les procédures. En ce qui concerne les abeilles, c'est le conditionnement génétique, "l'instinct", qui remplace les procédures. D'où l'impression que l'abeille est libre. Mais les principes de la ruche, appliqués à l'être humain, c'est rien de moins que la Métropolis de Fritz Lang. La métaphore de la ruche nous abuse. Il n'y a rien de plus totalitaire que les organisations d'insectes.

Écrit par : THierry | 26/11/2011

La question, c'est: est-ce que ce système que nous appelons "l'entreprise" est incontournable ? C'est la question que pose Andreu Sole dans Commencements 2. Elle est tellement grosse qu'elle nous aveugle!

Écrit par : Le Jo | 26/11/2011

Puis-je vous soumettre quelques évaluations "indépendantes" à comparer :
- Mon chirurgien avec qui je parlais de douleur et de sensibilité finit par m'avouer avoir pu faire une proportion qui a été reconnue par ses pairs lors d'un congrès : la population pourrait se classer en 60% de peu sensibles, 30% de sensibles, 9% de très sensibles et 1% d'hyper-sensibles.
- Alors que je devais me faire remplacer dans une mission pour pouvoir assurer mon devoir de citoyenne à un Jury d'Assise, le Chef d'Entreprise à qui j'annonçais cette mise entre parenthèse me dit "observez comment est structurée la population : sur 12 personnes, il y aura un meneur-intelligent, 2 autres intelligents, 3 moyens et 6 imbéciles. Là-dessus se grefferont les racistes, les sexistes, etc...la lutte est donc difficile pour faire régner la justice dans cette enceinte, il faut très vite comprendre comment appliquer une stratégie et définir laquelle".
- En 2007 nous menions une enquête sur les créateurs de Culture (Créatifs Culturels) depuis l'enquête aux US où il étaient 38%, nous savions qu'il y avait une très grande possibilité pour qu'arrive au pouvoir un personnage bien différent des précédents. En Europe la tendance était vraiment vers cette proportion, sauf en France. Pourquoi ?
Parce qu'il y avait 14% de femmes racistes qui bloquaient l'émergence de cette proportion. La manipulation par la peur savamment entretenue depuis des années par qui l'on sait a bien fait son office. Cependant, je crois que si l'on refaisait cette enquête étant donné la progression des réseaux, on serait surpris...
Car comme le dit Edgar Morin dans sa dernière ITW pour Terra Eco : aujourd’hui existent des forces de résistance qui sont dispersées, qui sont nichées dans la société civile et qui ne se connaissent pas les unes les autres. Mais je crois au jour où ces forces se rassembleront, en faisceaux. Tout commence par une déviance, qui se transforme en tendance, qui devient une force historique. Nous n’en sommes pas encore là, certes, mais c’est possible.

Alors ce genre de Chef d'Entreprise "vieux modèle" est effectivement encore bien soclé sur sa base. Mais il devient fragile, et s'il ne le comprend pas, c'est qu'il n'a aucune "vision".

Mon expérience me permet de faire jaillir en entreprise non seulement l'innovation, mais l'espoir et l'éveil des intelligences. Un grand groupe s'en est bien aperçu et ses bénéfices ont été importants. Puis rachetés par les américains, les méthodes américaines sont venues tout remettre "en ordre de marche". Ce laps de temps à été de deux ans, et le chiffre d'affaire s'est écroulé tout comme le moral des troupes... Donc les financiers américains ont débarqué et analysé les 5 ans précédents. Ils ont vu le pic du CA et ont posé des questions. Mon téléphone a sonné...
Et il n'y aura pas de frein, ont-ils dit, encore une carte blanche qui permet de faire avancer l'entreprise au coeur de la nouvelle société et d'augmenter les % précédents dans le bon sens, car au fond tout est fondé sur le formatage.

Écrit par : Saint-Arroman | 26/11/2011

wow, ça c'est de l'article! un peu désabusé mais pas faux ;)

Écrit par : anthony de reportingbusiness.fr | 26/11/2011

Ne soyons pas hypocrites, c'est vrai dans la plupart des grandes entreprises, des administrations, des organisations matricielles... L'antidote, c'est la petite boite et les compétences locales organisées en communautés de travail solidaires.

Écrit par : Pierre | 27/11/2011

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