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24/06/2022

Apocalypse (2/3)

 

Notre vulnérabilité aux manipulations

 

La prise de conscience de notre vulnérabilité aux manipulations nous conduira à nous interroger sur nos mécanismes intimes et à prêter plus d’attention à ce que nous cultivons en nous. C’est en cela que nous devons remercier la pièce de théâtre écrite, montée et jouée par des autorités de tout poil autour du récit de la pandémie. Elle nous offre l’occasion de porter un diagnostic sur une de nos faiblesses les plus dangereuses: la facilité à nous laisser pirater notre vie et dérober notre destin. La politique pseudo-sanitaire a créé un monde fantasmé dans lequel nous nous sommes enfermés. En utilisant des vaticinations statistiques, des mensonges monumentaux, en recourant aux techniques du storytelling, elle a créé un véritable métavers. Pourtant, les contradictions et les incohérences étaient telles que nous aurions dû être alertés: l’éléphant proverbial était dans le couloir, il était même fluorescent. Beaucoup d’entre nous ont refusé de le voir, et beaucoup encore ne le voient pas. Devant cette anesthésie du sens critique, et sans rien retirer de notre propre responsabilité, on ne peut pas ne pas penser à la stratégie du choc qu’a décrite Naomi Klein: on tétanise les gens et, avant qu’ils aient pu prendre du recul et se ressaisir, l’engrenage de la soumission se met en route et les entraîne. En filigrane de tout cela, une injonction subliminale: « Ne cherche pas à comprendre! » 

 

Peu auront cherché à comprendre. La soumission a été générale, y compris de la part de professions qui auraient pu prendre du recul, qui avaient la légitimité d’élever la voix, de refuser d’obéir à des mesures aussi inhumaines qu’injustifiées. Au contraire, on y a été jusqu’à faire taire, par des moyens éhontés, ceux des collègues qui avaient su raison et humanité garder. Pire, quel que fût notre milieu, à des degrés variables, chacun à sa manière, nous sommes tous devenus cruels les uns envers les autres. Les divergences d’appréciation de ce que nous vivions ont semé haines et mépris. Comme un fruit que la pourriture gagne, au sein des familles, des amitiés, des équipes et de la société tout entière, des gens paisibles se sont jeté au visage invectives et anathèmes*. La ségrégation est devenue banale. Ceux qui avaient le pouvoir de prendre des décisions impliquant d'autres personnes ont dérivé dans l’odieux à un degré aussi incroyable qu’alarmant. Il semble que des professions entières ont succombé à la jouissance de l’autoritarisme, du harcèlement et de l’abus de position dominante. En résumé, l’espèce humaine s’est abaissée jusqu'à revenir sur la pente des pires moments de son histoire. Aujourd’hui, d’aveuglements en renoncements, n’en sommes-nous pas encore à accepter qu’on injecte aux enfants - que cette maladie ne concerne guère - des substances douteuses sur lesquelles on essaye de maintenir le boisseau ? N’en sommes-nous pas encore, quoique de plus en plus difficilement, à vouloir fermer les yeux sur les effets secondaires de ces injections, alors que l’on devrait au moins mettre en place une surveillance scientifique et médicale des personnes injectées ? N’en sommes-nous pas à vouloir devenir des numéros au sein d’une matrice numérique ? A vouloir vivre pucés comme des animaux domestiques, en permanence sous le regard de Big Brother ? Et en échange de quoi ? D’être soulagé du poids de l’existence ? Désespérante régression! S’il en est ainsi, nous ne sommes plus dignes de ceux de nos ancêtres qui, les premiers, se dressèrent sur deux pattes. 

 

Anxiété diffuse, isolement, frustrations... 

 

Pour Matthias Desmet**, notre vulnérabilité à la manipulation a résulté de quatre facteurs : une anxiété diffuse, le manque de liens sociaux, des niveaux élevés de frustration et d’agressivité, l’absence d’un sens ou d’un but supérieur donné à la vie. Il n’y a rien de plus obsédant qu’un ennemi invisible: il peut être partout, on l’imagine partout. L’anxiété diffuse a été ainsi créée et entretenue grâce au « diabolique » coronavirus. Les confinements, l’interdiction des lieux de sociabilité, les couvre-feu, la limitation du nombre de personnes pouvant se réunir, ont isolé les individus, les empêchant d’échanger leurs ressentis, leurs réflexions, de progresser ensemble dans la compréhension de ce qui leur arrivait et de se rassurer mutuellement. Les frustrations quant à elles sont naturellement une source d’agressivité. La politique sanitaire les a multipliées et elles ont été plus ou moins ressenties selon les personnes. Elles ont engendré une animosité à l’égard de ceux qui refusaient de marcher au pas, fût-ce intellectuellement. La propagande en fit des irresponsables et des égoïstes, aussi dangereux que des terroristes et susceptibles au surplus, par leurs comportements, de faire prolonger les restrictions de liberté. 

 

...et sens de la vie

 

Le dernier facteur cité par le professeur Desmet- le manque de sens ou de but supérieur donné à la vie - me renvoie à la fois à Contact de Matthew B. Crawford et à une conférence d’Ariane Bilheran. Dans ce livre, l’auteur de l’Éloge du carburateur étudie la fragmentation de notre attention que sollicitent à longueur de journée mille interpellations issues du marketing commercial, politique, associatif, etc. ainsi que de nos multiples contacts personnels et professionnels. Ce harcèlement continu crée une sorte de brouillard qui nous masque l’expérience immédiate du monde sensible et nous entraîne à nous disperser. Comme le disait un de mes amis à propos du téléphone portable: un instrument qui rapproche ceux qui sont loin et éloigne ceux qui sont proches. Mais tant de sollicitations extérieures de notre « temps de cerveau disponible » ont une autre conséquence: elles font que nous avons de plus en plus de mal à nous connecter à nous-même. De plus en plus de mal par manque de temps, mais aussi, au final, par manque de pratique. Or, cet espace  intérieur de silence, que nous désertons ou dont nous ne trouvons plus la clé qu’avec difficulté, est le creuset où une unité intérieure résiliente peut se constituer autour d’un sens donné à la vie, d’un récit qui la suranime. L’homme éparpillé est vidé de sa propre substance et, comme la nature a horreur du vide, ne l’habite plus qu’une conscience qu'on lui injecte de l’extérieur.  

 

Ariane Bilheran***, quant à elle, évoquait dans sa conférence le renoncement contemporain à ce qu’elle appelle la « vie héroïque ». En résumé: nous préférons nous accrocher à une vie qui n’a pas de sens plutôt que lui en donner un en prenant des risques. On répondra qu’un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. En ce qui me concerne, je crois que sous l’empilement des protections et des précautions la vie s'étouffe, s’étiole et meurt. Je crois que notre espèce, du fait de ses faiblesses, a besoin de héros qui ont la capacité d’aimer quelque chose de plus grand et de plus cher qu’eux-mêmes. Ils donnent une réalité à des valeurs dont nous avons collectivement besoin si nous ne voulons pas nous remettre à marcher à quatre pattes, avec en plus une laisse et un collier - connecté - autour du cou. 

 

(à suivre)

* Je peux moi aussi battre ma coulpe: combien de colères et de mépris ai-je ressenti devant l’aveuglement des uns ou des autres ! Je n’ai cependant agressé personne « dans la vraie vie », mes coups de griffe n’ont guère dépassé Twitter. 

** Professeur de psychologie clinique à l’université de Gand, en Belgique.

*** Psychologue et écrivain française, ancienne élève de l'École normale supérieure, auteur d'ouvrages et d'articles sur le harcèlement, la manipulation mentale et la « psychologie du pouvoir ».

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