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13/02/2023

Le wokisme d’Etat 

 

Durant les décennies qui ont précédé 1789, dans les cercles philosophiques qui se développent alors, ont peu à peu émergé la représentation et la nécessité d’une nouvelle organisation politique des peuples. On écrivait, on s’écrivait, on échangeait, on publiait. Les salons bourdonnaient de conversations excitées autour des idées nouvelles. On critiquait la monarchie qui s’enlisait dans sa faiblesse et l’accumulation de réformes ratées. On en diabolisait certains éléments symboliques, comme les lettres de cachet qui n’avaient jamais été aussi peu utilisées ou la Bastille où certains personnages n’étaient pas empêchés de mener grand train et publiaient à leur sortie des mémoires de captivité incendiaires.*

 

Comme l’a montré la suite des évènements, le nouveau monde se devait d'être délivré de toute religion. La Révolution n’est pas que politique, elle est aussi culturelle. C’est le premier wokisme, un wokisme d’Etat: suppression des prénoms chrétiens, du calendrier julien, des anciennes mesures de distance et de poids, etc. Et, finalement, ce sera pour promouvoir un nouveau culte: celui de « l’Être suprême ». « Choisis bien ton ennemi, tu finiras par lui ressembler » écrira plus tard Nietzsche. Toute l’intolérance que les révolutionnaires reprochaient à la religion, ils la pratiquèrent, et à outrance. Les guerres de Vendée n’ont rien à envier à la croisade contre les Albigeois. C’est à se demander si le désir profond des révolutionnaires, plus que de nouvelles institutions, n’était pas de créer une nouvelle religion. 

 

Au XVIIIe siècle, pour prendre l’air du temps, un Huron ou un Persan - ces personnages étaient alors à la mode - auraient fréquenté le salon de Madame du Deffand ou celui de Madame Geoffrin, le Café Procope ou L’Entresol de Julie de Lespinasse. C’est en regardant la liste des experts qui fréquentent les cercles où se retrouve l’élite mondiale que l’on peut se faire une idée des courants de pensée qui entendent produire l’avenir. Jacques Attali, George Soros, Bill Gates, Klaus Schwab remplacent Voltaire, Diderot, Rousseau ou d’Alembert. Yuval Harari donne le ton en reprenant l’expression tirée de la Bible: « Vous serez comme des dieux ». Il semble bien que tout se prépare pour que nous soyons à la veille d’un grand basculement comme le fut celui de 1789. Il suffit que les idées rencontrent les cerveaux qui ont le pouvoir et que la conjoncture, aidée ou non, apporte son aide. Comme l’a écrit Marx: pour faire la révolution, il faut une doctrine, du personnel et une situation qui s'y prête. 

 

Nous sommes en train de vivre un processus semblable à celui des décennies qui précédèrent 1789, avec cette différence que le nouvel être suprême est déjà annoncé: c’est l’homme lui-même, devenu le démiurge tout-puissant qui, au nom de l’expression de Descartes « maîtres et possesseurs de la nature », s’autorise à tout pour « s’augmenter ». On colloque, on publie, on passe à la télévision, on se fait interviewer, on tire des plans sur la comète. Que ressort-il de cette nouvelle ébullition intellectuelle ? D’abord, le « complexe d’Orphée » que décrit Jean-Claude Michéa** prépare la table rase de tous les principes qui jusqu’ici, bon an mal an mais sur des millénaires, nous ont guidés. Jusques au corps humain qui n’est plus inviolable. Un foetus quasiment à terme peut être tué en toute légalité et une femme en état de mort cérébrale peut devenir l’outil d’une gestation pour compte d’autrui. Pendant que les laboratoires se partagent le produit des avortements, les défunts, une fois prélevés les organes qui peuvent encore servir, deviendront de l’humus. Cerise sur le gâteau, si je puis dire, on est à la veille de nous inviter au cannibalisme et je ne galèje pas. Selon la technique des petites touches, on a commencé à évoquer ici et là la production d’une viande artificielle « au goût d’humain ». Vous avez bien lu! « Vous mangerez vos morts et vous serez heureux » pourrait-on prophétiser en combinant une phrase de Klaus Schwab avec une invective de Danièle Obono. L’humain est ainsi réduit à n’être qu’un tas de matière, d’énergie ou d’argent, tandis que les plus riches, les êtres supérieurs, espèrent une survie indéfinie en transférant leur conscience dans des machines. Les fabriques du consentement prépareront bientôt l’avènement, dans l’enthousiasme collectif - rien de tel, en effet, que de créer une mode pour attraper les gogos - de Soleil Vert et d’Ex machina. Le fond de tout cela: il n’y a plus de sacré, rien n’est interdit, et c’est le progrès. 

 

Sur ce chemin, le principal obstacle, pour ne pas dire le seul, est le christianisme et singulièrement celui d’obédience catholique. Les règles sexuelles qu'il prône lui ont aliéné nombre de citoyens de la société de consommation qui est aussi celle de l’obsolescence, des citoyens qui, pour être obsédés par l’amour romanesque - si l’on en croit du moins certaines séries télévisées - ont l’engagement frileux et la constance fragile. Les campagnes contre l’encouragement à l’avortement et le "mariage pour tous" ne l’ont pas rendu plus sympathique. Le « monde de Tante Yvonne » dont se gaussait Cohn-Bendit n’a survécu que peu d'années à mai 68. Nous sommes dans le monde de « Tante Brigitte ». Mais c’est, à tout prendre, anecdotique. Si tout ce qui tourne autour de la sexualité semble obséder une certaine élite, entre le christianisme et ce que certains appellent le progrès, il y a des antagonismes bien plus profonds. 

(à suivre)

 

* Cf. Claude Quétel, Crois ou meurs !: Histoire incorrecte de la révolution Française, Tallandier Perrin, 2021. 

**Jean-Claude Michéa, Le complexe d'Orphée : La Gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Champs, 2017. 

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