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15/02/2023

Antagonismes irréductibles (1/2) 

 

"Vae victis!"

 

Au cours de son histoire de deux mille ans, le christianisme a connu des assauts de toute sorte, les plus redoutables étant ceux qui utilisaient le travestissement de son message afin de le dénigrer plus facilement. Certains de ses serviteurs, hélas! l’ont aussi trop souvent desservi. La société de consommation et ses charmes soporifiques est peut-être un de ses plus grands défis. Aimer plus grand que soi n’est guère dans l’air du temps. Les générations s’éloignent d’autant plus les unes des autres que l’on a cultivé et mis en scène leurs oppositions. Une multitude de causes abordées sur le mode de l’émotion émiette les âmes privées d’un centre de gravité. La publicité nous propose des fantasmes narcissiques et ridiculise dans ses mises en scène les glorioles de consommateurs "postmoderne". L’issue inéluctable de la vie - la mort, puisqu’il faut la nommer - est camouflée autant qu’on le peut, de même que les vieillards relégués au fond des EHPAD. Divertissements et artefacts viennent alléger l'ennui et nous distraire des épreuves qui pourraient nous procurer des moments d’approfondissement de notre rapport à l’existence. Telle est, sommairement évoquée, la toile de fond sur laquelle le christianisme subit aujourd’hui dans notre région du monde une guerre aussi tenace que sournoise. 

 

La cancel culture, que pratiquent compulsivement des organisations se recommandant de la laïcité, s’en prend aux statues qui pourraient pervertir le bon peuple, mais, surtout, elle s’en prend à notre histoire. L’origine chrétienne de notre pays, de notre civilisation, est niée ou rejetée et, a minima, doit être tue. Certains veulent que l’on débaptise des fêtes telles que Noël. En revanche, on laisse croire à toute une population de jeunes maghrébins que les méchants croisés s’en sont pris aux innocents musulmans, en omettant de rappeler l’extension foudroyante, sabre à la main, des cavaliers d’Allah trois siècles auparavant, et le statut de déclassés réservé aux chrétiens et aux juifs dans les territoires conquis. Les cas de pédophilie au sein de l’Eglise sont montés en épingle par des hypocrites qu’indiffère le constat que cette ignominie a pour cadre prépondérant non pas les sacristies mais le milieu familial. L’Etat, qui pratique le « quoi qu’il en coûte » dès lors qu’il s’agit de fermer les restaurants ou de soutenir sur ordre un fantoche issu du plus crasse nazisme, se réjouit de ne plus pouvoir entretenir les églises et envisage, par la voix emmiélée d’une ancienne ministre, d’en raser quelques-unes. Il s’agit, n’en doutons point, dans l’esprit de ses contempteurs, de se débarrasser enfin du catholicisme. Il n’y a pas de meilleur symbole de cela que ces deux illustres personnages qui furent surpris en train de ricaner devant Notre-Dame de Paris en proie aux flammes. De « l’infâme », rien n’a de valeur. 

 

Pourquoi cette volonté obsessionnelle d’effacer à tout prix le christianisme ? On peut évoquer des comptes à régler pour certaines exceptions sexuelles devenues des lobbies. Mais, surtout, il y a un antagonisme irréductible de l’esprit du christianisme avec le projet que promeut une élite mondialisée. Le monde étant devenu un village, le projet se veut planétaire et il s’agit de rien de moins que l’orientation de l’espèce humaine. Ce projet puise à une idéologie, le « darwinisme social », et à un système philosophique, le matérialisme, qui s'opposent tous deux aux fondements du christianisme. 

 

Le « darwinisme social » a été théorisé au XIXe siècle au grand dam de l’auteur de L’origine des espèces, qui considérait qu’on détournait ses idées en les appliquant à l’humain. En résumé, la morale du darwinisme social, tel que l’entend par exemple Howard Spencer, est que celui qui sait s’enrichir est le moteur de l’évolution. Il montre une faculté particulièrement élevée d’adaptation à son milieu. Il est l’émergence d’une espèce supérieure. De ce fait, on ne saurait l’empêcher de prospérer sans empêcher l’évolution; et, mieux même: on ne saurait l’empêcher de prospérer, le ferait-il de manière malhonnête: l’adaptation des espèces animales et végétales n’est pas entravée par des règles morales. Le darwinisme social n’est jamais qu’une tentative de légitimation par la science de ce que l’on appelle communément « la loi de la jungle » ou « la raison du plus fort ». Cela entraîne que, pour ses partisans, trop d’humanité envers les « riens » ne fait qu’alourdir les champions de l’évolution. C’est pourquoi ces riens doivent-ils travailler le plus possible en coûtant le moins possible. C’est pourquoi, aussi, la démocratie n’est supportable que si l’opinion publique est habilement dirigée, ce qui suppose une élite pour le faire. Le darwinisme social établit l’inégalité des êtres humains et recrée un système de castes. Pour le christianisme, la richesse ou la pauvreté, une situation brillante ou modeste, ne font pas qu’une âme a plus ou moins de dignité qu’une autre. 

 

Par la prédication du Christ mais aussi par la vie de tous ceux dont la sainteté a été louée au long des siècles, le christianisme prône le désintéressement des biens de ce monde. Or, le moteur de ce qu’est devenue notre civilisation, la mesure qui y exprime la valeur des choses et des gens, sont justement la richesse avec le pouvoir qui en résulte. Le critère pour être membre de cercles comme le World Economic Forum, ce grand salon du nouveau philosophisme dont le réseau a pour ambition d’instaurer une gouvernance mondiale, n’est-il pas le poids financier que l’on représente ? Or, comment voulez-vous que des Gates, des Soros ou des Rothschild puissent entendre sans en sourire (ou en être agacés) cette phrase que reprennent les trois évangiles synoptiques: « En vérité, je vous le dis, il est plus difficile à un riche d’entrer au royaume des cieux qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille » ? Quand on doit à la richesse la position planétaire que l’on occupe, la capacité que l’on a d’intervenir dans les affaires intérieures des nations, n’y a-t-il pas de quoi mépriser le pouilleux de Bethléem qui l’a prononcée et la clique d’arriérés qui lui emboitent le pas ? En outre, le rapport des riches aux pauvres s’avoue explicitement conflictuel. Souvenez-vous de Warren Buffet fanfaronnant: « Bien sûr, il y a une lutte des classes, et c’est même la mienne qui est en train de la gagner ». Pour ces darwiniens, il ne faut pas intervenir dans la sélection naturelle qui, jusqu’au sein des sociétés humaines, produit des gagnants destinés à régner et des perdants voués à disparaître. La bienveillance envers les pauvres et le secours à leur apporter que prône Jésus maintient en survie artificielle des faibles, des losers. « Vae victis! » Malheur aux vaincus ! Brennus, le rançonneur des Romains, est finalement le premier théoricien du darwinisme social*.

 

L’économie - ou plutôt l’économisme - a remplacé la religion en tant que pensée structurante de la société et d’orientation de la société humaine. La comptabilité des coûts et des rendements qui en résulte entraîne la réification de tout, y compris des hommes, ainsi que la disparition dans les esprits de ce qui ne peut être comptabilisé: la beauté d’un site, les espèces sauvages voire les communautés premières qui y vivent. La spéculation rapporte davantage que les produits de l’économie réelle et le spéculateur est bien au dessus du producteur. Aucun secteur n’y échappe. Certain groupe mondial gestionnaire d’EHPAD a fait de grands profits jusqu’à ce que l’on découvre les ignobles conditions d’hébergement de ses pensionnaires**. Les industries pharmaceutiques provisionnent dans leurs bilans les dommages-intérêts qu'elles pourraient avoir à payer: peu importent les souffrances et les morts si les bénéfices excèdent ces provisions. Ce que l’on appelle l’Art Contemporain n’est pour l’essentiel qu’un jeu financier***. Aboutissement de cette forme de pensée, en 1981, dans le recueil d’interviewes « L’avenir de la vie » , Jacques Attali distingue parmi les êtres humains les utiles et les inutiles. Accepter une telle distinction peut ouvrir la voie à des dérives odieuses. Si le christianisme n’encourage pas les hommes à la paresse mais à prendre leur part de l’effort de la communauté, la nature de l’être humain ne saurait être pour lui de l’ordre de l’utilité. Le sens de notre existence n’est pas dans la contribution que nous pouvons apporter à un système économique.  

 

Pour clôturer cette séquence sur l’antagonisme entre le darwinisme social et le christianisme, comment ne pas évoquer la fin terrestre du Christ ? En choisissant de se laisser arrêter, en dissuadant même ses disciples de le défendre et en acceptant le martyre et une mort ignominieuse, il ne peut être un héros pour les darwiniens. Les indomptables cowboys des westerns leur conviendront beaucoup mieux. Vae victis !

(à suivre)

* Brennus, roi gaulois, s’est emparé de Rome en 390 avant Jésus-Christ et exige une rançon de 1000 livres d’or. Alors que l’on pèse le tribut, les Romains se plaignent que les Gaulois trichent avec les poids. Brennus rajoute alors son épée dans la balance en disant: « Malheur aux vaincus ! »  

** Victor Castanet, Les fossoyeurs, J’ai lu, 2023. 

*** Christine Sourgins, Les mirages de l'Art contemporain - Brève histoire de l'Art financier, La table Ronde, 2018. 

PS: pensez à visiter mon nouveau blog: La Revue de Presse d'Indiscipline Intellectuelle: http://larevuedepressedindisciplineintellectuelle.blogspi... 

Commentaires

Encourager les inutiles à se suicider: la proposition d'un économiste: https://www.medias-presse.info/la-derniere-folie-arc-en-ciel-pour-sauver-le-japon-que-les-vieux-se-suicident/171422/

Écrit par : Antoine | 17/02/2023

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