UA-110886234-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/02/2023

Intermède: une recette pour produire du complotisme

 

Je me souviens d’une gamine qui, le jour de son anniversaire, connut l’angoisse de sa vie. Pour lui faire une surprise, ses parents l’avaient emmenée en grand mystère vers une destination inconnue. En regardant le paysage défiler, elle se posait mille questions. Soudain, une évidence s’imposa à elle: on avait décidé de se débarrasser d’elle, on allait l’abandonner! Elle revoyait les disputes que son indiscipline récurrente avait provoquées, les menaces tout aussi récurrentes de la mettre en pension. A la stupéfaction de ses parents, elle éclata soudain en larmes. Mais leurs intentions n’étaient que bienveillantes: la destination était Eurodisney. J’appellerai cela une expérience de complotisme. Ce qui est intéressant, c’est d’en comprendre les mécanismes.

 

D’abord, de même que la végétation, le complotisme ne prolifère pas sur n’importe quel sol. Il a besoin d’une forme d’acidité. A partir des années 70 et de la publication du premier rapport Meadows, puis avec la diffusion des thèses du GIEC sur le réchauffement climatique et surtout sur sa cause anthropique, l’opinion se répand dans certains milieux que ce n’est pas le train de vie d’une poignée d’oligarques (qui le méritent bien au surplus) qui met en péril l’écosystème planétaire, ce sont les petites consommations quotidiennes des milliards de « riens » qui se sont reproduits à outrance. S’il y a eu, pendant la « crise sanitaire », un courant complotiste qui a vu dans la « pandémie » et l’obsession de l’injection d’ARN une volonté de réduire la population mondiale, ce n’est pas un délire gratuit dû à l’abus de bière autour d’un barbecue. C’est qu’une partie de la population sent bien que la ploutocratie et ses serviteurs ne l’aiment pas et la supportent à peine. En France, d’ailleurs, le plus haut personnage de l’Etat se plaît à n’en rien cacher. Quand, de ce fait, on n’a plus confiance dans la parole officielle et les intentions qu’elle prétend exprimer, on n’a pas d’autre moyen de tenter de comprendre ce qui se passe qu’aller chercher les pièces du puzzle pour le reconstruire. Et on le fait avec, au fond du coeur, l’amertume de ceux qui savent qu’ils sont méprisés. 

 

Depuis quelques décennies, le décor dans lequel nous vivons fournit justement à notre puzzle quelques pièces de nature à éveiller notre défiance. Les entreprises de la santé sont particulièrement intéressantes de ce point de vue. La santé, chacun d’entre nous sait ce qu’elle est: le bon fonctionnement du corps, l’absence de douleurs, la perspective de la longévité. Or, les industriels de ce secteur ont mis des années à reconnaître l’inefficacité et les effets secondaires parfois mortels de substances qui leur permettent d’engranger des bénéfices. Confrontés aux demandes des patients ou de leurs familles, ils ont multiplié les manoeuvres dilatoires et freiné des quatre fers avant de remballer leurs poisons. Dès 2012, sous la signature de deux professeurs de médecine, un livre dévoilait ces pratiques en dénonçant les « 4000 médicaments inutiles ou dangereux »*. Plus récemment, l’enquête publiée sous le titre « Les Gardiens de la raison »** a montré toutes les roueries de l’industrie pharmaceutique devenue une vraie pieuvre. On reverra aussi avec profit le documentaire d’Arte de 2016 sur l’arnaque au cholestérol***. Ce dernier document est instructif car l’histoire qu’il raconte se déroule sur plusieurs décennies et montre comment, en partant d’un postulat bancal, on développe une doxa inébranlable, un réseau d’influence - dans certains cas aux méthodes mafieuses - et une filière de profit.

 

Ces faits, s’ajoutant à la détestation que nos dirigeants cachent à peine, voilà qui pose une climat au sein duquel il est difficile de croire que tout ce beau monde veut nous emmener à Disneyland !  Alors, si, dans votre pioche, vous trouvez aussi les « dix commandements » des Georgia Guidestones et lisez un peu rapidement une certaine déclaration de Jacques Attali, ou plus récemment celle d’un jeune économiste de Yale, vous ne pouvez que vous poser des questions incongrues. Erigées dans des conditions mystérieuses en 1980 en Géorgie, aux Etats-Unis, les Georgia Guidestones étaient un monument de granite impressionnant, aujourd’hui détruit, sur lequel étaient gravées en huit langues dix prescriptions dont la première interroge: « Maintenez l'humanité en dessous de 500 millions d’individus ». D’évidence, le texte veut se faire passer pour très ancien, bien antérieur à l’époque où l’humanité a franchi cette barre de 500 millions d’habitants. Mais quelle conclusion en tirer pour aujourd’hui ? Est-ce une invitation à revenir en deçà de cette limite ? Mais comment ? Quant à Jacques Attali, dans « L’avenir de la vie », il a déclaré tout simplement que, passé un certain âge, l’être humain devient improductif, donc inutile, et représente une charge pour la société. So what ? Yusuke Narita, jeune professeur d’économie à Yale répond ces jours-ci:  la solution est le « suicide de masse », forcé ou volontaire, des vieux****. 


Voilà les composants. Vous avez le sol - la malveillance de l’élite - le climat - les scandales renouvelés des activités industrielles - et l’engrais - les déclarations que nous avons évoquées. Vous avez de quoi  cultiver un beau complotisme qui vous donnera de beaux fruits. Reste l’étape finale. Rien de tel qu’un alambic dans lequel ces fruits vont concentrer leurs arômes. Ce sera la « pandémie ». Immobilisations diverses et confinements, obligations fantaisistes et mensonges qui se contredisent, censure sans complexe et obscurités entretenues: ce qui ressort au bout du serpentin de refroidissement ne peut que titrer très fort. « Ç’a un goût de pomme » comme on l’entend dans la dégustation célèbre des Tontons Flingueurs. Je vous propose une étiquette pour ce nectar: « Cuvée McKinsey ». 

 

* Louis Even et Louis Debré, Guide des 4000 médicaments inutiles ou dangereux, éditions Cherche Midi, 2012. 

** Stéphane Foucart, Stéphane Horel, Sylvain Laurens, Les gardiens de la raison, Enquête sur la désinformation scientifique, La Découverte, 2020.

*** Arte, Cholestérol, le grand bluff, 2016: https://www.youtube.com/watch?v=07UdGQTQosE

**** https://www.medias-presse.info/la-derniere-folie-arc-en-c... 

Les commentaires sont fermés.