14/02/2008
Mortels dilemmes
Nous nous sommes mis dans cette situation extraordinaire de marins perdus qui n'auraient d'autre façon de survivre que saborder le bateau qui les porte et se noyer. Je m'explique. L'épée de Damoclès de notre époque, et dont le fil se défait sous nos yeux, c'est le risque écologique. Or, quand les statisticiens constatent un ralentissement de la consommation, allez-vous vous écrier: "C'est une bonne nouvelle pour l'environnement" ? Je ne saurais vous le conseiller: vous pourriez vous faire écharper! Dans le monde que nous avons construit, une baisse de la consommation, c'est la croissance et l'emploi qui plongent, la précarité qui s'accroît.
Savez-vous ce qui se dit autour des tables des conseils d'administration de l'industrie pharmaceutique ? "Grâce à une bonne pathologie, nous avons réussi cette année à atteindre nos objectifs en Inde." Ou encore: "L'an prochain, avec l'augmentation du nombre de cancers de la peau, notre nouvelle molécule devrait faire un tabac." Avec un raisonnement semblable, croyez-vous que la prévention a une chance de trouver des ressources ? Tout au contraire, on se gardera bien - par exemple - d'encourager l'utilisation des moustiquaires, qui protègeraient des dizaines de milliers d'enfants, parce que cela ne rapporte rien et pourrait ralentir l'écoulement des substances à forte marge.
Imaginons maintenant une diminution importante des conflits armés et des entretuements collectifs. Est-ce une bonne chose ? Oui, d'un point de vue humain. Personne n'oserait affirmer le contraire. Non, d'un point de vue économique. La fabrication et la vente d'armes, les reconstructions après les guerres, tout cela fait tourner l'économie et génère de l'emploi. Vous vous souvenez de la cession d'un stock de machettes à un pays africain, à la veille d'une guerre civile que les services de renseignement, pourtant, voyaient venir ? Vous croyez que ces machettes étaient réellement des outils destinés à de pacifiques activités agricoles ?
Supposez que votre fils, votre fille, votre compagnon travaille dans une de ces entreprises qui ont besoin de la violence des uns ou de la maladie des autres pour écouler le produit de leur activité. Supposez qu'une bonace ou une politique de prévention efficace fassent peser une grosse menace sur les primes et les promotions, voire sur leur emplois... Alors ? Vous en penseriez quoi ?
Alfred Sauvy avait relevé qu'à la période de diète forcée de la seconde guerre mondiale avait correspondu une chute notable de pathologies diverses, cardiovasculaires et autres. Même les dépressions nerveuses avaient perdu des points. Imaginons que - sans guerre aucune, faisons dans l'économie - nous nous mettions à manger moins de viande et que, de ce fait, nous nous portions mieux. Catastrophe multiple! D'abord, pour les producteurs , les distributeurs et les détaillants, ensuite pour les médecins, les pharmaciens et les laboratoires que nos triglycérides, notre cholestérol et notre acide urique engraissent. Si vous voulez être un bon citoyen du système, protéger la croissance et l'emploi, surtout continuez à consommer!
Alors, quand on dit (selon la formule consacrée): "Les Français n'ont pas le moral: la consommation a baissé", je comprends mieux ce paradoxe. Car c'en est un: du point de vue psychologique - demandez aux spécialistes - consommer davantage manifeste rarement un mieux-être intérieur. Ce serait même plutôt le contraire dans les catégories sociales qui ont dépassé le seuil du nécessaire. En revanche, ne pas consommer et se dire que, de ce fait, on est responsable des problèmes économiques et sociaux, il y a effectivement de quoi déprimer!
07:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Ecologie, société, consommation
13/02/2008
La mort des abeilles
Les abeilles disparaissent de la surface de la planète. L'information, qui circule déjà depuis quelque temps, ne provient pas de quelque brûlot issu de la mouvance de José Bové. Vous pouvez la retrouver sur le site du journal Les Echos qu'on ne peut guère taxer de fantaisie: http://www.lesechos.fr/info/energie/4611614.htm .
En voici un extrait.
"En quelques mois, entre 60 % et 90 % des abeilles se sont ainsi volatilisées aux Etats-Unis où les dernières estimations chiffrent à 1,5 million (sur 2,4 millions de ruches au total) le nombre de colonies qui ont disparu dans 27 Etats. Au Québec, 40 % des ruches sont portées manquantes. En Allemagne, selon l'association nationale des apiculteurs, le quart des colonies a été décimé avec des pertes jusqu'à 80 % dans certains élevages. Même chose en Suisse, en Italie, au Portugal, en Grèce, en Autriche, en Pologne, en Angleterre où le syndrome a été baptisé « phénomène «Marie-Céleste» », du nom du navire dont l'équipage s'est volatilisé en 1872. En France, où les apiculteurs ont connu de lourdes pertes depuis 1995 (entre 300.000 et 400.000 abeilles chaque année) jusqu'à l'interdiction du pesticide incriminé, le Gaucho, sur les champs de maïs et de tournesol, l'épidémie a également repris de plus belle, avec des pertes allant de 15 % à 95 % selon les cheptels."
On a souvent entendu citer la phrase d'Einstein selon qui "si les abeilles venaient à disparaître, l'humanité ne tarderait pas à en faire autant". Serait-ce que le miel et la gelée royale sont si essentiels à notre santé ? Point du tout! Ne pouvant pas se déplacer pour se rencontrer, les plantes ont besoin de ces petits insectes pour véhiculer leurs semences. Au point que, selon Bernard Vaissière, spécialiste des pollinisateurs à l'Institut national de recherche agronomique, « trois quart des cultures qui nourrissent l'humanité en dépendent ». Les causes de l'hécatombe ? Vraisemblablement les usuals suspects: pesticides et autres ogm dont la combinaison aurait ouvert la voie à des parasites mortels pour les butineuses.
Nous avons dans ce drame une illustration de notre façon calamiteuse de penser le monde. Le marché du miel, de la gelée, c'est peanuts pour nos indicateurs économiques! A la limite, ces denrées peuvent disparaître, on mettra un peu plus de confiture dans les rayons des hypers et on ajoutera quelques flavors synthétiques pour nous rappeler le bon vieux temps. La pollinisation ? Tant qu'elle est gratuite, elle n'a pas de légitimité économique. Elle n'existe pas! Si nous survivons aux abeilles - grâce à quelque artefact que ses inventeurs vendront très chers et qui enrichira, lui, les PNB - nous pourrons nous préparer à un monde où seuls les coïts tarifés et les enfants produits dans des laboratoires seront autorisés! Mais rassurez-vous: ce sera pour notre bien!
08:25 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : écologie, société, économie
12/02/2008
3èmes rencontres de la motivation
Invitation transmise par Armen Tarpinian et Transversales Science & Culture
Jeudi 14 février 2008 à 19 H, ASIEM 6, rue Albert de Lapparent, 75015 PARIS (Métro : Ségur)
L’école doit repenser la réussite...
Quel sens l’école donne-telle à « la réussite » ? Les valeurs et les comportements qu’elle induit ne vont-ils pas à contresens de ses aspirations démocratiques ? L’égalité des chances ne masque-t-elle pas l’essentiel : l’obligation d’assurer la réussite de tous ?
http://grit-transversales.org/article.php3?id_article=255
08:05 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : école, société