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19/02/2009

Lettre d’un senior à sa DRH

« Pourquoi j’aimerais pouvoir bénéficier d’un bilan de compétences… »: un ami me communique cet extrait d’une demande de « bilan de compétence » formulée par un sénior auprès de sa DRH. Je vous en livre le contenu car j’en trouve l’esprit exemplaire en cette période de crise où tout le monde semble se replier sur soi – les individus comme les organisations, les uns et les autres ne cherchant d'ailleurs qu’à se « lâcher » réciproquement. Il paraît que la DRH a accédé à cette demande.

(…)
« A soixante et un ans, et si mes calculs sont exacts, il me reste, à peu de mois près, trois ans à travailler avant de pouvoir opter (ce n’est pas une obligation…) pour une retraite à taux plein.
Certains diraient « trois ans à tirer » !
Je n’ai pas du tout envie de m’inscrire dans cet esprit même si je peux en comprendre les raisons.
Aujourd’hui, j’ai un travail qui me plaît et qui ne présente qu’un inconvénient : je l’exerce depuis plus de quinze ans. Dès lors la question qui se pose est : vais-je continuer jusqu’au bout à faire ce que je fais, sans grand espoir d’évolution professionnelle et au risque de sombrer dans une routine confortable certes mais peu valorisante - ou ai-je encore les moyens de me donner un nouveau challenge qui dynamise et éclaire mes dernières années de vie professionnelle ?
L’expérience que j’ai désormais me conduit à penser que, si je crois être prêt à relever un ultime défi, je ne le ferai pas à n’importe quel prix.
A n’importe quel prix, cela signifie que je pense connaître mes points forts et mes points faibles et qu’à ce stade, je désire d’abord exploiter mes points forts, considérant qu’il est sans doute un peu tard, ou trop coûteux, pour corriger mes points faibles. Cela ne veut pas dire que je refuse de me former pour m’améliorer, mais que l’investissement que représente un changement doit rester proportionné au temps qu’il me reste.
Pour résoudre cette équation, il me paraît donc utile - autant que profitable pour l’entreprise – que je bénéficie d’un « bilan de compétence ». Cela peut me permettre, en toute sérénité, de faire le choix d’un « changement dans la continuité », ou celui d’un changement plus profond qui rende mes dernières années plus attractives, et plus enthousiastes (voire optimisées pour l’entreprise qui m’emploie). J’attends du bilan qu’il m’éclaire sur les compétences mais aussi les capacités que je pourrais mettre en œuvre pour un « baroud d’honneur » où tout le monde serait gagnant, l’entreprise et moi.
C’est pourquoi, etc. »

14/02/2009

Tribune libre à Bernard d'Heilly

C'est étonnant de voir le nombre de gens, dont le niveau intellectuel les classe dans ce qu'on appelle les "élites", qui avaient prévu la crise et n'ont pas évité sa venue!

Autre étonnement c'est que du jour au lendemain mes ressources ainsi que celles de la grande majorité n'ont pas changé. Celles de ceux qui perdent leur emploi, oui, mais quel pourcentage de la population représentent-ils à ce jour quand bien même les mises au chômage sont brutales?

C'est bien une diminution immédiate de la consommation par manque de confiance qui est la cause de ce ralentissement de l'activité et non un manque de moyens. Les 15% de la population qui manquent de moyens existaient avant la crise.

Cette crise est le résultat de la surconsommation exacerbée de notre société dont nous sommes tous responsables car nous en avons majoritairement profité.

Y a t-il des " élites" qui sont plus responsables que la moyenne d'entre nous ? Probablement mais le champ de ces élites est large!

Les responsables politiques ? Sans doute, mais il est difficile d'être élus si on est à contre-courant!
Les patrons de grandes société ? Sans doute, car on attend d'eux des comportement responsables. Mais peut-on résister, par exemple, à spéculer sur ses fonds propres dans une banque lorsque le copain d'en face le fait et peut, grâce à cela, racheter le concurrent plus "timoré" , voire vous racheter?
Les patrons d'entreprise qui, entrainés par le mouvement général, innovent tous les six mois ou tous les ans et nous proposent des tas de choses dont nous n'avons nul besoin ?
Les patrons de la distribution qui nous inondent de produits et prétendent défendre le pouvoir d'achat ?
Les responsables syndicaux, qui prônent l'augmentation des moyens de consommer comme solution à tous les problèmes ? Mais peut-on résister aux pressions de son "fonds de commerce" ?
Les responsable des partis de gauche, qui disent la même chose pour les mêmes raisons ?
Ceux de droite aussi sans doute ?
Nous, ceux d'entre nous qui ont quelques moyens, qui consommons à tour de bras des choses inutiles et qui profitons allègrement des plus-values immobilières injustifiées si l'occasion se présente ?

Tout cela pour dire qu'il faut se méfier du discours sur la responsabilité des "élites" comme bouc émissaire...

08/02/2009

Solublèmes

Extrait du blog de Paul Jorion, en date du 7 février, sous la signature de François Leclerc :

« Aux USA, 598.000 emplois ont disparu en janvier (après correction des variations saisonnières). Réactives comme elles savent l’être dans ce domaine, les entreprises américaines licencient à tour de bras, dans tous les domaines d’activité. La tendance est à la suppression d’un demi-million d’emplois par mois. A l’autre bout du monde et de la chaîne financière, en Chine, plus de 20 millions de travailleurs migrants (ces émigrés de l’intérieur des pays émergents) sont désormais sans travail et rentrent forcés et contraints dans leurs campagnes et au royaume de la misère. En Russie, prise dans l’étau de la crise économique, entre la chute du rouble et celle du pétrole, les autorités se préparent à leur manière généralement expéditive à des troubles sociaux. Au Canada, 129.000 emplois ont disparu en janvier, du jamais vu depuis 30 ans. Les mesures de chômage partiel lancées par de nombreuses grandes entreprises de l’industrie allemande, Daimler, Volkswagen ou BASF, se poursuivent et ont concerné 290.600 salariés en janvier, selon le pointage mensuel de l’Agence fédérale pour l’emploi (BA). Le chômage a en Espagne atteint un niveau record depuis 12 ans, en janvier, avec 3,3 millions de demandeurs d’emplois et le taux le plus élevé de l’Union européenne. »

http://www.pauljorion.com/blog/

Le 18 novembre dernier, j'ai eu l'avantage d'accueillir Bernard Lietaer dans une journée de réflexion que j'avais organisée sur le thème "fric story". Bernard Lietaer est un spécialiste des questions monétaires. Il a été des architectes du processus de convergence européenne qui a préparé le terrain à l'euro. Dans "The future of money", il avait annoncé il y a déjà plusieurs années la "crise" que nous sommes en train de vivre. Parlant l'autre jour de celle-ci, il nous a assuré que nous n'avions encore rien vu et que le tsunami ne se limiterait pas à la vague que nous venions d'essuyer. Le "credit crunch", dont les effets sont déjà manifestes sur l'économie réelle, amènera en contre-coup une deuxième récession bancaire qui à son tour...

Quand donc les écailles vont-elles nous tomber des yeux et allons-nous cesser de croire qu'avec plus de régulation le Titanic financier va remonter à la surface et l'orchestre englouti se remettre à jouer ? Quand, en premier lieu, allons-nous faire un sort à la croyance qu'on peut créer de la richesse rien qu'en faisant travailler l'argent sur lui-même ? Ce n'est pas de l'économie, c'est de la cavalerie! En second lieu, quand allons-nous remettre en question notre vision de l'efficacité qui nous conduit systématiquement à promouvoir la monoculture, qu'il s'agisse des espèces végétales, animales ou monétaires ? Ce faisant, nous créons des écosystèmes si fragiles que, lorsque cela ne va plus, ce n'est pas un ajustement à la marge qu'il faut subir, c'est un raz-de-marée.

Mais, à entendre les discours, notre gratin politique, économique et financier n'a pas encore trouvé son chemin de Damas. De quoi parle-t-on ? D'injecter de l'argent dans un système financier dont on a vu les avanies; de fusionner des institutions qui ainsi seront encore plus grosses et encore moins nombreuses; d'accroître et de perfectionner une règlementation qui, atteinte d'une maladie de pléthore galopante depuis des années, n'a rien empêché; etc.

Anne-Caroline Paucot, dans son "Dictionnaire impertinent du futur" vient de créer le mot "solublème": la solution qui engendre un problème. Je ne sens pas nos élites sur la voie d'une conversion et je redoute que nous n'ayons pas à attendre bien longtemps pour voir apparaître beaucoup de solublèmes qui ne feront qu'empirer la situation.

http://www.dictionnairedufutur.fr/