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09/09/2009

Pendant ce temps...

J’ai déjà évoqué cet exercice d’attention où, invités à compter sur l'écran les balles que s’échangent des joueurs au cours d'une séquence de trente secondes, les cobayes ne se rendent pas compte qu’un gorille traverse tranquillement la scène.

 

A la faveur d’un mail, je viens d’avoir un autre exemple de cet aveuglement. Alors que tous nos regards sont captés par les prestidigateurs de la politique et l’agitation des Diafoirus de la prétendue pandémie, voilà ce qui se passe ailleurs :

 

« Ouagadougou,la capitale du Burkina Faso,  vient d'être dévastée par des pluies diluviennes, son principal hôpital a été fortement endommagé et des centaines de milliers de personnes n'ont plus rien et risquent des épidémies de choléra. Aucun de nos médias d'information ni en France , ni en Belgique n'a diffusé  l'information ... »

 

A côté des frissons délicieusement argentés de la grippette à cochon, voilà de vrais malheurs...

08/09/2009

Communauté

Quand, en France, on a prononcé ce mot, on a tout dit. La communauté, c’est le diable et, pour faire court, ce qui menace la République et l’ordre public. Je me souviens d’avoir essayé, il y a quelques années, de faire passer l’idée d’une fête annuelle des communautés et d’avoir frôlé l’incarcération psychiatrique. « Vous n’y pensez pas ! Mais c’est très dangereux ce que vous proposez là! Vous allez renforcer le fait communautaire ! » Qu’avais-je donc imaginé d’aussi séditieux ? Qu'un peu sur le modèle de la « fête des voisins », chacune des communautés qui, de fait, existent et habitent la capitale – Bretons, Basques, Juifs, Maghrébins, Colombiens, Asiatiques, etc. -  s’organise pour, au jour dit, en un lieu choisi, dresser une table et offrir les produits de sa cuisine familiale. Le naïf que je suis n’est pas encore revenu des réactions violentes qu’il s’est alors attirées...

 

Pourtant, les communautés existent. Les nier, c’est nier un fait et, surtout, c’est nier l’humain. Quand des humains font connaissance pour la première fois, ils se disent très vite d’où ils sont, de Villeneuve-sur-Lot, de Saint-Omer, de Jérusalem ou de Montlignon, de Vendée, de Lot-et-Garonne, du Pas-de-Calais ou de Colombie. C’est-à-dire qu’ils évoquent les lieux où ils ont le sentiment de s’être socialisés. Dans notre pays, la référence culinaire ajoute encore à ces références identitaires. On fait la cuisine à l’huile, au beurre ou à la graisse. Nos mères savent faire le confit, la choucroute, le couscous ou la carpe farcie. Ces simples détails que nous livrons instinctivement montrent qu’à moins de sombrer dans le cauchemar d’une société aussi abstraite que totalitaire, comme celle de La République de Platon, les communautés sont la chaleureuse matrice de l’humain et que rien, sauf quelques ambitieux, des idéologies et les blessures mal guéries de leur histoire, ne les prédispose à s’entretuer.

 

C’est quand même par une communauté qui s’élargit peu à peu – la famille - que tout commence. C’est d’elle que nous apprenons la langue dite maternelle, que nous prenons nos inflexions, que nous acquérons les valeurs, les sociabilités et les codes qui font qu’on sera capable de vivre ensemble, qu’on recevra la culture qui vient prolonger la nature et fait de nous des humains. Je ne serais pas celui que je suis sans la combinaison d’au moins deux cultures – la gasconne et la vendéenne – qui sans doute m’ont davantage façonné que le mélange des sangs et qui me font ressentir une complicité pour un certain genre d'humains. Suis-je pour autant un mauvais démocrate ? Le penser serait croire, pour reprendre la belle image de Kant, que « l’hirondelle volerait encore mieux dans le vide ». Au vrai, il y a une façon de se représenter le citoyen idéal - et l'agent économique aussi d'ailleurs - qui est de l’ordre du désincarné.

 

Il n’y a guère que les régimes totalitaires pour imaginer ou réaliser la dissolution de toute identité et de tout lien au profit de l’Etat. Or, si on y regarde de plus près, ceux qui troublent aujourd’hui l’ordre public sont plus souvent les enfants de populations tombées dans l’anomie, défaillantes de structures, que de communautés qui seraient en guerre en tant que telles avec d’autres. Certains de nos Diafoirus feraient bien de revoir West side story, cela leur redonnerait en douceur une petite perspective historique. Puis, si on veut bien en rajouter une couche quant aux causes qu’on ne veut pas voir, on pourra aussi comprendre que la déification du marché parfait – cette Déesse Raison des temps modernes - avec le fantasme de l’agent économique rationnel, ont détruit l’affectio societatis. Mon ami Maurice Obadia aurait bien de choses à rajouter quant au mépris dans lequel est tenue par les « experts » cette économie relationnelle qui, bonne ou mauvaise, sous-tend et précède, qu’on le veuille ou non, aussi bien la théorie politique que l’économie marchande...

07/09/2009

Et si ce qui nous manquait, c’était le courage ?

Et si ce qui nous manquait, c’était le courage ? Pas l’intelligence ou le savoir, mais le courage ?

 

Regardez bien. En ne voulant jouer qu’à condition de gagner, nous avons ébranlé l’économie au point qu’elle est au bord de l’effondrement. Car ce n’est pas faute d’avoir multiplié les contrôles et les contrôleurs, les modèles mathématiques et les experts, les officiers de conformité et l’informatisation de la pensée. Et tout cela n’a engendré qu’un gigantesque aveuglement. Et une des conséquences de la crise, c’est quoi ? Gribouille se jette à l’eau par peur de la pluie. Un vent de malthusianisme souffle sur les organisations cependant que, comme sur le Titanic, l’orchestre reprend une nième valse pour les nantis. Tout le monde ainsi contribue peu ou prou au naufrage. Ces paradoxes ne devraient-il pas nous réveiller ?

 

Ce qui nous manque, assurément, ce ne sont ni vraiment les richesses, ni l’intelligence ou le savoir, mais tout simplement le courage. A commencer, comme l’ont fait tous les résistants, par celui d’entendre ce que disent nos tripes. Ce qu’elles nous disent de la vie que nous vivons. Des souffrances proches ou lointaines dont nous sommes les témoins ou les victimes. Des perspectives qu’offrent à nos enfants les années à venir. Des histrions de la scène politique et économique. De cette lamentable société de consommation où sont de moins en moins nombreux ceux qui peuvent consommer et de plus en plus abrutis ceux qui en suivent les injonctions. 

 

Et, une fois prise la mesure totale de notre dégoût, nous trouverons peut-être aussi le courage de remettre une bonne fois en question ce monde qui est en train de détruire le monde. Nous trouverons le courage de renvoyer au diable toutes les idoles issues de nos fantasmes et à qui nous avons donné le pouvoir par nos choix de consommation, nos votes et les programmes de télé que nous regardons, et, finalement, par nos capitulations larvées. Avec elles nous nous libérerons des croyances qui nous entravent, des tigres de papier qui n’ont de cesse que de nous transformer en marionnettes: bons petits soldats le jour, machines à consommer le soir et le week end.

 

Le courage de savoir ce que nous disent nos tripes nous donnera celui de transgresser, partout où elle règne, l’erreur dominante. Ce n’est pas en faisant davantage de la même chose qu’on aura des résultats différents de ceux qu’on a déjà eus. C’est en inventant. Comme le dit Hervé Juvin : nous nous trouvons devant le devoir d’inventer. D’autres projets, d’autres façons de répondre à nos besoins, d’autres manières de vivre ensemble, de faire économie et société. Nous ne sortirons du labyrinthe de la crise que par des moyens encore inimaginés. Nos assassins sont ceux qui veulent éviter l’irruption du nouveau.