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22/12/2007

Economie de Noël

Interview de Maurice Obadia *

Maurice, tu es économiste de formation et tu fais une distinction toute personnelle entre économie matérielle et économie immatérielle. Peux-tu nous en dire davantage ?

db5b89482ffbebd3977655a23b495dcd.jpgSur la conception même de l’économie, telle qu’elle se pratique par des milliards d’êtres humains et telle qu’elle est pensée - par un nombre bien moindre ! - j’ai toujours été gêné, voire choqué, par la vision classique. Principalement par deux choses. D’un côté, parler d’économie « matérielle » était et reste un pléonasme pour la version classique. « Qu’est-ce que l’économie, sinon ce qui a trait à la finance, à l’argent, au matériel qui se pèse et se compte ? » Et d’un autre côté, parfaitement logique avec le premier, si l’économie immatérielle existe, ce ne peut être que par la texture des biens en jeu. C’est parce que les «services» ne sont pas palpables au sens premier du terme, qu’on ne peut physiquement les toucher du doigt, qu’ils sont constitutifs de l’économie immatérielle. On mesure la conséquence : l’ensemble de ces services ne vaut que par le matériel et l’argent qui les soutiennent ou en sont le but. Entendez : « Si le matériel n’est pas au rendez-vous, pas d’immatériel ! ». Et de fait toute une partie des « choses qui ne se touchent pas du doigt » meurent quand l’argent n’est pas ou plus là. On le voit dans l’éclatement des bulles boursières, dans l’extinction des modes passagères ou d’habitudes de services dépassés...

Et, selon toi, cela ne rend compte que d'une dimension de la réalité ?

Dans le même tableau, dans les tourmentes boursières, dans l’extinction des modes ou le dépassement des habitudes, on rencontre aussi des entreprises et des équipes qui résistent étonnamment. Elles continuent de vivre, d’espérer, d’exister malgré le tarissement de l’argent. Les membres des équipes ne s’entretuent pas malgré l’absence de résultats argentés ! Comment cela est-il possible ? La réponse est claire : c’est parce que la relation entre l’entreprise et son milieu global, la relation entre les membres des équipes, celle entre les équipes, est plus forte que la fuite de l’argent. Et comme il y a peu de chances qu’une telle relation soit tombée du ciel, il a fallu la créer, la produire, la renouveler, l’échanger quotidiennement, en faire un véritable investissement... Bref, travailler à tous les ingrédients d’une économie véritable pour ce « produit » noble qu’est la relation. L’économie immatérielle véritable, c’est donc l’économie de la relation, ou ce n’est rien du tout!

Qu'est-ce que Noël, dans nos pays, t'inspire comme réflexions quant à la place de ces deux économies ?

Noël est un exemple intéressant de concurrence, et parfois de complémentarité, entre les deux économies. Une distinction nette s’impose de plus en plus entre le Noël familial et le Noël «médiatico-commercial». Le premier n’échappe pas à la tension possible entre les deux économies : quel est le statut exact du cadeau matériel ? Se réunit-on pour le lien familial ? Peut-on imaginer que les cadeaux « ne soient pas à la hauteur » ? Que se passe-t-il si on oublie le cadeau ? Les réponses sont évidemment variables selon les familles. Et il est évident que quand les cadeaux sont le but de la rencontre, on se retrouve dans un des ruisseaux de l’économie matérielle (on compte, on pèse, on jauge, on compare...). Dans les « vraies » familles, celles où le travail d’économie relationnelle est constant que l’on soit ou non géographiquement proches, les cadeaux sont une conséquence joyeuse de la relation, jamais évidemment un but. On les oublie d’ailleurs assez vite, au profit des discussions, de l’ambiance et de l’animation de la fête...

L’incompressible attrait de la valeur relationnelle authentique ?

Oui! De son côté, le Noël médiatique et commercial est entièrement construit pour les besoins de l’économie matérielle. Et le plus étonnant, c’est que l’impératif matériel peut parfois être oublié par ses acteurs : je suis très heureusement surpris de voir des vendeurs de grande surface s’attarder parfois à jouer avec des enfants, alors qu’ils pourraient « harponner » dans cette « perte » de temps un nouveau chaland...

Enfin, on ne peut évoquer Noël sans faire référence aux dons auxquels cette période est propice. L’économie relationnelle ne peut que s’en réjouir, mais avec une précaution cependant : le don doit se préoccuper de l’effet produit, des réactions de celui qui le reçoit. C’est la seule façon de savoir si le don est ou non adapté. L’attitude du don « les yeux fermés », celle qui ne se préoccupe d’aucun retour paraît généreuse, mais peut se révéler auto-suffisante. Finalement, l’économie de la relation nous dit que la relation produite oblige à l’échange, mais à l’échange continu et ouvert qui nous éloigne de la seule vision mercantile.

Quel est, selon toi, aujourd'hui, le plus grand enjeu du monde que nous avons construit ?

Pour rester dans la veine des considérations précédentes, il faut aussi insister sur le fait que la réflexion sur l’économie de la relation n’a rien d’angélique. Au fur et à mesure que les humains prennent conscience des limites et des dangers du monde qu’ils ont construit, à quoi assiste-t-on ?
- Une somme de critiques fondées sur les excès de l’économie matérielle
- Mais aussi le développement d’une économie de la relation, à l’intérieur des organisations et entre elles, non pas positive, mais négative.

Ce dernier constat, pour ne pas être discutable, n'est-il pas paradoxal ?


L’économie matérielle nous a habitués progressivement à la loi du coût minimum en toute chose. Des économies de la relation se mettent en place de par le monde, mais ce sont des relations obtenues au coût minimum, c’est à dire des relations où l’on ne veut voir qu’une partie de l’autre, où l’on ne retient qu’un profil simpliste, souvent défavorable, où l’on n’investit jamais patiemment dans le profond travail de connaissance... Bref ! les réflexes de coût minimum hérités de l’économie matérielle et transposés dans l’économie relationnelle produisent de l’économie de la relation négative entre individus, entreprises, régions et peuples. Un premier enjeu capital de notre monde est ainsi, pour moi, de faire en sorte qu’au fur et à mesure des limites de l’économie matérielle, le travail d’économie de la relation positive parvienne, non pas à éliminer, mais à sur-compenser les constructions de relation négative.

L'économie de la relation se limite-t-elle à la sphère humaine ?

Cette relation de connaissance approfondie qui est plus coûteuse en temps, en énergie, en information évolutive sur l’autre, nous devons aussi la construire dans le lien avec notre milieu ambiant. Je reste persuadé que le nouveau lien à construire entre économie et écologie ne peut être pertinent que si l’on entend par « économie », ce système d’activité humaine de production et d’échange constitué des deux sphères, matérielle et relationnelle. En sachant qu’aucune organisation ne peut éviter le contact entre les deux sphères, le second enjeu qui me paraît capital est de travailler à ce que leur conflit initial évolue vers une reconnaissance des facteurs et du terrain que chacune doit occuper pour rester positive.

* Maurice Obadia est docteur en économie, consultant en stratégies et management, et conférencier. Au cours de ses études, il a été frappé par l'importance que les économistes accordent aux choses matérielles alors que la vie 19d2395456ada6dca8751078fc0c9efa.jpghumaine est tissée d'abord de relations entre des êtres. Il a aussi constaté que nous vivons dans une société tout à la fois de surabondance et de cruelles pénuries. Depuis, il s’efforce de théoriser cette économie qui pour lui est première: celle de la production et de l’échange de relations authentiques. De ce cheminement rendent compte ses ouvrages successifs: L'Economie désargentée, Le Prix du rêve, Sortir de la préhistoire économique et Pour une économie de l'humain.

15/12/2007

Interview de Dominique Viel*

Dominique, dans le numéro spécial de Nature Echo Magazine** où tu te retrouves au milieu d’une douzaine d'autres experts des enjeux écologiques dont Hubert Reeves, tu abordes trois menaces écologiques peu ou pas connues du grand public. Quelles sont-elles ?

Le « plastique boomerang »
e68a6ff26b6eafddf14878a456d39d8f.jpgLa première est celle du "plastique boomerang". En effet, le plastique non recyclé (on ne recycle que quelques % de la masse des plastiques utilisés), non incinéré ni mis en décharge, se retrouve en fin de parcours dans la mer, où il est à l'origine de dégâts considérables : mort des poissons, mammifères marins, oiseaux, par étouffement, empoisonnement, etc. Ensuite, à travers la chaîne alimentaire, les molécules de plastique, qui se sont éventuellement liées à d'autres substances chimiques toxiques, arrivent dans notre assiette et là, elles jouent sur notre fertilité et notre immunité. Elles pourraient même être l'un des facteurs de l'épidémie d'obésité!

L’épuisement de matières rares
La deuxième menace vient des matières premières minérales, qui sont en quantité finie sur la planète. Certaines d'entre elles, essentielles au fonctionnement de la civilisation moderne, sont en risque de ne plus être exploitables à des coûts acceptables, ou d'être inacessibles du fait de conflits géo-politiques, comme cela a déjà été le cas à plusieurs reprises en Afrique. Il s'agit par exemple de l'indium, du gallium, du rhodium, du tantale, du platine... qui rentrent dans la composition, dans le désordre, des pots catalytiques, des écrans plats, des cellules photovoltaïques, des téléphones portables, etc.

Un obscur nuage
La troisième menace est un obscur nuage, de 3 km d'épaisseur et de 10 millions de km² de surface, qui, au gré des moussons, plane sur l'Asie du Sud ou sur l'Océan Indien. Ce nuage est composé notamment de particules de suie, d'ozone, de sulfates et de nitrates, issus de brûlis agricoles, de la combustion du bois de feu, des transports, des activités industrielles. Il a un double effet sur le climat : globalement il refroidit l'atmosphère en y renvoyant le rayonnement solaire, régionalement au contraire il réchauffe, au point qu'il pourrait être l'un des facteurs de la fonte des glaciers de l'Himalaya. Ce nuage n'est pas seul, il a des frères, comme le nuage noir d'Athènes et bien d'autres. Mais le pire serait le nuage que produirait une explosion nucléaire : les conséquences seraient au moins comparables à l'explosion du volcan du Mont Tambora en Indonésie en 1815, qui avait été suivie d'une année sans été, déclenchant la pire famine du XIXème siècle.

* Dominique Viel est ancienne élève de l'ENA, chef de la mission de contrôle "Ecologie et développement durable" au Ministère de l'Economie et des finances, cofondatrice de The Co-Evolution Project et auteur de "Ecologie de l'Apocalypse" (éditions Ellipses, 2006).

** Echo Nature magazine, numéro hors série de décembre 2007. L'article s'intitule "Trois menaces sur la planète dont on ne parle pas".

25/11/2007

Alerte à Babylone

"Nous ne faisons plus de la culture, nous gérons de la pathologie végétale."

Je vous conseille d'aller voir un extrait de ce film sur le blog de Xavier van Dieren:

http://www.dailymotion.com/video/x1ds9p_alerte-a-babylone-le-film-de-jean-d_politics

3cdb2b80b6d681f38bcfe744eaab3dc4.jpgAu delà de cette vidéo - qui pose des choses connues dans un langage "indiscipliné" - je vous invite aussi à vous promener dans le blog de Xavier. Vous y découvrirez un homme d'entreprise que tout passionne, qui est en même temps un artiste, un citoyen du monde et de l'avenir.

Xavier et moi, c'est une rencontre improbable. C'était il y a quelques années au fin fond de la Belgique, à la faveur d'un séminaire dispensé par André Conraets, le créateur de la "Pédagogie éclosive", une méthode et, surtout, une philosophie de formation sur laquelle je reviendrai.

On avait bu de la bonne bière - évidemment et plus d'une fois - et on avait bien ri!