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13/02/2008

La mort des abeilles

Les abeilles disparaissent de la surface de la planète. L'information, qui circule déjà depuis quelque temps, ne provient pas de quelque brûlot issu de la mouvance de José Bové. Vous pouvez la retrouver sur le site du journal Les Echos qu'on ne peut guère taxer de fantaisie: http://www.lesechos.fr/info/energie/4611614.htm .
En voici un extrait.

"En quelques mois, entre 60 % et 90 % des abeilles se sont ainsi volatilisées aux Etats-Unis où les dernières estimations chiffrent à 1,5 million (sur 2,4 millions de ruches au total) le nombre de colonies qui ont disparu dans 27 Etats. Au Québec, 40 % des ruches sont portées manquantes. En Allemagne, selon l'association nationale des apiculteurs, le quart des colonies a été décimé avec des pertes jusqu'à 80 % dans certains élevages. Même chose en Suisse, en Italie, au Portugal, en Grèce, en Autriche, en Pologne, en Angleterre où le syndrome a été baptisé « phénomène «Marie-Céleste» », du nom du navire dont l'équipage s'est volatilisé en 1872. En France, où les apiculteurs ont connu de lourdes pertes depuis 1995 (entre 300.000 et 400.000 abeilles chaque année) jusqu'à l'interdiction du pesticide incriminé, le Gaucho, sur les champs de maïs et de tournesol, l'épidémie a également repris de plus belle, avec des pertes allant de 15 % à 95 % selon les cheptels."

On a souvent entendu citer la phrase d'Einstein selon qui "si les abeilles venaient à disparaître, l'humanité ne tarderait pas à en faire autant". Serait-ce que le miel et la gelée royale sont si essentiels à notre santé ? Point du tout! Ne pouvant pas se déplacer pour se rencontrer, les plantes ont besoin de ces petits insectes pour véhiculer leurs semences. Au point que, selon Bernard Vaissière, spécialiste des pollinisateurs à l'Institut national de recherche agronomique, « trois quart des cultures qui nourrissent l'humanité en dépendent ». Les causes de l'hécatombe ? Vraisemblablement les usuals suspects: pesticides et autres ogm dont la combinaison aurait ouvert la voie à des parasites mortels pour les butineuses.

Nous avons dans ce drame une illustration de notre façon calamiteuse de penser le monde. Le marché du miel, de la gelée, c'est peanuts pour nos indicateurs économiques! A la limite, ces denrées peuvent disparaître, on mettra un peu plus de confiture dans les rayons des hypers et on ajoutera quelques flavors synthétiques pour nous rappeler le bon vieux temps. La pollinisation ? Tant qu'elle est gratuite, elle n'a pas de légitimité économique. Elle n'existe pas! Si nous survivons aux abeilles - grâce à quelque artefact que ses inventeurs vendront très chers et qui enrichira, lui, les PNB - nous pourrons nous préparer à un monde où seuls les coïts tarifés et les enfants produits dans des laboratoires seront autorisés! Mais rassurez-vous: ce sera pour notre bien!

12/02/2008

De l'imposture

Lors du dernier marathon de New York, l'épouse de Tom Cruise se serait présentée si fraîche et rose à l'arrivée de la course que cela aurait suscité des rumeurs malveillantes. Quelques regards aiguisés auraient même remarqué que, sous son petit top, la belle ne portait point de soutien-gorge. Or, paraît-il, quarante kilomètres sans sous-tif, c'est le mal aux tétons garanti, sans parler des conséquences à long terme. Katie arborait en revanche un mascara du meilleur effet et, sans sourciller, elle s'est juchée dès le soir sur des talons vertigineux au lieu de glisser des pieds endoloris de coureuse dans les croquenots d'usage. Bref, on la soupçonne d'avoir fait porter ses couleurs - et surtout sa puce électronique - par un monsieur qui aurait assuré pour elle l'essentiel du kilométrage. http://www.largeur.com/expArt.asp?artID=2535 Comme elle est mignonne, on est tenté par l'indulgence. On a envie d'en sourire: une frasque d'adolescente!

J'ai vécu plus dérangeant. J'évoquerai une personnalité sympathique, style boyscout, bien connue pour ses campagnes écologiques. Après avoir lu avec enthousiasme l'un de ses livres, un ouvrage très militant, je m'étais empressé de chercher une audience à laquelle délivrer la bonne parole. J'avais trouvé, à Toulouse, une réunion qui rassemble chaque année environ 1500 personnes et j'avais su convaincre les organisateurs que c'était cette personnalité-là qu'il fallait inviter. Las... Lorsque, mandaté par mes collègues, j'ai enfin pu parler à quelqu'un de son entourage - ce qui m'a pris des semaines - ç'a été pour m'entendre dire qu'à défaut d'une adhésion de l'organisation invitante à "la fondation", nous n'avions point droit à l'évangile et à son messie. Grand seigneur, j'ai eu le malheur de demander le tarif de ladite adhésion. C'étaient des centaines de milliers d'Euros avec un engagement de renouvellement sur trois ans. Et moi qui croyais, dans ma naïveté, que les 10 000 Euros d'honoraires que j'étais autorisé à proposer - pour une conférence d'une à deux heures - faisaient montre de générosité!

Continuons. Il s'agit cette fois d'un monsieur qui a parcouru le monde pour nous alerter, avec un talent consommé, quant aux effets du CO2 et à la menace du réchauffement climatique. Un grand show. Et, pour moi qui n'ai pas été insensible au discours et au style, un chaud et froid quand j'ai découvert que le même personnage - qui appelle ses compatriotes à se serrer la ceinture en matière d'énergie - possédait une résidence dont la consommation était vingt fois supérieure à celle d'un foyer moyen. Sachant que, selon Dominique Viel, il est abusif et trompeur de charger comme il le fait l'activité humaine de l'exclusivité du réchauffement climatique, il y a de quoi se poser des questions quand on constate que, avant de se croiser, notre preux chevalier a placé quelques menues économies dans le business écologique. http://www.tennesseepolicy.org/main/article.php?article_id=367

Vous vous souvenez de ce qu'on a appelé - bien à tort - la "nouvelle économie"? Elle n'avait en réalité rien de nouveau, ce n'était qu'un accès de fièvre du système qui fait de l'argent avec de l'argent et presque rien d'autre. La bourse s'ennuyait, les gestionnaires de capitaux aussi. Les services Internet montrèrent le bout du nez. Alleluia! la nouvelle ère était là! Sauf qu'à tirer sur les poireaux pour les vendre plus vite, on les a prématurément arrachés. Mais pourquoi ne recommencerait-on pas avec le "business écologique" ? Quelle importance pour un système dont 7% des flux seulement sont représentatifs d'une vraie création de richesse et 93% purement spéculatifs ?

Allez, un dernier exemple. Pour la route, comme on dit. Cette fois, il s'agit d'une ONG. Très connue pour son talent de metteur en scène. Grandes campagnes de presse sur la protection des baleines avec pour résultat une collecte de dons atteignant plusieurs dizaines de millions de dollars. Sur les comptes de l'association, 18 millions de dollars en Australie, plusieurs dizaines de millions d'autres aux Etats-Unis. L'association tire plus d'argent de ses campagnes en faveur des baleines que les baleiniers de leur activité! Pour autant, elle se plaint de ne pas avoir les moyens de remettre sa corvette à l'eau. La protection du sanctuaire des mers du Sud est suspendue. Les prédateurs ont la voie libre. Mais peut-être est-ce seulement un changement des ratios de gestion: parti du nombre de cétacés sauvés, le succès se mesure désormais à l'accroissement du nombre d'adhérents et au volume des fonds recueillis. Une évolution bien connue. http://internationalnews.over-blog.com/article-16522127.html

On va encore m'enjoindre d'être réaliste. On va me dire que, lorsqu'on est l'apôtre d'une grande cause, on est légitime à ne pas s'assujettir à la morale commune. Que l'argent est un instrument de mesure efficace. Qu'il faut savoir composer. Que c'est ainsi. Qu'on ne peut rien changer. Que ces gens-là font quand même progresser les choses.

Tout ce que vous voulez! Mais il y a une chose que je refuse de leur donner: mon admiration. Ils ont déjà leur salaire.

08/02/2008

De deux stratégies

La stratégie la plus répandue aujourd’hui, dans nos sociétés, est celle du projet. On se représente un objectif à atteindre. On fait ce qu’on appelle en général un «état des lieux» et, de manière plus ou moins consciente, on modélise la situation qu’il décrit. Puis on conçoit – et on met en place - des « leviers » qui vont faire évoluer cette situation vers l’objectif qu’on a choisi. Ce qui caractérise cette stratégie, c’est la suprématie de la construction mentale. Son efficacité suppose que l’inventaire initial n’oublie rien et que les interactions entre les éléments qui composent le système dont on veut modifier la trajectoire soient toutes concevables. Elle est l’héritière de Newton et du «monde horloge».

L’expérience, cependant, vérifie souvent ce que disait Napoléon : « Il n’arrive que l’imprévu ». On parlera alors d’erreur, ce qui laisse d’abord entendre que la source du problème est la fiabilité des informations utilisées. Ce n’est pas faux. C’est même surtout plus vrai qu’on le pense : de fait, l’information - toujours - est erronée ! Elle l’est pas nature : ce que nous percevons du monde n’est que reflets d’une réalité qui nous échappe, et les édifices mentaux que nous élevons dans nos têtes ou sur nos ordinateurs ne sont – et ne peuvent être – qu’une réduction bestiale de la complexité du réel. Savoir tout est impossible et penser toutes les interactions dépasse les capacités de notre intelligence. Il faudrait donc garder à l’esprit que, n’embrassant que des abrégés de la réalité, notre démarche prétendument rationnelle repose en fait sur une succession de paris. Entre le Charybde de ce que nous ignorons et le Scylla de nos insuffisances, réside en fait surtout l’espoir que nous réussirons à passer !

Je n’ai évoqué que le registre des projets, c’est-à-dire de ce que nous nous efforçons, en dépit de nos insuffisances, de mettre en œuvre. Il faut aussi évoquer ce que, nous appuyant sur le même socle fragile, nous décidons de ne pas mettre en œuvre. Tout ce que, sans prudence aucune et surtout sans humilité, nous jugeons irréaliste, irréalisable ou inintéressant et que, au final, nous interdisons de vie. Un versant caché de l’Histoire est celui des choses que les humains ont écartées. Nous est-il cependant loisible de procéder différemment ? Jean-Marie Betsch, professeur au département Ecologie et gestion de la biodiversité au Museum d'Histoire Naturelle, montre comment les "archaïques" inventent l’agriculture en dialoguant avec la nature. Le dialogue, vous savez : quand on est deux à s’exprimer… Sans violence. Sans « projet »…