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10/05/2018

Connaissez-vous Andreu Solé ?

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi l’avenir a surpris de si nombreuses organisations qu’elles en sont mortes de langueur quand ce n'est pas sur le coup ?

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ce n’est jamais le fabricant de bougies qui invente l’ampoule à incandescence ?

4554fe96fc07a4fd35b19757658ef88c.jpgPourquoi on parle sans cesse de changement tout en faisant seulement toujours plus de la même chose ? Pourquoi les entreprises installées ne sortent jamais un produit ou un service vraiment différent ? Pourquoi toutes les solutions inventées pour résoudre un problème ne sont que pauvres variations sur un même thème ? Pourquoi vos exercices de prospective sont passés à côté d’un iceberg ? Pourquoi les nouveaux entrants finissent par bouleverser les références de tout le monde ? Pourquoi, pour être clair, les « réunions stratégiques » produisent de l’eau de boudin malgré l’épaisseur – et le coût - des études censées les alimenter ?

Lisez Créateurs de Mondes d’Andreu Solé.

J’ai eu la grande chance de faire intervenir Andreu (prononcer Andréou) dans mes séminaires. Je ne me lasse pas de l’écouter. C’est, à mon sens, pour nous gens d'entreprise, une des réflexions les plus puissantes de notre époque. Le stratège qui ne s’est pas frotté à elle ne mesure ni l’étroitesse de sa prison ni l’étendue de ses potentialités.

Que nous dit Andreu Solé ? Que, lorsqu’un groupe se réunit pour aborder une question « stratégique », une décision fondamentale a déjà été prise dans tous les esprits, un consensus tacite est établi qui multiplie les sens interdits et les sens giratoires. D’entrée de jeu, les dés sont pipés. Ce consensus interdit d’atteindre ce qui devrait être exploré.

Quel est-il ? Celui du monde dans lequel on est. Si vous fabriquez des fours à micro-ondes, vous resterez dans le monde du four à micro-ondes et, si vous êtes banquier, dans celui du banquier. Je veux dire que vous regarderez la réalité depuis votre monde, à travers lui. Comme un poisson rouge le fait de son bocal. Et, vous n’allez pas le nier, le bocal est transparent, n’est-ce pas ?

Plus grave: vous parviendrez même à faire entrer vos interlocuteurs – clients, prospects, collaborateurs, journalistes, fournisseurs - dans ce bocal. D’où la pertinence de plus en plus relative des études de marché : même le client n’imagine pas l’offre qui, demain, va transformer ses habitudes. 

Une caractéristique fondamentale, structurante, de n'importe quel monde, qu’il s’agisse des Aztèques ou du four à micro-ondes, c’est ce qu’on y considère comme possible et impossible. Conséquence logique, ce qui n’est pas dans la continuité de notre monde ne peut se trouver qu'ailleurs. Dans des mondes où ce qui est impossible pour nous est possible pour d’autres et vice versa. Des mondes qui, de ce fait, nous restent invisibles jusqu'au jour où ils entrent dans le nôtre en le faisant voler en éclats. Vous voyez les implications de ce constat lorsqu’il s’agit de faire de la prospective ?

05/04/2009

Silence pyramidal

 

 

Cette note figure désormais dans le recueil

Les ombres de la caverne

Editions Hermann, juillet 2011

03/03/2008

Cygnes et signes

Qu'il s'agisse du naufrage du Titanic ou de celui de la Baring, du 11 septembre 2001 ou de la SG, qu'est-ce qui fait qu'après coup nous sommes capables de démontrer que ce que nous n'avions pas prévu était pourtant prévisible ?

Dans certains cas, on pourra invoquer un déficit d'information. Dans les exemples évoqués, il semble bien que les signes étaient là, suffisants pour alerter. Alors, deuxième hypothèse, il s'agit d'un déficit d'interprétation. Et là, il est vrai, nos mécanismes habituels de pensée sont suspects. Dans La décision*, le professeur Berthoz** postule que notre cerveau, spontanément, est un émulateur d'univers probables. Il montre en outre que la représentation précède la perception et la filtre. Nous sommes ainsi aveugles, a priori et à notre insu, aux signaux qui n'entrent pas dans la cohérence que notre cerveau, dans le moment, a choisie.

Un autre cas de figure peut relier à la fois la problématique de l'information et celle de l'interprétation: le défaut d'intelligence collective. Les signes sont là, l'information est disponible, elle a même été cueillie, mais elle est dispersée dans des cerveaux différents. Comme dans l'apologue des aveugles et de l'éléphant, l'un touche la queue, l'autre les oreilles, un troisième la trompe, etc. mais aucun d'eux, tout seul, ne peut construire l'image d'un animal qu'il n'a jamais vu. Pour cela, il faudrait qu'ils se parlent. Et encore, pas n'importe comment.

Il paraît que le capitaine du Titanic avait dans sa poche le message l'avertissant de la présence d'icebergs sur sa route. Cela vous paraît un peu gros ? Eh! bien, dans ce cas, lisez l'article publié le 7 février, sous la signature de Pascale Marie-Deschamps, par le journal Les Echos***. Peu de temps avant de rencontrer leur iceberg, les dirigeants de la banque s'étaient offert un séminaire à Prague avec Nassim Taleb, auteur du bestseller The black swan, "le cygne noir". Le cygne noir, c'est l'évènement impensable, inimaginable, inconcevable. Du moins - il faut relativiser - en fonction de nos références: en Australie, paraît-il, les cygnes sont noirs.

Le Titanic, donc, est insubmersible. Le territoire américain est inviolable. Nos systèmes de gestion du risque sont infaillibles. Le chef a toujours raison. L'enchanteur est tout-puissant. Que dit Nassim Taleb ? Que notre représentation du monde, qui se reflète dans nos stratégies et nos outils, est fascinée par le ventre de la courbe de Gauss, autrement dit par le "paradigme de la moyenne". Que, de ce fait, ce sont les extrêmes que nous devrions surveiller. Idée que défendait déjà, il y a une dizaine d'années, Yolaine de Linarés dans L'intelligence compétitive: si vous avez trop de signaux faibles à surveiller, ne cherchez pas à les probabiliser, demandez-vous plutôt ceux qui, s'ils devenaient fort, avertiraient d'un changement radical des équilibres!

Il paraît qu'à Prague les dirigeants de la banque - et j'en viens au message resté dans la poche du capitaine - ont écouté poliment le philosophe et ses spéculations. Vous voyez ce que je veux dire ? Ce n'est pas le manque d'intelligence individuelle qui constitue notre péril. C'est notre difficulté à accepter que le monde ne soit pas asservi à l'idée que nous nous en faisons. En définitive, l'iceberg est au dedans de nous. Il a pour nom arrogance.


* Alain Berthoz, professeur au Collège de France.
** Editions Odile Jacob.
*** Le Cygne noir.pdf