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01/01/2021

2021: Cap au Large!

 

 

 

voeux, crise, covid, virus, formation, développement, autonomie alimentaireUn ami qui se reconnaîtra me disait récemment: « Plutôt que se souhaiter une bonne année, on aurait envie de se souhaiter bonne chance! » En d’autres mots : « comment formuler des voeux de « bonne année » quand la crise sanitaire semble aller de rebond en rebond et que l’économie du pays, de même que le moral de beaucoup de professionnels, menace ruine ? » Nos bonnes intentions ne sont-elles pas bien pâles dans ce climat anxiogène ? Que peuvent-elles peser si l’espoir est déjà fragile que 2021 soit autre chose que la poursuite désastreuse de 2020 ?

 

Si nous ressentons une gêne à nous souhaiter une bonne année, que pouvons-nous faire, alors que nous vivons une période que les manuels scolaires du futur n’oublieront pas ? Je vous livre une suggestion : nous demander quels engagements nous pouvons prendre, tant à l’égard de nous-même que des autres, pour que l’année qui commence soit au moins meilleure que ce qu’en ferait la seule force des choses. 

 

Je propose deux registres, chacun me paraissant indispensable: 

 

- Que puis-je faire pour moi ? 

 

- Que puis-je faire, plus largement, dans l’intérêt commun ?

 

En ce qui me concerne, deux réponses me sont venues spontanément.

 

D’abord - vous sourirez peut-être - poursuivre mon expérience de jardinage et développer les modestes compétences que j’acquiers dans ce domaine depuis 2019. J’ai trois raisons de le faire qui ne me paraissent pas anecdotiques. En mode permaculture, le contact - le travail - avec le vivant est un merveilleux antidote à la toxicité de l’atmosphère. Mais c’est aussi une activité qui me relie à l’intérêt commun. Elle constitue, de fait, un petit élément d’autonomie alimentaire locale, l’une des mailles des sociétés résiliantes de l’avenir. Elle y contribue aussi par l’exemple que peut donner un intellectuel qui s’y est mis sur le tard et qui, avec des résultats encourageants, peut décomplexer quelques-uns de ses semblables.

 

La réponse que je donne à ma seconde question est directement reliée au registre professionnel que j’ai cultivé depuis plusieurs décennies: celui du développement humain. C’est la prise en compte de ce que beaucoup d’entre nous vivent du fait de la crise sanitaire et de son administration. 

 

2020 a été marquée par une confrontation avec l’inimaginable - celui d’une épidémie et des mesures subséquentes prises par les Pouvoirs Publics. Nos entreprises, nos vies personnelles et professionnelles, nos représentations de la réussite et du bonheur en ont été rudement ébranlées. 

 

Dans les entreprises, l’angoisse et les mesures de survie qu’ont été obligées de prendre certaines d’entre elles ont répandu une atmosphère pesante, peu propice à la résilience et à l’évolution créatrice que les circonstances exigent. 

 

Du côté des personnes, nombreuses sont celles que le découragement est en train d’user, nombreuses aussi celles qui accordent une attention de plus en plus soutenue à un désir de changer de vie qui jusque là restait discret.

 

Si caresser de loin un changement ou une évolution est facile, les décider puis les mettre en oeuvre généralement l’est moins. Or l’on peut dire que les situations de panne aujourd’hui se multiplient. L’image qui m’est venue est celle des « Marins perdus » de Jean-Claude Izzo. Alors que leur vocation est de naviguer, ils sont confinés sur leur bateau maintenu à quai par une sombre affaire. 

 

C’est ainsi qu’avec mes amis et associés, au terme d’une réflexion qui a occupé plusieurs mois de 2019, nous avons décidé de lancer un nouveau parcours de développement « Cap au Large ». « Cap au large » pour regarder au loin, hisser les voiles et retrouver avec l’air vivifiant de la haute mer le goût de l’aventure.

 

Je définirais « Cap au Large » comme un parcours de ressourcement, de mûrissement et d’évolution créatrice. Il s’agit de transformer tout ce que nous avons vécu ces derniers mois pour nous redonner le ressort de l’accomplissement dans un environnement durablement transformé.

 

Pour 2021, en pensant au philosophe Alain qui disait que le sculpteur fait avec la résistance du marbre, je vous souhaite de réaliser une belle oeuvre. 

 

 

PS: Si vous avez envie de partager en commentaire vos réponses à mes deux questions, sachez qu’elles seront les bienvenues et cela d’autant plus qu’elles pourront en inspirer d’autres:

- Que puis-je faire pour moi ? 

- Que puis-je faire, plus largement, dans l’intérêt commun ?

07/03/2020

Anthropogenèse (III)

 

 

 

Dans le film Un jour sans fin, Bill Murray joue le rôle d’un journaliste qui ne cesse de revivre la même journée de reportage, une journée qu’il trouve particulièrement ennuyeuse et qu’il vit sur le mode sarcastique. Il essaye d’échapper à cette récurrence par tous les moyens jusqu’au suicide. Mais, chaque lendemain matin, il se retrouve inexorablement à la même date, dans le même lit de la même chambre du même hôtel, avec la même salutation stupide du radio-réveil. C’est ce que j’appelais dans mon précédent article: le paradoxe du changement. Nous sommes la poule, notre décision est l’oeuf. Tant que nous resterons une poule, et alors même que nous souhaitons changer, nous ne pondrons que des oeufs de poule, c’est-à-dire des décisions trompeuses qui, quoique nous en ayons, après plus ou moins de détours, nous ramèneront à notre point de départ. La voiture électrique est un bon exemple de cela : pour vouloir faire dans la green economy, nous promouvons un véhicule au moins aussi nocif que ceux qui roulent au pétrole. La poule devrait donc pondre des oeufs qui ne soient pas des oeufs de poule. Mais comment peut-elle le faire si elle reste une poule ? Je ne sais plus quel psychanalyste disait : « le temps de l'inconscient est la répétition ». Jusqu’à ce que se produise - parfois - un mystérieux déclic, comme dans le rêve du scarabée que rapporte Jung (1).

 

Je dois avouer que pour écrire ce troisième article sur l’anthropogenèse, j’ai eu besoin de rafraîchir mon optimisme tant la machine qui façonne de nos jours notre humanité semble efficace, ceux qui la dirigent inébranlables - et ceux qu’elle conditionne aussi satisfaits que soumis. Mais, justement, ce que ce système se féliciterait d'obtenir de nous, c’est bien notre résignation. La résignation est la mère de la soumission et de l’asservissement. A ce titre, elle est ce que nous devons refuser. J’ai alors pris un livre qui vient de paraître: En route pour l'autonomie alimentaire (2) et ce fut comme d’ouvrir par magie une fenêtre dans un mur aveugle - une fenêtre permettant de découvrir, là, tout près de nous, au pied de notre maison, un paysage vaste et lumineux. J’y reviendrai, mais au delà des démarches et des techniques présentées, le fait qu’il existe dès aujourd’hui des êtres humains tels que ses auteurs et tous ceux qu’au fil des pages cet ouvrage nous fait découvrir est la preuve que le serpent peut arrêter de se mordre la queue. Mais comment ?

 

J’ai évoqué ailleurs le « moteur de conformité » (3) dont toute société a besoin mais dont le détournement conduit à la dictature décrite par George Orwell dans son roman 1984. Dès 1929, nous étions avertis. C’est l’année où Edward Bernays (1891-1995) publie son livre Propaganda : Comment manipuler l'opinion en démocratie. Dans ce domaine, Bernays est un maître. Le classique de Noam Chomsky: La Fabrication du consentement: De la propagande médiatique en démocratie, est venu plus tard nous rappeler dans quelle illusion organisée nous sommes élevés. La manipulation de l’opinion est renforcée par la promotion de valeurs, de moeurs et de modes de vie : ceux-là même dont nous devons nous extraire si nous voulons préserver l’avenir du vivant et de l’humanité. Heureusement, il y a des individus qui passent à travers les mailles du système. Il s’agit de ces divergents que Howard Bloom appelle « agents de diversité » parce que, face à des situations inédites, ils permettent à la société de produire de nouvelles solutions. Ces vilains petits canards sont maltraités par les organisateurs et les tenants du conformisme, mais ils sont là. Ce sont par exemple les auteurs de En route pour l’autonomie alimentaire et les hommes et les femmes dont les réalisations parsèment le livre. L’avenir nous dira s’ils parviendront à faire lever la pâte, mais d’ores et déjà la fenêtre qu’ils ont ouverte nous montre un avenir accessible et désirable.

 

Notre société, malgré son dispositif massif de conditionnement, n’engendre donc pas que des êtres conformes. La poule parvient à pondre des oeufs qui ne sont pas inéluctablement des oeufs de poule. Comment cela se passe-t-il au niveau de la psychologie individuelle ? Je ne m’intéresserai pas à ceux qui n’ont pas eu d’efforts à faire pour se libérer du conditionnement, mais aux gens comme moi qui doivent se frayer un chemin entre les appels de leur conscience et leurs pesanteurs comportementales. Je crois que la source de notre capacité de transformation est que chacun d’entre nous a en lui, en germe, un ou plusieurs divergents. Chacun d’entre nous héberge, fût-ce bien cachées, des versions de lui-même imparfaitement conditionnées par la machine à conformer, et capables dans un certain contexte d’émerger et de s’incarner. Chacun d’entre nous recèle en lui, derrière l’arbre convenablement taillé qui la cache, une forêt de possibles, certains proches de ceux qu’il cultive au quotidien, d’autres plus éloignés, mais tous potentiellement sensibles à des degrés divers aux interactions avec l’extérieur telles que rencontres, évènements, atmosphères singulières. C’est grâce à la présence de ces possibles que notre poule pourra pondre des oeufs différents ou, si vous préférez, que nous pourrons produire des décisions et des comportements qui ne réinitialiseront pas sans cesse le même scénario. A un moment, un élément extérieur entrera en résonance avec l'un d'entre eux et, pour évoquer encore Un jour sans fin, le personnage de Bill Murray échappera alors à son cercle vicieux. Dans le meilleur des cas, émerge une nouvelle représentation de soi, ou plutôt, comme le terme de représentation évoque quelque chose de statique, un nouveau film de soi que l’on se projettera. Alors, par exemple, on commencera à se voir faire autre chose que maugréer contre la situation que l’on vit sans parvenir pour autant à lui échapper ou bien l'on sera à même de produire des solutions qui ne nous ramènent pas à notre point de départ. 

 

La rencontre d’un tel autre soi-même peut tourner court. Comme un embryon que l’on porte, la possibilité entraperçue a besoin d’être accueillie et nourrie afin de se fortifier et de nous faire passer du rêve à la décision et de la décision aux actes. Ce qu’elle implique peut nous faire peur au point qu'elle restera à l’état d’un rêve progressivement refoulé. Si ce n’est nous-même, elle pourra effrayer ou déranger notre entourage et liguer contre elle des résistances extérieures. Elle peut aussi tout simplement dépérir du fait de notre paresse ou de notre inconsistance. Sans en faire l'occasion d'une autoflagellation stérile, nous devons nous méfier de nos faiblesses et prévoir des dispositifs qui nous en protègent, nous rassérènent et stimulent notre motivation: cercle de complices, activités, lectures, récits, etc.

 

Nous sommes confrontés à une machine à conditionner l’humain comme il n’en a jamais existé même sous les pires dictatures. Elle exploite toutes nos faiblesses, toutes nos pesanteurs. Elle conduit à la dissolution de toute transcendance. Or, sans transcendance, nous sommes de la chair sans squelette. Mais « ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on a fait de nous, c’est ce que nous faisons de ce que l’on a fait de nous » (4). Nous devons nous emparer de nos leviers intérieurs pour, en quelque sorte, nous donner à nous-mêmes une autre éducation que celle dont cette machine nous gave en permanence. Nous devons nous réapproprier l’anthropogenèse.

 

(1) Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Synchronicité
(2) François Rouillay et Sabine Becker, En route pour l’autonomie alimentaire, Guide pratique à l'usage des familles, villes et territoires, éditions Terre vivante, février 2020.
(3) Howard Bloom.
(4) Jean-Paul Sartre.

30/03/2010

Ecomanagement

 

 Mon ami Francis Karolewicz fait partie de ces gens qui nous montrent sans se lasser la direction que nous devrions prendre si nous voulons que nos lendemains ne soient pas seulement le résultat de la force des choses. Je dis « sans se lasser », car il y a du mérite à promouvoir depuis une vingtaine d'années une démarche humaniste auprès des entreprises, alors que la crise, ses prodromes et ses perspectives, ont rappelé les vieux réflexes darwiniens - à l'instar de ces démons dont parle l'Evangile qui, un moment écartés, reviennent en force.

 

Plus que toute autre chose, il faut de la résilience pour continuer à promouvoir un modèle de management équilibré, alors que le long terme commence après-demain, que l'on rêve d'organisations qui auraient plein de clients et aussi peu de collaborateurs que possible, et que même l'intelligence politique a démissionné au profit de la théorie du « tout marché ». Loin cependant de plaider un modèle contre un autre,  c'est dans le droit fil de la « pensée complexe » d'Edgar Morin que  Francis Karolewicz s'efforce de tenir ensemble les antagonismes au lieu de les disjoindre. Il ne propose pas de couper des têtes ou de faire la révolution. Il ne propose pas l'antienne du partage de la valeur ajoutée, arène où se disputent sans fin les actionnaires, les clients, les salariés et le fisc. Il propose la création de richesses supplémentaires - et de multiples sortes - grâce à de meilleurs agencements des dynamiques qui font l'entreprise. Sagesse et management, si ces deux mots peuvent encore cohabiter...

 

Au delà de l'humanisme de l'auteur, ce que j'aime dans la démarche que développe ce dernier livre, c'est qu'elle s'inspire de l'intelligence du vivant, celle que l'on voit à l'œuvre dans les écosystèmes, celle qui crée les équilibres de la pérennité. La pérennité n'est pas une succession d'immédiatetés, de rounds, d'étapes. Cela, c'est une illusion d'optique, une métaphore trompeuse. On a vu, à la faveur de la crise, des géants s'effondrer, qui avaient tout fait depuis des lustres, « match après match », pour maximiser leurs profits. La pérennité ne résulte pas non plus d'une causalité simpliste : « Combien tu me donnes, combien je te donne ». Au contraire, elle emprunte des chemins détournés. Ce que nous avons libéré dans la nature, en bien ou en mal,  ne nous revient qu'au terme de boucles complexes. Et dans ces boucles complexes, si on parle de la production de richesses, il y a l'humain, les « ressources humaines ».

 

Cette citation de Christiane Singer que j'ai trouvée en exergue à un article de Marie-Françoise Bonicel me parle beaucoup : « Chaque matin, les hommes et les femmes qui prennent soin de la parcelle de réel qui leur est confiée sont en train de sauver le monde, sans le savoir ». Si, dans cette parcelle de réel qui vous est confiée, il y a des hommes et des femmes en situation de travail ou d'apprentissage, plongez-vous dans le dernier livre de Francis Karolewicz et faites-en quelque chose.

 

Ecomanagement, un management durable pour des entreprises vivantes, Francis Karolewicz, Editions de Boeck.