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17/04/2023

De la dépossession

 

Je suis un lecteur éclectique et cela me permet de faire parfois des rapprochements inattendus. Récemment, j’ai constaté qu’entre les propos du docteur Louis Fouché et ceux du philosophe américain, Matthew B. Crawford - l’auteur de « L’éloge du carburateur » - les résonances ne manquent pas, singulièrement autour du concept de dépossession. Les points de départ sont différents, les références et le vocabulaire aussi, mais très nettement voilà deux hommes qui, chacun de son côté de l’Atlantique, dénoncent la même dérive de nos sociétés. Nous nous engluons dans un système tentaculaire de sollicitations et d’injonctions qui, les unes et les autres, tendent à nous désapproprier de notre contact personnel au monde et à asphyxier notre liberté créatrice. Ce système est hétérogène, composite, il est à la fois politique, réglementaire, économique, technologique, financier, social. Il conjugue les appétits et les ambitions d'acteurs dont la complicité est peut-être plus souvent d’opportunité que subjective, mais où certains personnages - comme Klaus Schwab, le fondateur et animateur du World Economic Forum - parviennent à insuffler une orientation minimale. L’ensemble constitue une machine à produire à grande échelle un consentement biaisé des masses humaines - c’est-à-dire une soumission - qui n’a jamais été aussi performante. Cette machine utilise une double force: celle de la contrainte et celle de la suggestion. La contrainte s’exprime dans la règlementation, les interdits, les menaces, la surveillance, les sanctions. La suggestion relève de la manipulation mentale utilisée à des fins commerciales ou idéologiques, ou pour produire des réflexes conditionnés au moindre coût. 

 

Le totalitarisme en mode lousdé

Je gage que peu de mes lecteurs sont prêts à accepter l’idée que nous sommes entrés dans une ère de totalitarisme. Le mot rappelle en effet les souvenirs du pire de l’URSS, l’époque des goulags où l’on envoyait les gens dénoncés pour une correspondance privée critiquant le « petit père des peuples » (1). Or, ne voit-on pas tous les jours, dans notre pays, des spectacles qui démontrent à quel point notre liberté s’étend jusqu’à la licence ? Mais monter régulièrement en épingle l’obscénité - les provocations de l’Art contemporain, les excentricités des genristes ou de certaines ultra-minorités sexuelles - n’est qu’un tour de prestidigitation pour retenir notre attention d’aller voir ailleurs. Il y a des libertés spectaculaires sans importance à qui est donné le devant de la scène afin, en coulisse, de mieux étrangler des libertés essentielles. Quand on accepte certaines filouteries dangereuses pour garder le droit de prendre un café, d’aller au cinéma ou de voyager, c’est déjà que l’on n’a pas trouvé le recul nécessaire pour distinguer l’essentiel de l’accessoire. Là est le danger de se perdre. Globalement, qu’il s’agisse des grandes lignes de nos vies ou de notre quotidien, de l’éducation de nos enfants ou de la disposition de nos corps, tout se décide toujours davantage sans nous et nous revient sous une forme comminatoire. En outre, gage d’efficacité, la mise en oeuvre peut désormais s’appuyer sur une technologie aussi banalisée qu’invasive. Le totalitarisme d’aujourd’hui est une pratique en lousdé. C’est une société où certaines formes d’indépendance se réduisent inexorablement et où, petite touche par petite touche, une volonté opiniâtre de contrôle recouvre le paysage de nos vies d’un voile grisâtre. En s’additionnant, des dispositifs liberticides en apparence subsidiaires finissent par tisser un filet aux mailles de plus en plus serrées. C’est, pour la consommation d’énergie, le compteur électrique dit « intelligent ». C’est l’interdiction de détenir chez soi en liquide plus qu’une certaine somme. C’est bientôt, pour voyager, le carnet de vaccination en forme de puce insérée sous la peau. C’est l’allègement de l’étiquetage de certains produits qui réduit la possibilité de faire des choix éclairés ou en tout cas en cohérence avec nos valeurs (2). C’est la propagande genriste à l’école: comme nous l’avait déclaré il y a quelques années une femme politique française: « Vos enfants ne vous appartiennent pas ». 

 

Réalité augmentée ou diminuée ?

On a beaucoup vanté la « réalité augmentée », mais que dire de la réalité diminuée ? Le totalitarisme en lousdé, c’est aussi la censure des opinions divergentes par les mass médias où, si elles sont citées, c’est pour être incendiées. C’est, sur les réseaux sociaux, les documents supprimés - y compris des études officielles - « au nom des standards de la communauté », ou les opinions hypocritement dissimulées par les algorithmes: le shadow banning. Ce sont les centaines de milliers de petits comptes qui disent n’importe quoi sans être inquiétés, parce qu’ils n’ont aucune influence mais servent à démontrer la liberté d’expression tandis que l’on clôture autoritairement ceux qui commençaient à acquérir une véritable audience. Ce sont les trolls diligentés par des officines subventionnées afin de pourrir les fils de discussion. Dans une société où le monde perçu par beaucoup se limite à l’écran de la télévision, ce que l’on n’y voit pas n’est pas perçu comme caché: n’existe pas l’idée même que cela puisse exister. Alors, pour celui qui n’a pas l’intuition ou envie de se poser des questions, de faire ses propres recherches, il n’y a pas d’opinions divergentes, il n’y a que des consensus auxquels on ne peut que se soumettre. On en a fait l’expérience avec l'invisibilisation de scientifiques qui avaient une pensée différente sur le coronavirus, tandis que des experts à conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique hantaient chaque jour les plateaux. On peut aussi  évoquer, alors que les politiques les moins représentatifs ou qu’accompagnent un impressionnant lot de casseroles sont invités chaque jour, le bannissement médiatique total de François Asselineau dont la moindre vidéo fait cinq cents fois plus de public que le dernier film, pourtant généreusement subventionné, de Bernard-Henri Lévy. 

 

Les dénonciateurs du « complotisme » oublient de dire que les Etats-unis ont depuis longtemps utilisé Hollywood pour faire passer les narratifs qui les arrangent (3). D’ailleurs les forces spéciales américaines viennent officiellement de déclarer qu’en cas de besoin elles utiliseraient des « deep fakes » au titre de leurs stratégies (4). Distinguer le vrai du faux est déjà de plus en plus difficile: avec le recours à l’intelligence artificielle, cela deviendra une gageure. Cette dernière en effet donne à n’importe quel quidam le pouvoir de créer des images et des articles de presse qui ont toute l’apparence de la vérité tout en n’étant que des inventions. Elle apporte ainsi une puissance inimaginable aux ombres de la caverne dont Platon voulait nous détourner. Or, comme l’a écrit Hannah Arendt: « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez ». Aux forces que ce système déploie s’ajoutent des phénomènes tels que le wokisme qui tend à nous priver de nos repères, ainsi que les différents mouvements de repentance qui veulent nous enfermer dans une passion triste qui nous vide de notre énergie. 

 

La flamme de l’attention

Mais la dépossession majeure que l’on nous inflige, sans laquelle rien de ce qui précède ne serait facile à imposer, est celle de notre attention. Krishnamurti faisait de l’attention la porte d’entrée de notre esprit, la clé de notre vie: sur quoi la focalisons-nous, de quoi la nourrissons-nous ? Or, la capter est devenu un enjeu pour tous ceux qui attendent quelque chose de nous et, entre les marchands, les gouvernements et les colporteurs d’idéologies diverses, les prédateurs de notre attention sont devenus innombrables. Il y a quelques décennies, il fallait ouvrir un journal, allumer le poste de radio ou de télévision, ou choisir d’assister à un meeting, pour être exposé à ce battage. Maintenant, nous le sommes en permanence. C’est une omniprésence de messages ou plutôt d’interpellations et de leurs vecteurs - essentiellement tout ce qui est doté d’un écran. Combien de temps passons-nous chaque jour à lire des informations que nous n’avons pas sollicitées ? Combien à nous laisser embobiner par le jeu des commentaires sur les réseaux sociaux ? Combien de fois, tentés de ne pas ouvrir cette boîte de Pandore, avons-nous hésité en nous disant: « Il y a peut-être quelque chose à apprendre ou à partager ? » 

Au surplus, des images savamment calculées passent la barrière de notre filtre conscient pour influencer notre inconscient. Derrière tout cela il y a un autre projet: celui de nous éduquer, c’est-à-dire de nous faire adopter des mœurs, des croyances et des comportements décidés par des élites autoproclamées. Comme l’a montré Virginie Martin (5), les séries télévisées contribuent largement, au delà des histoires dont elles prétendent nous distraire, à faire évoluer la culturendes peuples. Ce que nous pouvons voir et devons penser, ce qu’est le bonheur, ce que c’est qu’être un humain, le bien, le mal, le gentil, le méchant, où doit aller notre société, tout cela nous est administré en perfusions indolores. En sommes-nous seulement conscients ?

 

Nous sommes les auteurs de ce monde

Ce monde ne sort pas d’un chapeau. Il n’est pas l’oeuvre d’un démiurge diabolique. Toutes les civilisations résultent des choix que, dans un environnement donné, une population a faits afin de satisfaire ses besoins. D’une part, chacun de ces choix crée un afflux d’énergie vers certains secteurs qui s’enrichiront et auront ainsi tendance à s’autonomiser et, de réponse à un besoin, à devenir des lieux de pouvoir surplombant la société (6). D’autre part, dans ces choix faits au fil du temps et parfois des siècles, quelques motivations spontanées et répétées ont joué un rôle déterminant: a été plébiscité ce qui « facilite la vie », ce qui donne le sentiment d’être davantage protégé, ce qui valorise les premiers expérimentateurs aux yeux des autres et ce qui enrichit matériellement. Chacune de ces motivations débouche sur une pente douce au début mais qui ne manque jamais de s’accélérer, cela d’autant que le marketing de ceux qui y ont intérêt y encouragera. Si la motorisation de certaines tâches constitue un véritable soulagement pour les ouvriers et les paysans, que dire par exemple de la télécommande de nos téléviseurs ? A combien de mètres regarde-t-on l’écran ? Se lever pour changer de chaîne représente-t-il une fatigue singulière ? A lui seul, cependant, combien de matière et d’énergie cet objet fabriqué par milliards d’unités consomme-t-il ? Combien de déchets représente-t-il ? Et, parmi cent autres objets de notre quotidien qui nous poussent sur la même pente, quel effet a-t-il sur l’évolution de nos comportements ? A sa modeste place, la télécommande est symbolique de la manière dont nos choix, innocemment, engendrent un monde et nous façonnent en retour.  

 

L’organisation de la résignation

Le pouvoir se concentre à mesure de la richesse. Avec la mondialisation, cette concentration est à l’échelle de la planète. Elle a engendré des monstres de puissance économique et financière qui interfèrent dans tous les secteurs de nos vies. Leur collusion avec un pouvoir politique qu’elles ont de plus en plus souvent contribué à mettre en place nous prive des plus élémentaires garde-fou. De ce point de vue, nous devons remercier la prétendue « crise sanitaire »: elle a rendu visible une réalité qui relevait jusque là d’un roman dystopique. Elle nous permet de comprendre par exemple que si, un jour proche, l’OMS décide, pour notre bien et celui de la planète, de contrôler notre alimentation, il lui suffira de passer des accords avec ceux qui lui auront d’ailleurs susurré cette idée à l’oreille: les industriels de l’alimentaire, les chaînes internationales de restauration, etc. Que les législateurs nationaux rajoutent à cela quelques normes ou obligations pesantes, qu’une crise énergétique opportune survienne, et les petits commerces indépendants finiront par mettre les uns après les autres la clé sous la porte. C’est la logique du totalitarisme: le nombre, l’hétérogénéité et l’indépendance des acteurs sont un obstacle au projet qu’il s’agit de mettre en place. Sous les prétextes d’économies et d’efficacité, il est indispensable donc de simplifier la réalité, de ne voir qu’une seule tête et de n’avoir que des interlocuteurs de niveau planétaire. Une fois encore, la gestion de la crise du covid est riche d’enseignements: on a neutralisé des centaines de milliers de médecins libéraux qui avaient les compétences de soigner et guérir, parce qu’il fallait réserver le terrain à une politique planétaire unique et aux productions de la grande industrie pharmaceutique. Mis entre parenthèses et l’ayant accepté sans résistance, ces professionnels n’ont pas vu que c’était le début de la pente qui les conduirait à être évincés au profit des plateformes de consultations à distance assistées de la nouvelle baguette magique: l’intelligence artificielle. Et voilà qu’émerge un système de santé dont nous - les citoyens - nous satisferons par défaut !

 

Tout s’organise pour que nous soyons convaincus qu’il n’y a devant nous qu’une seule route, qu’il serait vain de vouloir en trouver une autre et que, de toute façon, nous sommes désormais impuissants. Cela aussi est une marque de l’esprit totalitariste. « There is no alternative! » comme le scandait Margaret Thatcher et comme le reprennent en coeur tous ses épigones. Si, à l’intérieur de leur système, il n’y a pas d’alternative, il y en a en revanche en dehors. La nouvelle route n’est pas à trouver: elle est à créer. Le nouveau film n’est pas à choisir dans le catalogue: il est à imaginer. Nous ne sommes jamais prisonniers que des réponses que nous avons choisi de donner et continuons à donner à nos besoins. En cela il n’y a pas de faute et il ne doit pas y avoir de culpabilité: l’humanité apprend en marchant. La seule faute serait, aujourd’hui, de ne pas prendre en compte ce que nous voyons et ce que nous avons la capacité de comprendre. Si, aujourd’hui, nous nous sentons à l’étroit dans notre société de 2023, l’histoire des besoins dont nous avons privilégié la satisfaction et les réponses additionnées que nous leur avons données nous permettrait de comprendre comment nous en sommes rendus là. Mais, quelque intéressant qu’il serait, ce n’est pas un travail historique que je veux vous proposer au terme de ce constat. Il s’agit d’avenir, il s’agit d’innovation et d’invention et c’est ce dont il sera question dans ma prochaine chronique. 

 

(1) C’est ce qui est arrivé à Soljenitsyne.

(2) La Commission européenne envisage de supprimer les mentions caractérisant le mode d’élevage des volailles pour simplifier les normes de commercialisation: https://www.tf1info.fr/conso/video-etiquetage-des-volaill... 

(3) Erwan Benezet, Barthélemy Courmont, Hollywood-Washington, Comment l’Amérique fait son cinéma, Armand Colin, 2007. 

(4) https://www.les-crises.fr/psyops-les-forces-speciales-us-... 

(5) Virginie Martin, Le charme discret des séries, humenSciences, 2021. 

(6) J’ai évoqué ce phénomène ici: http://indisciplineintellectuelle.blogspirit.com/archive/... 

 

 

22/03/2021

Eloge de l'exercice complotiste (7/7): La plus belle ruse du diable

 

7. La plus belle ruse du diable

 

Il y a quelques jours, YouTube a clôturé unilatéralement la chaîne de France Soir qui comptait 270 000 abonnés. Auparavant, depuis l’irruption du covid, nombre de scientifiques ou de lanceurs d’alerte en désaccord avec les thèses et mesures sanitaires retenues par le Gouvernement ont déjà vu, sur cette plateforme ou sur d’autres, leurs publications censurées. Serait-ce que YouTube, Facebook et Twitter ont une équipe de savants d’un niveau tel qu’elle soit à même de se mêler d’un débat scientifique ? Je ne parlerai même pas des gardiens autoproclamés de la vérité qui répandent impunément des mensonges sur les uns ou les autres du moment qu'ils critiquent la gestion de la prétendue crise sanitaire, comme cette minuscule officine que je préfère ne pas citer qui dénigre bassement Alessandra Henrion-Caude. Or Mme Henrion-Caude est une généticienne qui a au moins d’aussi bonnes garanties de compétence que le vedettariat médical des plateaux de télévision. Mais il y a pire en matière de désinformation. Comment a-t-on pu porter aussi loin le mensonge que l'étude, bidonnée à grands frais, que The Lancet a publiée, à laquelle fut donné le plus d’écho possible et sur laquelle l'OMS et notre Gouvernement s'appuieront pour interdire le traitement précoce du Covid à l'hydroxychloroquine ? Cette même étude qui sera dénoncée non par les médias de masse, qui semblent ne plus avoir de journalistes d'investigation, mais par des lanceurs d'alerte - de France Soir par exemple - et que The Lancet, piteusement, retirera quelques jours plus tard ?  


Depuis que le coronavirus squatte les plateaux de télévision, force est de constater que la censure et les fatwas pseudo-scientifiques sont devenues banales. Je rappelle, par exemple, que pour un différend scientifique Didier Raoult a été menacé de mort par un de ses "confrères" de Nantes. Par comparaison, le procès de Galilée sera bientôt du pipi d’opérette. Or, le fait même que la pratique du mensonge, des insultes et de la censure soit devenue banale devrait induire tout citoyen quelque peu éveillé, s’il ne l’a déjà fait, à remettre en question sa représentation du monde. Nous ne sommes plus dans le monde que nous croyions. Il faut le dire et le redire: que le droit d’expression et a fortiori le débat scientifique soient entravés constitue un changement radical de société dont les conséquences potentielles sont considérables. Bien sûr, tout le monde n’est pas censuré et on a de ce fait un paysage en trompe-l’oeil. Il faut atteindre un certain nombre de followers, donc une notoriété menaçante, pour se retrouver sous surveillance. J’imagine que les censeurs adoptent la règle des 20/80: s’en prendre aux 20% des divergents qui font 80% de l'audience. Les 80% à faible audience qu’on laisse à peu près tranquilles - comme moi - servent ainsi à entretenir l’illusion du maintien de la liberté d’expression.


La science n’avance pas grâce aux conformistes. Elle avance grâce à une remise en question permanente, c’est-à-dire grâce aux voix discordantes qui, à leurs risques et périls, s’en prennent aux dogmes et à leur clergé. Les citoyens, quant à eux, que l'on juge suffisamment intelligents pour avoir encore le droit de vote, se forgent leurs idées dans la confrontation et l’échange. Il leur appartient de décider de la société dans laquelle ils veulent vivre et notamment des risques qu’ils sont prêts à prendre et de ceux qu’ils préfèrent écarter. Selon la métaphore de Platon, en démocratie le peuple est l'armateur du navire et décide de sa destination, le capitaine est responsable de la route à prendre pour y parvenir. Les citoyens peuvent se tromper ? Etre libre, c’est avoir ce droit et, oserai-je ajouter, il vaut mieux être victime de ses propres erreurs que de celles des autres. Sans une libre-circulation des opinions dans leur diversité, les mensonges ont un boulevard devant eux, et il n’y a pas de démocratie possible.

 

Quels sont les critères, les compétences et les ressorts des dirigeants des « réseaux sociaux » et de certains groupuscules fanatiques pour décider de ce que nous avons le droit de savoir ? Les plateformes qui censurent invoquent les « règles de la communauté ». C'est une terminologie mensongère. Elles ne constituent en rien une communauté. Elles ne sont pas des organismes coopératifs dont les usagers seraient en même temps les membres. Sinon, ceux-ci devraient être consultés et débattre entre eux avant que l’on décide que telle opinion ou telle autre doit être censurée. En vérité, ces plateformes ne sont rien d'autre que des terrains privés sur lesquels on nous concède la possibilité de planter notre tente en échange de tout ce que l’on pourra apprendre sur nous. Alors, quels sont les critères d’éviction ? Comme dans tous les romans policiers, il faut chercher à qui le crime profite. 

 

En ce qui concerne ce qui a trait au covid, j’observe d’abord une forme de complicité avec les marchands de vaccin, car les règles de la prétendue « communauté » vont systématiquement à l’encontre des propositions de traitement précoce et menacent toute critique de la vaccination - en l’occurrence, avec celui de Pfizer notamment, d'une thérapie génique qui ne dit pas son nom. Je n’exclue pas une connivence politique car les genres peuvent être mêlés, mais quel peut être l’intérêt de YouTube ou de Facebook à complaire au gouvernement français ? J’y reviendrai, mais, pour le moment restons sur le terrain d’une forme de solidarité entre des géants de l’économie mondialisée. Quelle peut être la nature de cette complicité ? Plusieurs hypothèses sont envisageables. Je vous laisse soupeser dans quelles proportions elles peuvent justifier une telle pratique de la censure. 

 

La première qui vient à l’esprit est celle des liens d’intérêt. Mais en quoi les GAFAM auraient-ils besoin de l’argent ou des influences de BigPharma ? Une autre hypothèse serait celle d’une solidarité de classe: entre membres de la ploutocratie mondiale, on ne se refuse pas quelques services, un jour ou l’autre un retour d’ascenseur peut être le bienvenu. Personnellement, ces deux premières hypothèses - qui peuvent se combiner - n’emportent pas vraiment mon adhésion. Elles ne me semblent pas se suffire à elles-mêmes. Pourquoi les GAFAM soutiendraient-ils une politique médicale davantage qu’une autre ? Parce que le modèle économique qui consiste à évacuer les vieux produits sans rendement financier au profit de nouveaux produits à grosse marge relève d’une même école de gestion devenue une école de pensée, une idéologie ?

 

Et la dimension politique ? Le soutien apporté aux gouvernements est-il seulement justifié par les mesures sanitaires qu’ils promeuvent, ou cela va-t-il plus loin ? A-t-on l’explication de la clôture du compte de France Soir sur YouTube après l’interview d’un humoriste ? 270 000 abonnés floués en appuyant sur un bouton ! Invoquera-t-on, s’agissant de Bigard, la protection des populations contre des propos scientifiques dangereux ? Ou bien s’agit-il de protéger des politiciens ? Mais pourquoi, à moins qu'il s'agisse d'hommes-liges que les grandes compagnies ont infiltrés au sein de la puissance publique ?

 

Il reste une hypothèse - et si vous en avez d’autres à partager, elles seront les bienvenues - c’est celle non plus d'une complicité mais d’une solidarité fondée sur une idéologie commune, sur la représentation partagée d’une « Terre promise » à atteindre et de la « gouvernance » (que j’ai évoquée précédemment) à mettre en place pour y parvenir.


Peut-être avez-vous du monde une représentation plus simple que la mienne. J’avoue que, pour moi, les évènements que nous avons sous les yeux depuis un an n’ont pas un sens évident et que les discours officiels ne parviennent pas à emporter ma conviction. Trop de contradictions, trop de flou, trop de mensonges aussi effrontés qu'avérés au fil des mois. Expliquer ce qui se passe au moyen de nos catégories habituelles laisse mon besoin de comprendre sur sa faim. Mais, bien sûr, si j’essaye de partager mes doutes et de trouver une interprétation plus cohérente et qui embrasse en même temps toutes les pièces du puzzle, on me jettera l’anathème du complotisme. Ce dont, autant vous le dire, je me tamponne le coquillart sur toutes les longueurs d’onde. On peut craindre les balles, je le comprends, mais se laisser arrêter par des invectives est battre trop facilement en retraite. 


Ceux que l’on accuse bêtement de complotisme peuvent produire des scénarios biaisés, excessifs. Dans un monde comme le nôtre, ils ont au moins le mérite de nous rappeler que la réalité est une construction de notre esprit et de proposer plusieurs façons d’interpréter les ombres qui défilent sur les parois de notre caverne. Ils nous invitent à renoncer à la passivité de l’esprit et à user des différents processus de notre intelligence pour construire et non recevoir notre représentation de la réalité. Je ne nie pas qu’il y ait des individus voire des groupes qui soient la proie d’un délire d’interprétation. Mais, comme l’a dit Clément Rosset: « il n’y a pas de délire d’interprétation puisque toute interprétation est un délire ». Entendez par là que, dès lors que l’on extrapole de ce que l’on voit, dès lors qu’à partir de cela on commence à élaborer un récit, on se retrouve, si rationnelles qu’elles puissent paraître, dans les constructions de notre imagination, dont chacun d'entre nous place les bornes en fonction de ce qu'il estime très subjectivement vraisemblable. Je rappelle que, pour une majorité de gens, il fallut attendre le retour des survivants pour que soit reconnue l’existence des camps de la mort dans toute leur horreur. Jusque là, celui qui affirmait cette existence passait au moins pour déraisonnable. Le plus difficile à penser pour la plupart des êtres humains est la capacité de malfaisance de certains de leurs congénères. Pour autant, face à l'opacité de certaines situations, vouloir savoir et vouloir comprendre, quels que soient les risques d'errement, est un besoin légitime de l’humain.

 

Nous ne sommes pas des enfants qu’il faut protéger de la pornographie. Penser par soi-même est essentiel. Avoir accès à l’information n’est pas négociable. Dans la mesure où elle n’appelle pas à la violence et respecte l’autre, je soutiens farouchement la liberté d’expression. La censure ne sert qu’à protéger le mensonge et les menteurs. Pourquoi ? Parce qu’avoir le pouvoir de l’exercer n’est pas corrélé avec la garantie de la sincérité. J’entends être maître de ce que je lis et des interprétations que je peux en tirer. J’entends rester libre de commettre des erreurs, et je préfère trébucher sur mon propre chemin que passer à toute allure dans un train que je n’ai pas choisi. 

 

La plus belle ruse du diable est de faire croire qu’il n’existe pas. 

 

15/03/2021

Eloge de l'exercice complotiste (6/7): L’aléatoire, l'invisible et le cheval

 

6. L’aléatoire, l'invisible et le cheval

 

Ce n’est pas parce qu’un phénomène ne présente pas les apparences classiques du pouvoir qu’il ne recèle pas une énergie pouvant s’ordonner à une intention extérieure qui le récupérerait. Il est important de ne pas voir des complots où il n’y en a pas, il l'est aussi de surveiller ce qui, sans en avoir les apparences, représente cependant l’assemblage d’une puissance à prendre en considération.

Parallèlement, ce n’est pas parce qu’un phénomène n’a aucune intentionnalité pour ressort qu’il ne faut pas le surveiller. La marée n’a que faire des attentes des hommes, elle répond au mouvement de la Terre et de la Lune, mais quand elle est haute les plus gros vaisseaux, jusque là immobilisés, peuvent accéder au port ou en sortir. Un phénomène sans intention peut ainsi offrir son support à des joueurs qui en ont une et qui le chevaucheront comme le surfeur une vague qu’il n’a pas créée mais qui l’emporte. Je ne pense pas que le covid, même s’il semble avoir les caractéristiques d’un artefact, ait été volontairement lâché dans la nature. Cependant, l’aubaine qu’il a constituée pour certains joueurs est évidente: il a fourni l’opportunité de gains considérables, d’un contrôle inouï des populations, de la valorisation de certaines théories scientifiques ou médicales, sans parler des tribunes qu’il a offertes aux egos de tout poil. 

Nombre d’évènements résultent selon moi davantage de « complicités objectives », comme aurait dit  Marx, que d’intentions communes. La rencontre aléatoire d’éléments hétérogènes peut engendrer quelque chose d’inattendu, modifier l’équilibre des forces, voire entraîner de vrais basculements - tout en donnant l’impression qu’il y a à tout cela un orchestrateur qui en fait n’existe pas. Un exemple: toujours à cause du covid, les gens payent encore moins en liquide qu’auparavant, car les pièces et les billets qui passent de main en main sont un vecteur idéal pour un virus qui se déplace par portage. Ces nouveaux comportements vont dans le sens souhaité par certains acteurs de l’économie qui n’ont rien à voir avec la santé et la médecine. La numérisation totale de la monnaie permet un contrôle total des flux financiers. Peuvent y être favorables ceux qui voient davantage de tricheries fiscales chez les pauvres que chez les riches. Peut l’être également le ministère des finances qui ferait ainsi l’économie de la monnaie à frapper ou à imprimer et qui sait qu’il lui est plus facile de prendre un peu à beaucoup que beaucoup à quelques-uns. Peuvent y être favorables tous les affamés de ces data qui leur permettent de mieux nous connaître. L’accueilleraient sans déplaisir les banques qui récupèreraient ainsi des flux qui leur échappent encore et se débarrasseraient de la corvée coûteuse et fastidieuse de mettre à disposition les coupures de toute taille. Pourrait le vouloir aussi un Etat désireux de renforcer son contrôle. Mais supprimer la monnaie fiduciaire quand elle représente quinze pour cent des flux provoquerait un tollé. Grâce aux vagues épidémiques, l’usage des pièces et des billets est tombé si bas que bientôt l’inconvénient d’une telle mesure sera acceptable. Pour ceux en tout cas qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. 

Les transformations invisibles

Sont aussi à observer, si l’on veut essayer de discerner la force des choses et sa direction, ce que le philosophe et sinologue François Jullien appelle « les transformations silencieuses » (1). Ce sont des changements si lents, si subtils, qu’ils échappent à notre regard. Comme il l’écrit: « Grandir - nous ne voyons pas grandir: les arbres, les enfants. Seulement, un jour, quand on les revoit, on est surpris de ce que le tronc est devenu déjà si massif ou de ce que l’enfant désormais nous vient à l’épaule.» Je vous propose un exercice: regardez autour de vous et, avec la référence de votre mémoire, ouvrez vos sens. Qu’est-ce qui, insensiblement s’est transformé, autour de vous, au cours de ces dernières années ? N’hésitez pas à être d’abord au plus près de vos perceptions et à comparer à vos souvenirs les couleurs, les odeurs, les sons, les volumes… Quelle direction, quelles mutations possibles cela suggère-t-il ?

Quand il s’agit de faire évoluer des opinions qui, prises à froid, bloqueraient la réalisation de leurs desseins, les tacticiens savent induire un genre de transformations discrètes. La première chose pour y parvenir est de se donner le temps, donc de s’y prendre bien en amont. Ensuite, il convient de ne pas rechercher au début une décision formelle et de se contenter d’une succession de modestes « pourquoi pas ? », parfois même tacites. Le temps aidant, le simple fait qu’un sujet devienne familier allège les inquiétudes et crée en sa faveur une pente imperceptible.

Le cheval de Troie

Evoquer plus haut une chevauchée m’a fait penser au récit du cheval de Troie dans l’Odyssée. C’est une autre manière, pour un changement, d’être invité par ceux-là même qui n’en voudraient pas. Les crédules Troyens ont ouvert les portes de la cité  à ce cheval apparu miraculeusement sur une plage alors que leurs ennemis avaient disparu. Ce faisant, ils ont introduit ceux-ci, qui étaient cachés à l’intérieur, dans la cité. Nombre d’engouements de notre époque me paraissent susceptibles d’être des chevaux de Troie. Je vous laisse y penser et si vous avez envie de partager vos hypothèses en commentaire, vous serez les bienvenus. 

Les incohérences apparentes

Il y aurait bien d’autres choses à dire. Le sujet me passionne car il rejoint l’exercice mental de la prospective, cette « indiscipline intellectuelle » (3) qui donne son nom à mon blog, mais j’en terminerai par les incohérences apparentes. L’incohérence n’existe pas. La série « Dr House » par exemple, montre que l’incohérence des symptômes n’est que la manifestation d’un diagnostic mal posé. Même la folie a sa cohérence. L'incohérence que nous percevons ne peut être que la manifestation d’une cohérence située à un niveau qui nous échappe. Ne pas se poser de questions devant l'incohérence, ou lui trouver des réponses trop faciles, est dangereux. Qui peut savoir ce que la cohérence qui nous échappe est en train d’engendrer ? 


(1) François Jullien, Les transformations silencieuses, Grasset, 2009. 

(2) L’expression est de Michel Godet. 

(Suite et fin au prochain épisode)