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22/03/2021

Eloge de l'exercice complotiste (7/7): La plus belle ruse du diable

 

7. La plus belle ruse du diable

 

Il y a quelques jours, YouTube a clôturé unilatéralement la chaîne de France Soir qui comptait 270 000 abonnés. Auparavant, depuis l’irruption du covid, nombre de scientifiques ou de lanceurs d’alerte en désaccord avec les thèses et mesures sanitaires retenues par le Gouvernement ont déjà vu, sur cette plateforme ou sur d’autres, leurs publications censurées. Serait-ce que YouTube, Facebook et Twitter ont une équipe de savants d’un niveau tel qu’elle soit à même de se mêler d’un débat scientifique ? Je ne parlerai même pas des gardiens autoproclamés de la vérité qui répandent impunément des mensonges sur les uns ou les autres du moment qu'ils critiquent la gestion de la prétendue crise sanitaire, comme cette minuscule officine que je préfère ne pas citer qui dénigre bassement Alessandra Henrion-Caude. Or Mme Henrion-Caude est une généticienne qui a au moins d’aussi bonnes garanties de compétence que le vedettariat médical des plateaux de télévision. Mais il y a pire en matière de désinformation. Comment a-t-on pu porter aussi loin le mensonge que l'étude, bidonnée à grands frais, que The Lancet a publiée, à laquelle fut donné le plus d’écho possible et sur laquelle l'OMS et notre Gouvernement s'appuieront pour interdire le traitement précoce du Covid à l'hydroxychloroquine ? Cette même étude qui sera dénoncée non par les médias de masse, qui semblent ne plus avoir de journalistes d'investigation, mais par des lanceurs d'alerte - de France Soir par exemple - et que The Lancet, piteusement, retirera quelques jours plus tard ?  


Depuis que le coronavirus squatte les plateaux de télévision, force est de constater que la censure et les fatwas pseudo-scientifiques sont devenues banales. Je rappelle, par exemple, que pour un différend scientifique Didier Raoult a été menacé de mort par un de ses "confrères" de Nantes. Par comparaison, le procès de Galilée sera bientôt du pipi d’opérette. Or, le fait même que la pratique du mensonge, des insultes et de la censure soit devenue banale devrait induire tout citoyen quelque peu éveillé, s’il ne l’a déjà fait, à remettre en question sa représentation du monde. Nous ne sommes plus dans le monde que nous croyions. Il faut le dire et le redire: que le droit d’expression et a fortiori le débat scientifique soient entravés constitue un changement radical de société dont les conséquences potentielles sont considérables. Bien sûr, tout le monde n’est pas censuré et on a de ce fait un paysage en trompe-l’oeil. Il faut atteindre un certain nombre de followers, donc une notoriété menaçante, pour se retrouver sous surveillance. J’imagine que les censeurs adoptent la règle des 20/80: s’en prendre aux 20% des divergents qui font 80% de l'audience. Les 80% à faible audience qu’on laisse à peu près tranquilles - comme moi - servent ainsi à entretenir l’illusion du maintien de la liberté d’expression.


La science n’avance pas grâce aux conformistes. Elle avance grâce à une remise en question permanente, c’est-à-dire grâce aux voix discordantes qui, à leurs risques et périls, s’en prennent aux dogmes et à leur clergé. Les citoyens, quant à eux, que l'on juge suffisamment intelligents pour avoir encore le droit de vote, se forgent leurs idées dans la confrontation et l’échange. Il leur appartient de décider de la société dans laquelle ils veulent vivre et notamment des risques qu’ils sont prêts à prendre et de ceux qu’ils préfèrent écarter. Selon la métaphore de Platon, en démocratie le peuple est l'armateur du navire et décide de sa destination, le capitaine est responsable de la route à prendre pour y parvenir. Les citoyens peuvent se tromper ? Etre libre, c’est avoir ce droit et, oserai-je ajouter, il vaut mieux être victime de ses propres erreurs que de celles des autres. Sans une libre-circulation des opinions dans leur diversité, les mensonges ont un boulevard devant eux, et il n’y a pas de démocratie possible.

 

Quels sont les critères, les compétences et les ressorts des dirigeants des « réseaux sociaux » et de certains groupuscules fanatiques pour décider de ce que nous avons le droit de savoir ? Les plateformes qui censurent invoquent les « règles de la communauté ». C'est une terminologie mensongère. Elles ne constituent en rien une communauté. Elles ne sont pas des organismes coopératifs dont les usagers seraient en même temps les membres. Sinon, ceux-ci devraient être consultés et débattre entre eux avant que l’on décide que telle opinion ou telle autre doit être censurée. En vérité, ces plateformes ne sont rien d'autre que des terrains privés sur lesquels on nous concède la possibilité de planter notre tente en échange de tout ce que l’on pourra apprendre sur nous. Alors, quels sont les critères d’éviction ? Comme dans tous les romans policiers, il faut chercher à qui le crime profite. 

 

En ce qui concerne ce qui a trait au covid, j’observe d’abord une forme de complicité avec les marchands de vaccin, car les règles de la prétendue « communauté » vont systématiquement à l’encontre des propositions de traitement précoce et menacent toute critique de la vaccination - en l’occurrence, avec celui de Pfizer notamment, d'une thérapie génique qui ne dit pas son nom. Je n’exclue pas une connivence politique car les genres peuvent être mêlés, mais quel peut être l’intérêt de YouTube ou de Facebook à complaire au gouvernement français ? J’y reviendrai, mais, pour le moment restons sur le terrain d’une forme de solidarité entre des géants de l’économie mondialisée. Quelle peut être la nature de cette complicité ? Plusieurs hypothèses sont envisageables. Je vous laisse soupeser dans quelles proportions elles peuvent justifier une telle pratique de la censure. 

 

La première qui vient à l’esprit est celle des liens d’intérêt. Mais en quoi les GAFAM auraient-ils besoin de l’argent ou des influences de BigPharma ? Une autre hypothèse serait celle d’une solidarité de classe: entre membres de la ploutocratie mondiale, on ne se refuse pas quelques services, un jour ou l’autre un retour d’ascenseur peut être le bienvenu. Personnellement, ces deux premières hypothèses - qui peuvent se combiner - n’emportent pas vraiment mon adhésion. Elles ne me semblent pas se suffire à elles-mêmes. Pourquoi les GAFAM soutiendraient-ils une politique médicale davantage qu’une autre ? Parce que le modèle économique qui consiste à évacuer les vieux produits sans rendement financier au profit de nouveaux produits à grosse marge relève d’une même école de gestion devenue une école de pensée, une idéologie ?

 

Et la dimension politique ? Le soutien apporté aux gouvernements est-il seulement justifié par les mesures sanitaires qu’ils promeuvent, ou cela va-t-il plus loin ? A-t-on l’explication de la clôture du compte de France Soir sur YouTube après l’interview d’un humoriste ? 270 000 abonnés floués en appuyant sur un bouton ! Invoquera-t-on, s’agissant de Bigard, la protection des populations contre des propos scientifiques dangereux ? Ou bien s’agit-il de protéger des politiciens ? Mais pourquoi, à moins qu'il s'agisse d'hommes-liges que les grandes compagnies ont infiltrés au sein de la puissance publique ?

 

Il reste une hypothèse - et si vous en avez d’autres à partager, elles seront les bienvenues - c’est celle non plus d'une complicité mais d’une solidarité fondée sur une idéologie commune, sur la représentation partagée d’une « Terre promise » à atteindre et de la « gouvernance » (que j’ai évoquée précédemment) à mettre en place pour y parvenir.


Peut-être avez-vous du monde une représentation plus simple que la mienne. J’avoue que, pour moi, les évènements que nous avons sous les yeux depuis un an n’ont pas un sens évident et que les discours officiels ne parviennent pas à emporter ma conviction. Trop de contradictions, trop de flou, trop de mensonges aussi effrontés qu'avérés au fil des mois. Expliquer ce qui se passe au moyen de nos catégories habituelles laisse mon besoin de comprendre sur sa faim. Mais, bien sûr, si j’essaye de partager mes doutes et de trouver une interprétation plus cohérente et qui embrasse en même temps toutes les pièces du puzzle, on me jettera l’anathème du complotisme. Ce dont, autant vous le dire, je me tamponne le coquillart sur toutes les longueurs d’onde. On peut craindre les balles, je le comprends, mais se laisser arrêter par des invectives est battre trop facilement en retraite. 


Ceux que l’on accuse bêtement de complotisme peuvent produire des scénarios biaisés, excessifs. Dans un monde comme le nôtre, ils ont au moins le mérite de nous rappeler que la réalité est une construction de notre esprit et de proposer plusieurs façons d’interpréter les ombres qui défilent sur les parois de notre caverne. Ils nous invitent à renoncer à la passivité de l’esprit et à user des différents processus de notre intelligence pour construire et non recevoir notre représentation de la réalité. Je ne nie pas qu’il y ait des individus voire des groupes qui soient la proie d’un délire d’interprétation. Mais, comme l’a dit Clément Rosset: « il n’y a pas de délire d’interprétation puisque toute interprétation est un délire ». Entendez par là que, dès lors que l’on extrapole de ce que l’on voit, dès lors qu’à partir de cela on commence à élaborer un récit, on se retrouve, si rationnelles qu’elles puissent paraître, dans les constructions de notre imagination, dont chacun d'entre nous place les bornes en fonction de ce qu'il estime très subjectivement vraisemblable. Je rappelle que, pour une majorité de gens, il fallut attendre le retour des survivants pour que soit reconnue l’existence des camps de la mort dans toute leur horreur. Jusque là, celui qui affirmait cette existence passait au moins pour déraisonnable. Le plus difficile à penser pour la plupart des êtres humains est la capacité de malfaisance de certains de leurs congénères. Pour autant, face à l'opacité de certaines situations, vouloir savoir et vouloir comprendre, quels que soient les risques d'errement, est un besoin légitime de l’humain.

 

Nous ne sommes pas des enfants qu’il faut protéger de la pornographie. Penser par soi-même est essentiel. Avoir accès à l’information n’est pas négociable. Dans la mesure où elle n’appelle pas à la violence et respecte l’autre, je soutiens farouchement la liberté d’expression. La censure ne sert qu’à protéger le mensonge et les menteurs. Pourquoi ? Parce qu’avoir le pouvoir de l’exercer n’est pas corrélé avec la garantie de la sincérité. J’entends être maître de ce que je lis et des interprétations que je peux en tirer. J’entends rester libre de commettre des erreurs, et je préfère trébucher sur mon propre chemin que passer à toute allure dans un train que je n’ai pas choisi. 

 

La plus belle ruse du diable est de faire croire qu’il n’existe pas. 

 

02/03/2021

Eloge de l'exercice complotiste (3/7)


3. Le pouvoir du nom

 

Dans la Bible, Yahvé demande à Adam de nommer les créatures qui l’entourent. Le pouvoir est du côté de celui qui nomme. Ne dit-on pas d’ailleurs « nommer à un poste » ? Bien que leur production tourne autour de la suspicion de projets ou d’agissements cachés, les complotistes ne se sont pas nommés ainsi eux-mêmes. Ce sont ceux qui, en face, s’attribuent la défense de la vérité qui les ont baptisés. La stratégie, bien rodée dans d’autres domaines, consiste, après avoir forgé le concept d’une forme de dérive psychologique au mieux risible, au pire haïssable, et de lui avoir attribué un nom comme on nomme une maladie - en l’occurrence complotisme ou conspirationnisme - à affubler systématiquement la cible de l’épithète correspondante. Il suffira de prononcer ces adjectifs devenus des anathèmes pour que le bon public qui ne va pas chercher midi à quatorze heures passe son chemin. Dans le film de Richard Donner, justement intitulé « Complots », un chauffeur de taxi, Jerry Fletcher, personnage incarné par Mel Gibson, est une caricature de complotiste. Il a des des accès de frénésie. Il collectionne de manière obsessionnelle des signes disparates qu’il colle sur les murs de son appartement et qu’il essaye de relier pour en faire émerger une trame cachée. Il est pathétique, émouvant, parfois il fait rire, mais on ne peut pas le prendre au sérieux. 

 

Pour suivre depuis un an sur les réseaux sociaux les échauffourées plus ou moins intellectuelles dont la crise sanitaire a procuré l’occasion, je dirai que, très souvent, désigner quelqu’un comme complotiste revient à accuser son chien de la rage afin de pouvoir, sans embarras, en toute légitimité et sans explication, le faire passer de vie à trépas. Les épithètes infamantes sont une manière de discréditer les gens dont, avant toute discussion, on veut étouffer la voix et faire des fous plus ou moins contagieux. Combien de fois, comme j’avais partagé un article sur Facebook, ai-je eu immédiatement des commentaires du genre: « C’est un média complotiste », alors même que ce qui était repris par ce média provenait tel quel d’une première source, celle-là peu suspecte. L’adjectif « controversé » fait aussi partie des projectiles utilisés pour susciter chez le bon public des réflexes de rejet sans examen préalable. Pavlov sourirait dans sa barbe. Comme je l’ai maintes fois constaté, cette protection des âmes crédules va jusqu’à la censure. A moins d’avoir une singulière vision de la démocratie - j’aurai l’occasion d’aborder ce point dans ma prochaine chronique - c’est une expérience singulière.

 

Naguère, sous certains régimes politiques, on aurait mis les complotistes à l’asile où, s’ils n’entraient pas déments, ils avaient toute chance de le devenir. Aujourd’hui, avec cette étiquette, on s’efforce de créer autour d’eux un cordon sanitaire. N’approchez pas, braves gens, ne regardez même pas et retenez votre respiration, vous pourriez être contaminés ! Il y a un parallèle amusant entre la manière dont on traite actuellement les voix discordantes et celle dont on traite le covid: mettre des distances, masquer, confiner, ne pas administrer de médicaments mais s’isoler chez soi - ne pas discuter - et accepter le symbole de la vérité officielle: le vaccin. 

 

Pour en rester au plan du vocabulaire, selon les spécialistes, quand on ne peut voir le gibier on doit l’identifier à son cri. En consultant un site de chasse aux fake news, j’ai appris que le croassement du complotiste comporte des « marqueurs ». Il s’agit de termes comme « réinformer », « narration » et « version officielle ». Le complotiste, qui a déjà l’outrecuidance de juger de la véracité des informations, entend au surplus les corriger, les compléter ou les confronter à d’autres. L’utilisation spécifique du mot « narration » implique que l’autre ne décrit pas la réalité telle qu’elle est mais la raconte à sa manière qui est critiquable. De même parler de « version », notion presque identique, sous-entend qu’il y aurait plusieurs façons de conter les choses, donc qu’il y en a des fausses. Enfin, ajouter l’adjectif « officielle » sous-entend que celle-ci est - on pourrait écrire « par principe » - sujet à caution. Ces mots sont peut-être des marqueurs, mais où donc est le scandale ? N’y a-t-il jamais eu dans l’histoire, même récente, des mensonges et des coups bas ? Ne dit-on pas, sans être accusé de complotisme, qu’un suspect a donné « sa version des faits » ? Si l’on peut accuser systématiquement les complotistes de gonfler des baudruches, serait-ce parce que les arrangements avec la vérité n’existent que dans les romans et que le théâtre du commerce et de la politique n’a pas de coulisses ? 


A propos, j’ai évoqué plus haut le fantasque Jerry Fletcher, héros du film « Complots ». Au cours de l’histoire, on finira par découvrir qu’il n’était pas à l’origine aussi fou que cela mais qu’il a servi de cobaye dans un vaste projet de la CIA sur les différents moyens de manipuler l’esprit. Bien sûr, c’est du cinéma. Encore que ce projet développé par la CIA à partir des années 50 et nommé MK-Ultra a bel et bien existé et n’a pas utilisé que des cobayes volontaires. Il a fait beaucoup fantasmer et continue de le faire, mais ce que l’on en sait de certain suffit à dire que la réalité dépasse la fiction. 

 

Si l’on tente une analyse bénéfices / risques, questionner les informations, les mettre à l’épreuve du raisonnement, considérer que - comme en science - le doute est sain, me semble moins dommageable pour la démocratie qu’accepter la vérité qui sort bien habillée des ministères et recourir à la censure pour éviter que les brebis innocentes s’égarent.

* https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_MK-Ultra 


(Prochain épisode: Les vertus démocratiques de la manipulation)

22/11/2020

La liberté d’inexpression

 

 

Nous vivons dans un pays où les élites saluent l’érection d’un plug anal géant place Vendôme, où la défense de la liberté d’expression prend pour symbole des dessins qui relèvent d’une grosse blague salace, mais où toute remise en question de la politique sanitaire mobilise contre elle, urbi et orbi, une multitude de ministres de la vérité et engendre des lois scélérates. Lorsqu’il y a quelques semaines j’ai eu l’envie de lire l’essai d’Anne-Sophie Chazaud au titre excellent: La liberté d’inexpression, c’était pour explorer un phénomène dont j’avais eu quelques aperçus ici et là, mais je ne pensais pas que l’actualité viendrait l’illustrer à ce point.


Le leurre de la transgression

 

Historienne de l’art, Christine Sourgins dit que l’art contemporain exploite la transgression mais n’est sûrement pas un art de la subversion. C’est une distinction fondamentale et c’est bien pourquoi, à mon sens, l’AC est encouragé alors qu’un documentaire comme Hold up est diabolisé sur toutes les longueurs d’onde par une classe sociale qu’assiste sa nuée de valets. On aurait aimé d’aussi vives contestations autour de l’oeuvre aussi grossière que stupide de Paul McCarthy ou du « Vagin de la Reine » d’Anish Kapoor. Mais, au fond, jouer à touche-pipi n’est politiquement pas dérangeant. On se fait de délicieuses frayeurs devant des audaces pornographiques ou scatologiques sans que l’ordre du monde en soit affecté. La politique suit le même modèle que l’art contemporain. On l’a bien perçu au cours de ces dernières années alors que la machine législative et règlementaire était plus généreuse d’audaces sociétales que d’ambitions sociales et économiques. Le « mariage pour tous » ou la « PMA pour toutes », qu’il ne s’agit pas de critiquer ici, en affirmant remédier à des inégalités dissimulent une politique qui ne fait qu’en accroître d’autres de manière vertigineuse. Il s’agit de celles qui résultent du détournement constant et encouragé de la richesse du pays vers des poches déjà bien remplies. Je ne sais pas le nombre d’heureux que les réformes sociétales précitées auront faits ou feront, mais ce que je vois, c’est que la population des SDF a doublé en huit ans pour atteindre 300 mille personnes aujourd’hui, et que celle des pauvres en dix ans a grossi d’un million et demi de victimes pour dépasser bientôt les dix millions. Avec un phénomène que soulignent les organisations humanitaires: même avec un emploi salarié, on peut désormais se retrouver dans ces statistiques, dans la nouvelle rubrique des « travailleurs pauvres ». En même temps, nous comptons en France des milliardaires de plus en plus nombreux, qui eux-mêmes au fil des années sont de plus en plus riches. On pourrait mettre sur le même plan du leurre l’obsession cultivée de l’esclavage des siècles passés, qui va jusqu’à déboulonner la statue d’un abolitionniste, alors que, grâce à nos modes de vie, l’esclavage, qui n’a jamais été aussi prospère qu’aujourd’hui, n’est pas remis sérieusement en question (1). Des musées pour le passé, oui; des mesures pour le présent, non.

 


Avant, on disait: « Tu exagères », ce qui pouvait être discuté. Maintenant, on assène: « Tu es complotiste »

 

Il fut un temps, dans les années 70, où évoquer la guerre des classes attirait des regards entendus et des haussements d’épaules. A l’époque, l’anathème « complotisme » n’ayant pas encore été inventé, l’on évoquait une vision « arriérée » de l’économie et de la politique. Il aura fallu que le multimilliardaire Warren Buffet mette les pieds dans le plat pour que l’expression ne suscite plus des émois de basse-court. Pour penser, nous avons besoin de nommer les choses car, dès lors que nous ne pouvons pas les nommer, nous ne pouvons plus nous colleter avec elles. Comment voulez-vous comprendre l’évolution du monde au cours de ces dernières décennies si l’on supprime de nos outils intellectuels la notion de lutte des classes ? Allez-vous refaire le travail de Karl Marx ? Vous avez là un exemple de censure parmi d’autres: celle qui ostracise des concepts pour entraver la réflexion. Seulement, si, comme l’affirme Buffet, cette guerre des classes existe bel et bien, et si, comme il le revendique, elle est menée par la sienne, celle des plus que riches, comment peut-on s’offusquer qu’en face l’on puisse supputer un complot, celui d’une ploutocratie pour accroître sa richesse et asseoir son pouvoir contre le reste de l’humanité ? Les audaces transgressives de l’art contemporain sont à la subversion ce que les caricatures de Charlie Hebdo sont à la liberté d’expression et les réformes sociétales précitées à une politique économique et sociale: un cache-sexe. En revanche, le film Hold up est subversif. C’est pourquoi il a déclenché contre lui un tel tir de barrage. Sonder les intentions de nos politiques, parce que l’on a de plus en plus de mal à comprendre ou à accepter ce qu’ils veulent faire de nous, est désormais passible de la Grande Inquisition. Avant, on disait: « Tu exagères », ce qui pouvait être discuté. Maintenant, on assène: « Tu es complotiste ». Vous sentez la nuance ?

 


Les nouveaux atours d’Anastasie

 

Dans son investigation des formes nouvelles de la censure, Anne-Sophie Chazaud (2) nous montre qu’elle s’est éloignée de l’image d’Epinal que nous en avons, au point que nous pourrions ne pas la reconnaître. La censure ne s’affiche plus comme l’exercice d’un pouvoir impérial qui décrète officiellement des interdits. Certes, la tentation d’une intervention brutale existe encore, comme l’a montré cette députée qui, sur CNEWS, exigeait rien de moins que « l’éradication » du film Hold up. En vérité, la nouvelle censure est beaucoup plus subtile que cette dame. Elle utilise des moyens qui permettent à l’Etat de montrer des mains toujours propres. Elle consiste en un processus aux ramifications, aux acteurs, aux marionnettes et aux ficelles multiples. Pour en comprendre le fonctionnement, il convient d’inventorier les éléments en apparence épars qui, invisiblement associés, contribuent à instaurer le droit de ne plus rien dire et celui de ne pas penser. Ici, c’est une conférence retirée sous la menace d’une minorité. Là, c’est la représentation d’une pièce d’Eschyle empêchée par une autre. C’est, dans une université, ce lieu traditionnel du débat, la suppression d’un colloque. C’est, sur les « réseaux sociaux », les posts supprimés, le harcèlement des trolls, les comptes suspendus, les algorithmes qui surclassent ou déclassent mystérieusement certaines informations. Mais, surtout, face aux attaques, c’est la lâcheté incurable des autorités défiées qui ont perdu le sens de leur légitimité et ne sont plus que les courtisanes de la moindre menace. Le fin du fin de la censure d’aujourd’hui est que la peur de quelques-uns aboutisse à l’autocensure permanente de tous.

 


L’entretien des zones aveugles

 

Parmi les piliers les plus visibles de la censure, il y a l’unanimité des grands médias dont on sait qu’ils sont la propriété d’une poignée de fortunes proches du pouvoir politique. En dépit de leurs apparentes différences, ils diffusent les éléments d’une même représentation du monde. Une telle unisson pourrait être suspecte, malheureusement elle conforte le conformisme. A quelques détails près, ces médias donnent ainsi l’impression de rendre compte de la vérité. Par exemple, quand on évoque la diversité éditoriale, on peut s’interroger sur le rejet unanime de Donald Trump qui a pourtant fait moins de guerres que ses prédécesseurs, le soutien sans faille au confinement et aux masques, le refus d'autres sons de cloche que ceux provenant de BigPharma, l'absence d’un regard critique sur la mondialisation ou sur la légitimité de la Commission européenne. A-t-on pu lire dans leurs colonnes, ou entendre au vingt heures, les analyses pourtant parfaitement documentées et rigoureuses d’un François Asselineau ? Les sujets que les grands médias choisissent d’évoquer, fût-ce sous des apparences de débat, ne sont que l’entretien méticuleux de zones aveugles. Ils proposent de voir les quelques arbres qui cachent la forêt. On peut être en désaccord avec ce qui est montré, mais comment savoir ce qui ne l’est pas ?

 


Le mensonge est la vérité

 

Evoquer les médias, c’est évoquer le rôle de leurs décodeurs, débunkeurs, conspiracywatchers et autres chiens de garde. Leur existence partait peut-être d’une bonne intention mais elle a pris peu à peu l’allure d’une police de la pensée. Voici quelques exemples de leurs exploits. En juin 2020, l’Agence France Presse fait l’éloge du Remdésivir de Gilead, éloge littéralement copié-collé par toute la presse et repris aux journaux télévisés. France Soir émet des doutes et c’est une levée de boucliers contre le quotidien, traité évidemment, avec ceux qui le lisent, de complotiste. Ces jours derniers, l’OMS a finalement déconseillé l’usage de cette substance, reconnue inefficace contre le COVID et toxique pour les reins. Le 22 mai, dans l’heure qui suit la parution dans The Lancet de l’étude frauduleuse contre l’hydroxychloroquine, le même France Soir relève des anomalies suffisantes pour qu’on ne la prenne pas au sérieux. L’AFP, qui se fait le chantre de ce canular, tire alors à boulets rouges contre le quotidien. On connaît la suite: quelques jours plus tard The Lancet retire la publication. Le 16 novembre, Le Monde "débunke" ce qu’il appelle "l'intox du Rivotril". Le Rivotril est un médicament dont un décret prescrit l’administration aux pensionnaires des EHPAD soupçonnés d’avoir contracté le covid et qu’à ce titre on refuse d’hospitaliser. Or, c’est une substance que l’on peut utiliser pour faciliter le passage de vie à trépas. Sous peine d'être taxé de "complotisme", on doit croire que la politique du Gouvernement n'a aucunement entraîné des euthanasies. Le 18 novembre, France Info diffuse une enquête de terrain auprès d’aides-soignants bouleversés par ce dont ils ont été les témoins directs, qui prouve le contraire.

On est rassuré que la vérité finisse par se faire entendre. Mais on s’inquiète aussi du nombre de personnes qui auront eu accès à ces informations.

 

 

Diabolisation des uns, angélisation des autres

 

Je trouve, personnellement, qu’il y a dans notre pays un plus grand enjeu que celui des caricatures. Il y a la menace d’une réécriture, en général grotesque et biaisée, de notre histoire, qui autorise que l’on déboulonne des statues, débaptise des lieux publics et enseigne n'importe quoi pourvu que ce soit à charge pour notre pays. C’est une nouvelle forme de tribunal populaire régi par l’arbitraire et le fanatisme.

 

Le processus est simple: à partir d’un élément, on diabolise une histoire, une pensée ou une personne. C’est la « cancel culture », la culture de l’annulation. Or, vous imaginez-vous ce que serait un monde où l’on ne retiendrait de vous que ce que vous avez fait de mal ? C’est pourtant ainsi que l’on traite la France. Napoléon, par exemple, ne nous a-t-il laissé que le rétablissement de l’esclavage ? N’a-t-il pas aussi refondé nos institutions ? S’agissant toujours de notre histoire, on aurait bien aimé que des débunkeurs zélés signalent une inexactitude flagrante du film Dunkerque: l’absence des armées françaises dans le champ de la caméra, alors qu’en accumulant les morts et les blessés elles s’employaient à retarder l’armée allemande afin que le rembarquement soit possible. Or, de cette projection, on ressort avec le sentiment que les Britanniques étaient les victimes stoïques de nos ancêtres fuyards. On aurait bien aimé que des débunkeurs signalent aussi que le personnage qui a inspiré « Le dernier Samouraï » n’était pas un anglo-saxon mais un Français: le général Jules Brunet. Sujet secondaire sans doute pour eux que le respect dû à notre histoire. Les a probablement davantage enthousiasmés le coup de coeur du jury de la FNAC pour une photo représentant un jeune homme qui se torche les fesses avec notre drapeau. En revanche, quand il s’agit de sauver l’honneur, le mystère et les desseins des maîtres du monde, ils accourent ventre-à-terre. « Maîtres du monde ? Quelle expression tendancieuse ! » Dites-moi: comment appelleriez-vous la classe qui détient tant de richesses et de pouvoir dont l'accroissement, au surplus, est constant ?

 

S’agissant des populations qui se cherchent une identité ou un fonds de commerce dans la victimisation, la logique est inversée par la bien-pensance: rien ne doit entacher leur pureté. C’est ainsi que Christiane Taubira refusait que l’on rappelle à nos francophobes que leurs ancêtres ont pratiqué l’esclavage intensif des Noirs - et des Blancs - bien avant et plus longtemps que les Européens. Les croisés - c’est ainsi que l’on nous appelle dans certaines cités - ont combattu les armées de l’Islam. Mais n’étaient-ce point ces dernières qui, quelques siècles auparavant avaient envahi l’ancien empire romain et fermé les voies du pèlerinage à Jérusalem ? Au nom de quelle logique notre histoire devrait-elle se résumer à des culpabilités fallacieuses, et celle de nos contempteurs rester protégée derrière des mensonges ?

 

Diabolisation des uns, angélisation des autres: nous avons là un autre des stratagèmes de la nouvelle censure: celui qui consiste à enclore tout conflit dans une binarité extrême, caricaturale. On le retrouve dans le traitement du film Hold up: il ne peut y avoir que des gens sérieux d’un côté, les contempteurs du film, et des complotistes - c’est-à-dire des farfelus ou des pervers - de l’autre. Mais vouloir figer les choses ainsi et, en passant, nier qu’il y ait des propos et des décisions qui posent question, des questions qui parce qu’elles sont sans réponse crédible ne peuvent qu’inviter à se questionner encore davantage, n’est-ce pas refuser un effort de vérité et rendre encore plus suspectes les thèses officielles ?

 


Avons-nous besoin d’un mentor qui nous dise ce que nous sommes autorisés à voir, à penser, les questions que nous avons le droit de nous poser ?

 

Notre défi véritable, aujourd’hui, à cette croisée des chemins où nous hésitons encore, est de reprendre le monde à ceux qui nous le volent. Comment vole-t-on le monde de quelqu’un ? Comme on l’a vu, en l’empêchant de le penser, parfois sous le prétexte de le protéger. C’est ainsi que la préservation des enfants, des vieillards et des faibles d’esprit se fait censure douceureuse. A mon âge et avec mon expérience, ai-je besoin d’un mentor qui me dise ce que je suis autorisé à voir, à penser, les questions que j’ai le droit de me poser ?

 

 

(1) http://www.cadtm.org/L-esclavage-n-a-jamais-ete-aussi-mod...

(2) Je précise que cette chronique n’est aucunement une recension de son livre.