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22/03/2021

Eloge de l'exercice complotiste (7/7): La plus belle ruse du diable

 

7. La plus belle ruse du diable

 

Il y a quelques jours, YouTube a clôturé unilatéralement la chaîne de France Soir qui comptait 270 000 abonnés. Auparavant, depuis l’irruption du covid, nombre de scientifiques ou de lanceurs d’alerte en désaccord avec les thèses et mesures sanitaires retenues par le Gouvernement ont déjà vu, sur cette plateforme ou sur d’autres, leurs publications censurées. Serait-ce que YouTube, Facebook et Twitter ont une équipe de savants d’un niveau tel qu’elle soit à même de se mêler d’un débat scientifique ? Je ne parlerai même pas des gardiens autoproclamés de la vérité qui répandent impunément des mensonges sur les uns ou les autres du moment qu'ils critiquent la gestion de la prétendue crise sanitaire, comme cette minuscule officine que je préfère ne pas citer qui dénigre bassement Alessandra Henrion-Caude. Or Mme Henrion-Caude est une généticienne qui a au moins d’aussi bonnes garanties de compétence que le vedettariat médical des plateaux de télévision. Mais il y a pire en matière de désinformation. Comment a-t-on pu porter aussi loin le mensonge que l'étude, bidonnée à grands frais, que The Lancet a publiée, à laquelle fut donné le plus d’écho possible et sur laquelle l'OMS et notre Gouvernement s'appuieront pour interdire le traitement précoce du Covid à l'hydroxychloroquine ? Cette même étude qui sera dénoncée non par les médias de masse, qui semblent ne plus avoir de journalistes d'investigation, mais par des lanceurs d'alerte - de France Soir par exemple - et que The Lancet, piteusement, retirera quelques jours plus tard ?  


Depuis que le coronavirus squatte les plateaux de télévision, force est de constater que la censure et les fatwas pseudo-scientifiques sont devenues banales. Je rappelle, par exemple, que pour un différend scientifique Didier Raoult a été menacé de mort par un de ses "confrères" de Nantes. Par comparaison, le procès de Galilée sera bientôt du pipi d’opérette. Or, le fait même que la pratique du mensonge, des insultes et de la censure soit devenue banale devrait induire tout citoyen quelque peu éveillé, s’il ne l’a déjà fait, à remettre en question sa représentation du monde. Nous ne sommes plus dans le monde que nous croyions. Il faut le dire et le redire: que le droit d’expression et a fortiori le débat scientifique soient entravés constitue un changement radical de société dont les conséquences potentielles sont considérables. Bien sûr, tout le monde n’est pas censuré et on a de ce fait un paysage en trompe-l’oeil. Il faut atteindre un certain nombre de followers, donc une notoriété menaçante, pour se retrouver sous surveillance. J’imagine que les censeurs adoptent la règle des 20/80: s’en prendre aux 20% des divergents qui font 80% de l'audience. Les 80% à faible audience qu’on laisse à peu près tranquilles - comme moi - servent ainsi à entretenir l’illusion du maintien de la liberté d’expression.


La science n’avance pas grâce aux conformistes. Elle avance grâce à une remise en question permanente, c’est-à-dire grâce aux voix discordantes qui, à leurs risques et périls, s’en prennent aux dogmes et à leur clergé. Les citoyens, quant à eux, que l'on juge suffisamment intelligents pour avoir encore le droit de vote, se forgent leurs idées dans la confrontation et l’échange. Il leur appartient de décider de la société dans laquelle ils veulent vivre et notamment des risques qu’ils sont prêts à prendre et de ceux qu’ils préfèrent écarter. Selon la métaphore de Platon, en démocratie le peuple est l'armateur du navire et décide de sa destination, le capitaine est responsable de la route à prendre pour y parvenir. Les citoyens peuvent se tromper ? Etre libre, c’est avoir ce droit et, oserai-je ajouter, il vaut mieux être victime de ses propres erreurs que de celles des autres. Sans une libre-circulation des opinions dans leur diversité, les mensonges ont un boulevard devant eux, et il n’y a pas de démocratie possible.

 

Quels sont les critères, les compétences et les ressorts des dirigeants des « réseaux sociaux » et de certains groupuscules fanatiques pour décider de ce que nous avons le droit de savoir ? Les plateformes qui censurent invoquent les « règles de la communauté ». C'est une terminologie mensongère. Elles ne constituent en rien une communauté. Elles ne sont pas des organismes coopératifs dont les usagers seraient en même temps les membres. Sinon, ceux-ci devraient être consultés et débattre entre eux avant que l’on décide que telle opinion ou telle autre doit être censurée. En vérité, ces plateformes ne sont rien d'autre que des terrains privés sur lesquels on nous concède la possibilité de planter notre tente en échange de tout ce que l’on pourra apprendre sur nous. Alors, quels sont les critères d’éviction ? Comme dans tous les romans policiers, il faut chercher à qui le crime profite. 

 

En ce qui concerne ce qui a trait au covid, j’observe d’abord une forme de complicité avec les marchands de vaccin, car les règles de la prétendue « communauté » vont systématiquement à l’encontre des propositions de traitement précoce et menacent toute critique de la vaccination - en l’occurrence, avec celui de Pfizer notamment, d'une thérapie génique qui ne dit pas son nom. Je n’exclue pas une connivence politique car les genres peuvent être mêlés, mais quel peut être l’intérêt de YouTube ou de Facebook à complaire au gouvernement français ? J’y reviendrai, mais, pour le moment restons sur le terrain d’une forme de solidarité entre des géants de l’économie mondialisée. Quelle peut être la nature de cette complicité ? Plusieurs hypothèses sont envisageables. Je vous laisse soupeser dans quelles proportions elles peuvent justifier une telle pratique de la censure. 

 

La première qui vient à l’esprit est celle des liens d’intérêt. Mais en quoi les GAFAM auraient-ils besoin de l’argent ou des influences de BigPharma ? Une autre hypothèse serait celle d’une solidarité de classe: entre membres de la ploutocratie mondiale, on ne se refuse pas quelques services, un jour ou l’autre un retour d’ascenseur peut être le bienvenu. Personnellement, ces deux premières hypothèses - qui peuvent se combiner - n’emportent pas vraiment mon adhésion. Elles ne me semblent pas se suffire à elles-mêmes. Pourquoi les GAFAM soutiendraient-ils une politique médicale davantage qu’une autre ? Parce que le modèle économique qui consiste à évacuer les vieux produits sans rendement financier au profit de nouveaux produits à grosse marge relève d’une même école de gestion devenue une école de pensée, une idéologie ?

 

Et la dimension politique ? Le soutien apporté aux gouvernements est-il seulement justifié par les mesures sanitaires qu’ils promeuvent, ou cela va-t-il plus loin ? A-t-on l’explication de la clôture du compte de France Soir sur YouTube après l’interview d’un humoriste ? 270 000 abonnés floués en appuyant sur un bouton ! Invoquera-t-on, s’agissant de Bigard, la protection des populations contre des propos scientifiques dangereux ? Ou bien s’agit-il de protéger des politiciens ? Mais pourquoi, à moins qu'il s'agisse d'hommes-liges que les grandes compagnies ont infiltrés au sein de la puissance publique ?

 

Il reste une hypothèse - et si vous en avez d’autres à partager, elles seront les bienvenues - c’est celle non plus d'une complicité mais d’une solidarité fondée sur une idéologie commune, sur la représentation partagée d’une « Terre promise » à atteindre et de la « gouvernance » (que j’ai évoquée précédemment) à mettre en place pour y parvenir.


Peut-être avez-vous du monde une représentation plus simple que la mienne. J’avoue que, pour moi, les évènements que nous avons sous les yeux depuis un an n’ont pas un sens évident et que les discours officiels ne parviennent pas à emporter ma conviction. Trop de contradictions, trop de flou, trop de mensonges aussi effrontés qu'avérés au fil des mois. Expliquer ce qui se passe au moyen de nos catégories habituelles laisse mon besoin de comprendre sur sa faim. Mais, bien sûr, si j’essaye de partager mes doutes et de trouver une interprétation plus cohérente et qui embrasse en même temps toutes les pièces du puzzle, on me jettera l’anathème du complotisme. Ce dont, autant vous le dire, je me tamponne le coquillart sur toutes les longueurs d’onde. On peut craindre les balles, je le comprends, mais se laisser arrêter par des invectives est battre trop facilement en retraite. 


Ceux que l’on accuse bêtement de complotisme peuvent produire des scénarios biaisés, excessifs. Dans un monde comme le nôtre, ils ont au moins le mérite de nous rappeler que la réalité est une construction de notre esprit et de proposer plusieurs façons d’interpréter les ombres qui défilent sur les parois de notre caverne. Ils nous invitent à renoncer à la passivité de l’esprit et à user des différents processus de notre intelligence pour construire et non recevoir notre représentation de la réalité. Je ne nie pas qu’il y ait des individus voire des groupes qui soient la proie d’un délire d’interprétation. Mais, comme l’a dit Clément Rosset: « il n’y a pas de délire d’interprétation puisque toute interprétation est un délire ». Entendez par là que, dès lors que l’on extrapole de ce que l’on voit, dès lors qu’à partir de cela on commence à élaborer un récit, on se retrouve, si rationnelles qu’elles puissent paraître, dans les constructions de notre imagination, dont chacun d'entre nous place les bornes en fonction de ce qu'il estime très subjectivement vraisemblable. Je rappelle que, pour une majorité de gens, il fallut attendre le retour des survivants pour que soit reconnue l’existence des camps de la mort dans toute leur horreur. Jusque là, celui qui affirmait cette existence passait au moins pour déraisonnable. Le plus difficile à penser pour la plupart des êtres humains est la capacité de malfaisance de certains de leurs congénères. Pour autant, face à l'opacité de certaines situations, vouloir savoir et vouloir comprendre, quels que soient les risques d'errement, est un besoin légitime de l’humain.

 

Nous ne sommes pas des enfants qu’il faut protéger de la pornographie. Penser par soi-même est essentiel. Avoir accès à l’information n’est pas négociable. Dans la mesure où elle n’appelle pas à la violence et respecte l’autre, je soutiens farouchement la liberté d’expression. La censure ne sert qu’à protéger le mensonge et les menteurs. Pourquoi ? Parce qu’avoir le pouvoir de l’exercer n’est pas corrélé avec la garantie de la sincérité. J’entends être maître de ce que je lis et des interprétations que je peux en tirer. J’entends rester libre de commettre des erreurs, et je préfère trébucher sur mon propre chemin que passer à toute allure dans un train que je n’ai pas choisi. 

 

La plus belle ruse du diable est de faire croire qu’il n’existe pas. 

 

17/12/2020

Les gardiens de la raison (1): La pieuvre 

 

 

 

Difficile de se représenter qu’un secteur d’activité puisse déployer une influence à la fois tentaculaire et capillaire, une sorte d’omniprésence active tant auprès des chefs d’état et des ministres que des médecins de ville, en passant par les bureaucraties de tous ordres, les médias grand public, les cercles savants, les associations sans but lucratif, sans oublier les réseaux sociaux où une nébuleuse de vibrions exécute pour lui une chasse aux sorcières zélée. J’emprunte le titre de cette chronique - Les gardiens de la raison - au livre de Stéphane Foucart, Stéphane Horel et Sylvain Laurens*. Le premier mérite des auteurs est d’y démontrer que non seulement l’emprise que je viens d’évoquer est possible mais que c’est ce à quoi nous sommes actuellement confrontés, et de faire comprendre comment, à notre insu, une stratégie de contamination opiniâtre des esprits, conduite de longue main, lui a permis d’advenir. 

 

 

On se souviendra que, dans les années 30 du siècle dernier, Edward Bernays, auteur de « Propaganda, Comment manipuler l'opinion en démocratie », a réussi l’exploit de doubler le marché du tabac en convainquant les Américaines de fumer. Le génie de Bernays, qui était un neveu de Freud, fut de comprendre que l’on peut s’appuyer sur la psychanalyse pour déceler les réactions potentielles des gens et, en les actualisant, les mettre au service du marketing. En l’occurrence, fumer pouvait constituer pour les femmes une revanche symbolique sur la dictature masculine. Bernays ajusta le message qui conférait à la tabagie féminine assez de transgression pour porter cet enjeu symbolique, mais sans en faire un acte trop hardi, qui n’aurait pu être largement adopté, ou une provocation excessive qu’une réaction sociale aurait brutalement balayée. Jouant du billard à trois bandes, du même coup, il embarquait dans cette croisade les hommes qui se voulaient progressistes et n’avaient guère d’autres choix que souscrire - fût-ce à leur corps défendant - à sa propagande, faute de quoi l’image qu’ils voulaient donner d’eux-mêmes eût pâti. Depuis lors, les techniques de manipulation à des fins commerciales - ou idéologiques - n’ont cessé de se sophistiquer. Cependant, les gens n’étant pas tous aveugles, leurs avancées ne tardèrent pas à susciter des dénonciations et des résistances. Parmi les pionniers, il me revient le nom de Vance Packard, auteur de « La persuasion clandestine » (1957) qui alertait les consommateurs sur la manière dont, à leur insu, les firmes cherchaient à les téléguider. 

 

 

Le tabac est un exemple intéressant. Les publicités que ma génération a connues montrent moins le plaisir de fumer qu’une mise en scène où la cigarette est associée à une situation, à des personnages symboliques. Mais, largement consommé, il devint à force envisageable que le tabac avait un lien avec certaines pathologies. Ce lien finit par être établi de manière indubitable: d’abord pour ce qui était de la santé des fumeurs eux-mêmes puis, plus malaisément, de celle de leur entourage: les fumeurs dits passifs. L’industrie fit feu de tout bois pour contester et retarder un tel verdict, en en appelant évidemment à la science. Bien que maintenant sévèrement encadrée, la tabagie continue sa carrière de tueuse (75000 décès par an rien qu’en France). Pour autant, s’agissant des productions industrielles dans leur ensemble, on peut affirmer qu’aujourd’hui toutes sont plus ou moins scrutées, suspectées et éventuellement dénoncées, qu’il s’agisse des bonbons où l’on trouve parfois des substances bizarres, des aliments industriels qui contribuent aux maladies de civilisation, des produits phytosanitaires retrouvés dans l’urine des riverains de certaines exploitations agricoles, et même de médicaments dont il faut bien reconnaître qu’il leur arrive de tuer. A cela s’est progressivement ajoutée l’évaluation sociale, éthique et écologique des processus de production : les conditions de travail, les atteintes à l’environnement et à la biodiversité ainsi qu’aux territoires, à la santé et aux moyens de vie des communautés locales qu’ils impactent. Tout imparfaites qu’on puisse juger ces avancées, notamment en raison des atermoiements du législateur, elles vont pour nous dans la bonne direction. Or, tout à l’inverse, les néo-libéraux les considèrent comme des contraintes qui entravent leur légitime « liberté de manoeuvre ». 

 

Cette montée des consciences, des méfiances, des surveillances et des règlementations a rencontré un mouvement inverse: celui de la reprise en mains, par les détenteurs de capitaux, des grandes firmes industrielles. Après avoir été ébranlés par les progrès sociaux des années 70, par le développement des thèses sur l’entreprise citoyenne ou participative, par les attentes renouvelées d’une meilleure répartition de la valeur ajoutée et d’un management plus ouvert - attentes que relayaient les législateurs d’Etats encore démocratiques - les capitalistes ont réagi. Le plein-emploi rendait ces attentes arrogantes, tout en générant des économies les délocalisations les ont calmées. Cela valut tant sur le plan social que fiscal. Mais la contre-attaque ne pouvait se limiter à ce terrain-là. Si l’on avait assagi les travailleurs, il fallait en faire de même avec les consommateurs. C’était plus délicat car l’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Pour retrouver la « liberté de manoeuvre », il fallait frapper où se trouvait l’ennemi, c’est-à-dire dans l’esprit des gens - de ceux qui, au bout de la chaîne, décident ou non de consommer, mais aussi de tous ceux qui au fil de l’eau contribuent à cette décision. C’est ainsi que se sont développés les systèmes d’influence que décrit le livre « Les gardiens de la raison » dont le sous-titre est parlant: « Enquête sur la désinformation scientifique ».

 

 

La privatisation de la recherche scientifique dans les années 90 a eu un impact déterminant. Jusque là, on pouvait imaginer que la curiosité, l’utilité et la rigueur constituaient les logiques d’action de cette activité. Avec la privatisation, une autre logique s’ajouta qui allait rapidement supplanter toutes les autres: la rentabilité des capitaux investis, exprimée en dividendes mais surtout en valorisation boursière. Ceux qui ont travaillé dans des organisations aux logiques d’action multiples savent combien il est difficile d’empêcher que l’une d’entre elles ne parvienne à supplanter les autres qui, un beau jour, se retrouvent à n'avoir plus que la fonction décorative d’un bouquet de fleurs en plastique dans la salle d'attente. La rentabilité financière a cela de singulier qu’elle se nourrit moins de la performance économique effective que de l’impact de sa promesse sur le cours des actions. Déjà, dans les années 90, on en avait vu la marque sur le plan social: il suffisait qu’une firme annonçât des licenciements substantiels pour que son titre un peu mollasson rebondît. Tout récemment, on a vu qu’il a suffi à Gilead d’annoncer que le Remdésivir guérirait le Covid19 - sans qu’aucune étude scientifique impartiale l’eût confirmé - pour que ses actions prennent de la valeur. Son directeur général a d’ailleurs eu la chance de vendre par hasard, juste à ce moment-là, une partie de ses stocks options, ce qui lui permit d’empocher une plus-value substantielle. L’Union Européenne a acheté quelques millions de doses de ce médicament - dans des conditions obscures puisqu’elle refuse de communiquer les contrats aux parlementaires - au moment même où l’Organisation Mondiale de la Santé publiait des études démentant les affirmations de Gilead qui bénéficiait pourtant dans le paysage médiatico-médical français de nombreux enthousiasmes. 

 

 

Ce survol nous donne une esquisse du réseau d’influence des industries pharmaceutiques, qui passe à la fois par la Commission Européenne et par des vedettes du milieu scientifique, indépendamment de toute caution réelle. Mais le jeu, parfois, va plus loin que la simple promotion d’un produit relayée par les fonctionnaires, les médias et les experts que l’on a su apprivoiser. Il arrive que l’on doive d’abord nettoyer le terrain de ses concurrents potentiels. Les plus redoutables sont les vieux remèdes qui remplissent la même fonction que les nouveaux - quelquefois mieux et à moindres risques - mais ne rapportent plus rien et occupent le marché. C’est là qu’apparaissent les relais qu’offre le milieu politique national. A la demande de Sanofi - son fabricant - on a fait passer début 2020 l’hydroxychloroquine, remède jusque là sans histoire et largement consommé depuis soixante-dix ans dans la prévention du paludisme, du statut de médicament en vente libre au statut de substance vénéneuse nécessitant une ordonnance. Puis, un peu plus tard, par décret, les médecins de ville se sont vu interdire de la prescrire. Il s’agit donc là de décisions de nature politique, relevant de ministres de la République. Du point de vue de notre réflexion, un aspect qui mérite aussi d’être regardé de plus près est la passivité des cent mille médecins généralistes de France et de Navarre qui se sont ainsi laissé émasculer et mettre en contradiction avec le serment d’Hippocrate. Ce paradoxe suggère que BigPharma a d’autres courroies de transmission, celles-ci au sein même de la profession médicale et de son organisation. 

 

 

Certes, il y eut des résistants (et on peut parier que, comme en 1945, il y en aura un jour beaucoup). Certains d’entre eux se sont autorisés à confier qu’après avoir testé avec succès des protocoles à base d’azythromycine et / ou de zinc, d’HCQ et de vitamine D3, ils avaient évité l’aggravation du mal, l’hospitalisation, et guéri leurs patients. Mais, dès que cette information est tombée sous les yeux de l’Ordre des Médecins, ces praticiens ont reçu - disent-ils - des appels téléphoniques comminatoires leur enjoignant de cesser de publier et même d’arrêter de recourir à ce protocole. Réactions identiques des argousins des Agence régionales de la santé, des Caisses primaires d’assurance-maladie et de l’Agence Nationale de la Sécurité des Médicaments. Bref, de tout ce qui, de près ou de loin, a un caractère institutionnel. C’est au point que, devant cette dénaturation de leur rôle et découvrant la réalité du système qui prétendait les assujetir, certains médecins ont décidé de se faire radier de l’Ordre et d’exercer une autre activité.

 

 

Il n’y eut pas que des praticiens de terrain à manifester leur désaccord avec les mesures officielles, mais si vous ne fréquentez pas les « réseaux sociaux », vous avez peu de chance d’avoir entendu ces voix discordantes que j’ai évoquées ici il y a quelques semaines (1). C’est que les grands médias - si l’on excepte France-Soir et Sud-Radio - loin d’ouvrir le débat sur les théories et les traitements en concurrence, n’ont fait qu’inviter à tour de bras des vedettes qui se gardaient bien de tenir un discours tant soit peu autonome. Pour autant, si, sur la Toile, on peut accéder à des informations plus diverses, la situation n’est pas confortable. D’abord, des trolls s’insinuent dans les « conversations » pour dénigrer tel ou tel rebelle, colportant des accusations fantaisistes et oubliant de mentionner que le casier judiciaire de Pfizer est rien moins que vierge (2). Les spécialistes du « fastchecking » qui se sont fait la réputation de savoir la vérité et de la faire respecter font feu de tout bois dès qu'une assertion conteste le discours dominant. In fine, quand un rebelle a trop de « followers » et devient gênant, les administrateurs des plates-formes s’en mêlent, collant un bandeau d’alerte sur ses publications ou bien les retirant purement et simplement, puis interdisant d’antenne les fautifs pour des durées variables. Il arrive que la condamnation tombe à propos de la mise en ligne d’un document dont la source est officielle !

 

Mais nous ne sommes pas au bout des interventions que la pieuvre peut inspirer. Ceux qui font des gorges chaudes à propos des ridicules guerres de religions et qui n'ont pas assez de louanges pour les Lumières feraient bien de se pencher sur les étranges dérives du milieu scientifique pourtant protégé en principe de tels fanatismes arriérés. Quelles que soient les divergences que l'on puisse invoquer, les violences et la bassesse des attaques menées contre le Professeur Raoult dépassent l'entendement. Ces derniers jours nous apportent d'autres faits d'une pire brutalité. De grands noms de la science, des hommes qui soignent avec succès, sont sanctionnés pour l'autonomie de leur pensée et de leur parole. Sans doute mettaient-elles en péril les âmes frustres des gueux qui pouvaient les entendre. Il fallait les protéger. C'est ainsi que le harcèlement a eu raison du professeur Toubiana qui a annoncé il y a une semaine environ qu'il ne donnerait plus d'interviewes. Quant au professeur Perronne, il vient d'être démis de sa chefferie de service par le patron des AP-HP. N'allez pas imaginer cependant que la meute ait obéi à des ordres explicites. Ce serait mal connaître ces milieux où rien n'est jamais demandé mais où tout est exécuté. 

 

Prochaine chronique:

Les gardiens de la raison (2): De l’apprivoisement à la corruption 

 

 

* Stéphane Foucart, Stéphane Horel et Sylvain Laurens, Les gardiens de la raison, Cahiers Libres, Editions de La Découverte, septembre 2020. 

 

(1) http://indisciplineintellectuelle.blogspirit.com/archive/... 

 

(2) En mai 2007, le gouvernement nigérian a porté plainte contre le groupe Pfizer, l'accusant d'avoir provoqué en 1996 la mort de onze enfants lors de tests de médicaments contre la méningite. De nombreux autres enfants auraient développé des symptômes plus ou moins graves (surdité, paralysie, lésions cérébrales, etc.). Le groupe a, quant à lui, répondu que les tests avaient été pratiqués avec l'accord du gouvernement nigérian et que les décès n'étaient pas liés à l'absorption de Trovan (nom de marque déposée de la trovafloxacine). Le roman de John le Carré, La Constance du jardinier, et le film The Constant Gardener sont inspirés de cette affaire. Selon des informations divulguées par Wikileaks, Pfizer aurait engagé des détectives pour surveiller le procureur fédéral responsable du procès des essais cliniques du Trovan.

En 2009, Pfizer accepte de verser une amende record de 2,3 milliards de dollars US aux autorités américaines. La société était accusée d'avoir fait la promotion abusive de plusieurs médicaments : le Geodon, le Lyrica et le Zyvox, dont un interdit par la FDA : le Bextra.

Le 5 septembre 2016, Jérôme Cahuzac affirme, lors de l'ouverture de son procès, que le compte illégal qu'il avait ouvert en Suisse avait été alimenté par des fonds venus des laboratoires Pfizer.

 

Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pfizer#Affaires_judiciaires 

20/08/2020

Du nécessaire usage de notre intelligence

 

 

 

Après avoir choisi de me taire sur cette étrange crise politico-sanitaire que nous traversons et dont nous ne savons même pas si nous verrons un jour l’autre rive, j’ai décidé de me lâcher.

 

Il est d’usage de s’en remettre à l’autorité, avant-hier c’était à celle incarnée par les prêtres, de nos jours c’est à celle qui arbore l’étiquette « scientifique » ou plus largement l’adjectif « expert ». Car nous avons désormais la chance d’avoir, dans une myriade de domaines, des experts - et qui parlent. Nous avons même des experts d’experts, entendez par là ceux qui jugent de l’expertise des autres, et depuis peu des experts de la vérité sans doute inspirés par le bon vieux temps de la Pravda soviétique.

 

Sans aucun doute, s’en remettre à une référence extérieure facilite la vie. Cependant, pour conserver cette bienheureuse paix de l’âme, il convient d’avoir des sources d’information homogènes et de ne surtout pas s’en éloigner. Et, encore, il peut arriver que cela ne suffise pas: les mêmes experts, sur le même plateau, peuvent nous gratifier d’affirmations aussi péremptoires que contradictoires avec celles de la veille, sans même ajouter à leur revirement l’aveu qu’ils se sont précédemment trompé. Vous l’aurez peut-être remarqué: l’autorité change de discours mais ne reconnaît jamais son erreur. C’est vous qui avez mal entendu. Avoir autorité, c’est être infaillible. La crise sanitaire a en outre surexcité la tendance à oublier le principe cartésien du doute pourtant à l’origine de toute véritable démarche scientifique. Il est vrai que, dans notre univers où ce qui compte, outre les prébendes, est d’occuper quinze minutes d’antenne, il vaut mieux proférer des stupidités bientôt oubliées par des téléspectateurs distraits que garder le silence.

 

Je n’ai pas de connaissances médicales, cette crise sanitaire m’intéresse du point de vue anthropologique et politique. C’est un puzzle aux pièces étonnamment disparates. J’ai vu les affirmations « scientifiques » les plus contradictoires et, sur les réseaux dits « sociaux » le développement d’une censure inouïe appuyée par un déchaînement de trolls de tout poil. Je me suis demandé pourquoi la carence statistique de la mortalité grippale de cet hiver - hormis l’enregistrement de soixante-douze personnes décédées en réanimation - ne suscitait aucune question de quiconque. J’ai comparé la cotation officielle de l’hydroxychloroquine et du Doliprane en termes de dangerosité. J’ai vu le Gouvernement interdire à nos médecins de pratiquer leur art librement, au mépris de leurs compétences et de leur pratique, et mettre sous le boisseau ce qu’ils pouvaient faire remonter de leur expérience du terrain. Je pourrais rajouter bien d’autres incongruités qu’un regard quelque peu distancié n’a guère de mal à relever. Comme de prétendre tester un protocole de traitement alors qu’on ne le respecte pas. Comme de rappeler tout ce qui limite la vie: les « gestes barrières », la distanciation, le masque, le gel hydro-alcoolique, mais de négliger ce qui la nourrit : s’aérer, aérer ses poumons et les lieux où l’on vit, donner de l’activité à son corps, à son coeur et à son esprit. Quant à ce qui peut renforcer le système immunitaire et qui est scientifiquement documenté, comme la prise de zinc et de vitamine D3, autant attendre d’un perroquet qu’il nous parle de l’histoire de l’impressionnisme russe. Malgré cela, globalement, prédomine encore chez le bon peuple cette déclaration que j’ai entendue plusieurs fois: « Je ne suis pas médecin, alors j’écoute ce que disent les médecins ». Mais lesquels écoutez-vous ? A moins de s’en remettre exclusivement aux mandarins patentés du vingt-heures, ce qui apporte, il faut le reconnaître le repos de l’esprit, comment ne pas voir que l’étiquette « scientifique » ou « expert » recouvre une extraordinaire hétérogénéité d’opinions, pour ne pas parler d’idéologies ou d’intérêts ?

 

Quoi de plus rassurant, n’est-ce pas, qu’un monsieur qui a le titre de chef des urgences à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris ? Quand une telle autorité déclare sur CNEWS le 25 mai: « Cette étude (…) est en fait de très bonne qualité », on est porté à lui faire confiance. Or il s’agit de l’étude que la prestigieuse revue scientifique The Lancet, honteuse, retirera en catastrophe de ses publications quelques jours plus tard. Au cas où vous n’auriez pas suivi l’affaire, ce document qui jetait l’anathème sur le Plaquénil et donnait sa bénédiction au Remdésivir de Gilead, prétendait être le produit du traitement par une intelligence artificielle de 96000 dossiers médicaux obtenus auprès de 1200 partenaires du monde hospitalier. Or elle avait été réalisée dans le style quick and dirty par une obscure officine à l’identité fluctuante, ne disposant pas des moyens informatiques nécessaires et ne comptant que cinq salariés, dont une ex-modèle de sites érotiques. On a le droit de se demander par quels mécanismes étranges la vigilance renommée de The Lancet a été surprise et si de tels mystères ne sont pas à l’oeuvre ailleurs.

 

Sur la chaine de télévision espagnole Mañana, j’ai vu une scène surréaliste: une présentatrice s’efforce de faire dire à un brave médecin hospitalier qui freine des quatre fers que la situation vire à l’apocalypse. Il a beau affirmer qu’il n’y a plus lieu à dramatiser, lui fournir ses chiffres et ceux des trois cents professionnels avec lesquels il est en relation suivie en Espagne, la dame s’acharne. A quoi joue-t-on ?

 

Aux Etats-unis, au mois d’avril, Scott Jensen, sénateur du Minnesota et médecin, critique sévèrement les statistiques publiées par les Centers for Disease Control: selon lui, les médecins hospitaliers mentionnent abusivement le Covid comme cause des décès. Il cite des cas de morts violentes - accidents ou assassinats - classées dans la colonne Covid parce que le défunt en était « probablement » atteint. « D’évidence, conclut-il, les statistiques ne sont pas fiables ». Il se fait aussitôt incendier, injurier, censurer par les dénicheurs de fakes, chasseurs de complotistes et autres gardiens de la vérité ultime. Le 1er août, le directeur du CDC, Robert Redfield, finira par reconnaître la dérive que Jensen dénonçait. Dans certains Etats, ce sont pas moins de 3000 décès qui ont été requalifiés. Même phénomène au Royaume-Uni où ces mêmes statistiques ont été considérablement dégonflées.

 

L’observation directe ne manque pas non plus d’intérêt. J’entends périodiquement sur France Musique un storytelling financé par le Ministère de la Santé : « René prépare le barbecue ». René est un grand-père qui attend la visite de ses enfants et petits-enfants. Mais, attention, papi René est une « personne à risque »! Respectez les gestes barrières ! « On aime ses proches, alors on ne s’en approche pas ! » Comme chaque année, depuis le début des vacances, soit bientôt depuis deux mois, la population de notre ville a été multipliée par quatre voire par cinq par l’afflux des estivants. Compte tenu de la durée moyenne des séjours, cela signifie que beaucoup plus de personnes venant d’ailleurs auront au bout du compte villégiaturé chez nous. Les familles, les amis se retrouvent, parfois dans les mêmes logements, font des virées en voiture ou à vélo, prennent un pot au bistro, vont à la plage, piqueniquent, jouent à la pétanque, barbotent dans la piscine familiale, - et des centaines de René font des barbecues. Malgré cette débauche de convivialité - et je n’ai pas évoqué la sexualité estivale, notamment adolescente - une campagne de tests ayant rallié près de 4000 volontaires vient de faire apparaître douze « cas », soit 0,3 %. J’ai mis le mot « cas » entre guillemets car, du point de vue de la sémantique générale, ce mot est justement un « cas » intéressant. Que recouvre-t-il au juste ? Des gens malades, un peu, beaucoup, pas du tout ? Pourquoi une telle imprécision a-t-elle été choisie ? Pourquoi les média se contentent-ils de reprendre le terme sans l’expliciter ? Les statistiques de l’ARS pour la Vendée, à la date du 14 août, montrent qu’il reste huit patients hospitalisés (le « stock » continue de diminuer), un patient en réanimation et aucun nouveau patient hospitalisé ou en réanimation. A quoi joue-t-on ?

 

Sur notre Remblai, les promeneurs doivent porter le masque. Aux terrasses des cafés du même Remblai, où les gens sont beaucoup plus proches et de surcroît statiques, on n’a pas à le mettre. Je ne juge pas, je me réjouis même que nos commerces puissent vivre car l’année aura été périlleuse pour eux et elle n’est pas finie, mais je constate une incohérence parmi d’autres - et ce n’est pas la pire. A marée haute, sur la plage, la densité humaine n’est guère plus élevée qu’aux terrasses des cafés et, en plus, on ne saurait trouver d’espace moins confiné et mieux ventilé. Je ne parle même pas des baigneurs, toujours très clairsemés. Cependant, la plage a été interdite à marée haute. De plus en plus de communes en France décrètent l’obligation du port du masque à l’extérieur, comme Toulouse, y compris parfois pour les personnes qui se livrent à une activité physique. On envoie même cent trente CRS en renfort à Marseille pour faire respecter l’emmusèlement de la population. Interrogé sur Sud Radio, Stéphane Gayet déclare: « Pour moi, c’est une mesure qui ne se justifie pas. » Qui est Stéphane Gayet ? Le dernier complotiste à la mode ? Un négationniste ? Peut-être. Il s’agit en tout cas d’un expert puisqu’il est infectiologue au CHU de Strasbourg. Je repose la question: à quoi joue-t-on ?

 


Je m’arrête là. Je suis un citoyen policé, qui respecte par conviction la République et par principe ses lois. Mais, pour ce faire, je n’ai pas besoin de museler mon esprit. J’entends au contraire le garder libre, lucide et aussi acéré que nécessaire. Mon intuition me dit que c’est la véritable urgence pour les mois qui viennent.