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15/08/2010

Xénophobie

Je reprends mes chroniques non par le sujet qui m'inspire le plus mais par l'information qui m'a particulièrement blessé : l'ONU constate une montée de xénophobie dans notre pays. Je n'ai pas regardé sur quoi se fonde ce constat, mais je sens bien comment en ce moment nous pouvons donner cette image de nous-mêmes et je n'en suis pas fier. La France que j'aime n'a pas ce visage. Tout peuple a ses mauvais démons et nous avons les nôtres. L'Histoire en témoigne.  Cela commence souvent par la bêtise, mais la bêtise dans ce cas-là mène à l'horreur et à l'ignominie. Il faut donc s'efforcer de ne pas être bête et de comprendre nos démons avant qu'ils nous possèdent.

D'abord, si tout peuple a ses mauvais démons, c'est que chacun d'entre nous a les siens. J'ai les miens. Je sais que, parfois, quand je me retrouve à voisiner, dans quelque train de banlieue tardif, avec certaines bandes, je peux ressentir de la crainte. Cette crainte, à l'intérieur de moi, me fait honte, elle trahit mon sentiment de faiblesse fasse aux « autres » : s'ils devaient m'agresser, si nous devions en venir aux mains, « ils » auraient le dessus. Evidemment, mon sentiment de faiblesse tourne en humiliation, puis en colère, qui est la force des faibles. Un pas de plus et cette colère glisse à l'amalgame, elle embrasse indistinctement toute une communauté : « Tous les mêmes ! » Un pas encore, rien qu'un, et c'est un conflit identitaire : « Qu'est-ce qu'ils f... chez moi ? » La haine est là.

Peuples ou individus, notre grande affaire, en permanence, est notre identité. Tous, nous nous aimons dans une identité forte et sûre d'elle. Les enfants jouent à Superman, les adultes se la jouent. Tous, nous nous détestons dans la faiblesse et, quand nous en faisons l'expérience, ne rêvons que de revanche. « Qu'est-ce que j'aimerais leur montrer qui est le plus fort ! » De ce point de vue-là, le débat sur « l'identité nationale » est significatif. Quand nous posons-nous des questions touchant à l'identité ? Quand nous nous sentons menacés. Quand, en pensant à ce que nous sommes, à  qui nous sommes, nous ressentons un mal-être. Le premier problème, c'est que le révélateur de ce mal-être, c'est la présence « de l'autre », ce qui le prédispose à en être pris pour la cause et à devenir notre bouc émissaire. Le deuxième problème, c'est que le réflexe animal pour retrouver un sentiment d'identité positif, c'est d'enfoncer l'autre.

Osons regarder à l'intérieur de nous. Regardons les mauvais démons qu'on essaye d'y exciter. Ne nous laissons pas prendre à la rationalité des discours sur l'identité nationale, la sécurité, les symboles religieux et je ne sais quelle menace extérieure de n'être plus nous-mêmes. La rationalité est une salope qui a couché dans tous les lits, donné raison à tous ses amants et accouché de pas mal de monstres. Dans l'expérience de Milgram, le tortionnaire reproche à la victime de devoir poursuivre la torture ! Si nous voulons vraiment avancer, osons regarder, telles qu'elles sont, nos peurs et nos humiliations. Comme beaucoup d'autres peuples, nous avons le sentiment d'un déclin. Notre histoire nous échappe. Depuis des années, inexorablement, le chômage s'accroît, le nombre de SDF dans les rues augmente, l'avenir n'est plus qu'une source de pessimisme. Les crises économiques et financières qui nous atteignent viennent d'ailleurs, comme des envahisseurs que nous ne savons pas contenir aux frontières. Et, en plus, nous avons l'impression que nos politiques nous roulent dans la farine. Le sentiment d'impuissance est terrible. Voilà quels sont nos vrais maux, sans parler du rôle et de l'image de la France a l'extérieur.  Mais, faute de pouvoir s'attaquer à des causes trop lointaines, on se rabat sur ce qu'on a sous la main : on se fabrique des épouvantails qu'on va pouvoir canarder. Politique du leurre, politique de franchouillards.

Tout peuple a ses mauvais démons. Le rôle d'un gouvernement, au sein d'une démocratie, devrait être de les exorciser, non de les exploiter.

Ce n'est pas en cultivant la colère et la haine qu'on en aura moins.

Ce n'est pas en oubliant, dans nos émotions et nos actes, notre devise républicaine que nous soignerons notre identité.