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22/08/2010

Myopie

 

Cette note figure désormais dans le recueil

Les ombres de la caverne

Editions Hermann, juillet 2011

15/08/2010

Xénophobie

Je reprends mes chroniques non par le sujet qui m'inspire le plus mais par l'information qui m'a particulièrement blessé : l'ONU constate une montée de xénophobie dans notre pays. Je n'ai pas regardé sur quoi se fonde ce constat, mais je sens bien comment en ce moment nous pouvons donner cette image de nous-mêmes et je n'en suis pas fier. La France que j'aime n'a pas ce visage. Tout peuple a ses mauvais démons et nous avons les nôtres. L'Histoire en témoigne.  Cela commence souvent par la bêtise, mais la bêtise dans ce cas-là mène à l'horreur et à l'ignominie. Il faut donc s'efforcer de ne pas être bête et de comprendre nos démons avant qu'ils nous possèdent.

D'abord, si tout peuple a ses mauvais démons, c'est que chacun d'entre nous a les siens. J'ai les miens. Je sais que, parfois, quand je me retrouve à voisiner, dans quelque train de banlieue tardif, avec certaines bandes, je peux ressentir de la crainte. Cette crainte, à l'intérieur de moi, me fait honte, elle trahit mon sentiment de faiblesse fasse aux « autres » : s'ils devaient m'agresser, si nous devions en venir aux mains, « ils » auraient le dessus. Evidemment, mon sentiment de faiblesse tourne en humiliation, puis en colère, qui est la force des faibles. Un pas de plus et cette colère glisse à l'amalgame, elle embrasse indistinctement toute une communauté : « Tous les mêmes ! » Un pas encore, rien qu'un, et c'est un conflit identitaire : « Qu'est-ce qu'ils f... chez moi ? » La haine est là.

Peuples ou individus, notre grande affaire, en permanence, est notre identité. Tous, nous nous aimons dans une identité forte et sûre d'elle. Les enfants jouent à Superman, les adultes se la jouent. Tous, nous nous détestons dans la faiblesse et, quand nous en faisons l'expérience, ne rêvons que de revanche. « Qu'est-ce que j'aimerais leur montrer qui est le plus fort ! » De ce point de vue-là, le débat sur « l'identité nationale » est significatif. Quand nous posons-nous des questions touchant à l'identité ? Quand nous nous sentons menacés. Quand, en pensant à ce que nous sommes, à  qui nous sommes, nous ressentons un mal-être. Le premier problème, c'est que le révélateur de ce mal-être, c'est la présence « de l'autre », ce qui le prédispose à en être pris pour la cause et à devenir notre bouc émissaire. Le deuxième problème, c'est que le réflexe animal pour retrouver un sentiment d'identité positif, c'est d'enfoncer l'autre.

Osons regarder à l'intérieur de nous. Regardons les mauvais démons qu'on essaye d'y exciter. Ne nous laissons pas prendre à la rationalité des discours sur l'identité nationale, la sécurité, les symboles religieux et je ne sais quelle menace extérieure de n'être plus nous-mêmes. La rationalité est une salope qui a couché dans tous les lits, donné raison à tous ses amants et accouché de pas mal de monstres. Dans l'expérience de Milgram, le tortionnaire reproche à la victime de devoir poursuivre la torture ! Si nous voulons vraiment avancer, osons regarder, telles qu'elles sont, nos peurs et nos humiliations. Comme beaucoup d'autres peuples, nous avons le sentiment d'un déclin. Notre histoire nous échappe. Depuis des années, inexorablement, le chômage s'accroît, le nombre de SDF dans les rues augmente, l'avenir n'est plus qu'une source de pessimisme. Les crises économiques et financières qui nous atteignent viennent d'ailleurs, comme des envahisseurs que nous ne savons pas contenir aux frontières. Et, en plus, nous avons l'impression que nos politiques nous roulent dans la farine. Le sentiment d'impuissance est terrible. Voilà quels sont nos vrais maux, sans parler du rôle et de l'image de la France a l'extérieur.  Mais, faute de pouvoir s'attaquer à des causes trop lointaines, on se rabat sur ce qu'on a sous la main : on se fabrique des épouvantails qu'on va pouvoir canarder. Politique du leurre, politique de franchouillards.

Tout peuple a ses mauvais démons. Le rôle d'un gouvernement, au sein d'une démocratie, devrait être de les exorciser, non de les exploiter.

Ce n'est pas en cultivant la colère et la haine qu'on en aura moins.

Ce n'est pas en oubliant, dans nos émotions et nos actes, notre devise républicaine que nous soignerons notre identité.

 

31/01/2010

Faut-il se voiler la face ?

Encore un coup, je ne vais peut-être pas me faire que des amis - et surtout des amies - mais en me cramponnant à la devise de Jules Lagneau selon qui il faut savoir "penser difficilement les choses faciles", je vous invite à réfléchir différemment sur le problème du voile islamique.

Selon les ex-RG, il y a quelques mois, le port de la burqa concernait en France moins de 1000 femmes. Or, ce sujet aura mobilisé ces derniers temps plus de députés, de sénateurs et, globalement, de professionnels du spectacle politique que n'a pu le faire le sort des 600 000 chômeurs qui, pour la première fois dans l'histoire de la France moderne, vont se retrouver sans le moindre euro de revenu. Il a mobilisé plus d'attention et d'énergie que les bonus les plus élevés que se soient attribués les nouveaux seigneurs qui ont fait main basse sur l'économie du monde, et cela avant même que celle-ci se soit remise à créer de l'emploi et des richesses réelles. Alors, la disproportion est telle que, pardonnez-moi, je trouve ce zèle "anti-voile" légèrement suspect.

Dans Douze hommes en colère, l'extraordinaire film de Sidney Lumet, un jury se réunit et, dès la première minute, la sentence s'impose: l'accusé est un jeune des bas-quartiers, issu au surplus d'une communauté qui alimente en délits et en violences les statistiques de la police, et l'arme du crime lui appartenait. Il ne peut être que coupable, la cause est simple et entendue. Seulement, il s'agit du meurtre de son père - qui le battait régulièrement - et il s'agit de rien moins que sa tête. Au tour de table préliminaire, destiné à constater une éventuelle unanimité qui abrègerait la séance, Davis, un architecte qu"incarne Henry Fonda, ne vote pas la culpabilité. Il est seul face aux onze autres. Gros émois. "Mais alors, vous le croyez innocent!" s'exclament ceux-ci, scandalisés. Et Davis de donner cette superbe réponse, qui fonde toute la posture démocratique: "Je ne sais pas s'il est innocent ou coupable, je veux juste qu'on en parle". Le débat doit avoir lieu et ceux qui pensaient plus important de retourner à leurs affaires personnelles, à leur match de basket ou à leur soirée au coin du feu, sont furieux. Les voilà en demeure de penser!

Je ne suis pas pour le voile islamique. Je ne vois ni ma fille ni ma chérie porter la burqa. Pour reprendre le texte de Fonda, "je veux juste qu'on en parle". Et en évitant, si possible, de tomber dans les stéréotypes qui font que notre pensée devient aussi mécanique qu'un tunnel à transformer les cochons en saucisses de Strasbourg. Et je voudrais partager rapidement trois remarques et une réflexion dont vous ferez ce que vous voudrez. La première remarque, c'est que, lorsqu'on ne peut pas ou ne veut pas s'empoigner avec les vrais problèmes, on en monte un mineur en épingle. Cela fait diversion. C'est l'encre de la seiche, la muleta du torero, le mouchoir du prestidigitateur, bref l'arbre planté devant la forêt. La deuxième, c'est qu'il y a en ce moment une diabolisation de l'Islam qui se nourrit d'un amalgame. Pour faire vite, on dira qu'on y trouve le 11 septembre, la délinquance en banlieue et le malaise identitaire des Français qui ne sont plus ce qu'ils avaient l'habitude d'être, qui se sentent partir à vau-l'eau et ont besoin de cristalliser leurs peurs, leurs humiliations et peut-être plus sur "l'étranger". Ma dernière remarque (pour aujourd'hui), c'est qu'une manière des médiocres de se sentir de nouveau puissants est de s'instituer en donneurs de leçons et de se donner une cause qui permet de cracher leur venin en toute impunité. Je ne dis pas que les inquiétudes qui s'expriment relèvent toutes des trois caricatures que je viens de brosser. Je dis qu'il faut se méfier de ces phénomènes sournois qui, trop souvent au cours de l'Histoire, ont déjà transformé l'homo sapiens en homo demens comme dirait Edgar Morin. - A minima, de mauvais mobiles ont trop souvent desservi les meilleures causes et les meilleures causes peuvent attiser de sales passions.

Je vous avais aussi annoncé une réflexion, c'est-à-dire une approche plus approfondie. La voici. Il s'agit d'un article écrit par Tülay Umay, une sociologue anatolienne établie en Belgique, et je vous le laisse à méditer: http://www.voltairenet.org/article162762.html#article162762