03/02/2010
Scène de métro
Hier soir vers vingt heures. Dans le métro, corps emmitouflés, visages pâles et fatigués. Le poids de la journée, du manque de lumière, du froid, de l'anonymat. Ma voisine, une jolie jeune femme blonde, s'est assise en abrégeant sur son portable une conversation apparemment un peu tendue. La rame démarre, chacun retombe en soi.
Sa guitare sous le bras, l'homme est monté à la station Place d'Italie. En pinçant doucement les cordes, il se met à chanter paisiblement en anglais un petit air au rythme brésilien. Je laisse mon livre pour lever les yeux vers lui. Il a un visage large, presque rond. Et, surtout, un merveilleux sourire, un de ces sourires solaires qui sont l'apanage de nos amis africains. Le regarder fait du bien, quand même on serait sourd et quand bien même je ne comprends rien aux paroles de sa chanson. Celle-ci achevée, il ouvre posément une petite bourse de cuir et passe parmi nous, ce même sourire offert à tous sans condition. Lorsqu'il revient, ma voisine lui tend un paquet de cigarettes. "Tenez, dit-elle, ce n'est pas de l'argent, c'est un cadeau." Toujours souriant, l'homme lève un sourcil interrogateur. "Prenez-le, il y a bien un moment où il faut se décider à arrêter."
Petite étincelle d'humanité, petite échange de chaleur, où des inconnus se regardent, se disent trois paroles, et on se sent bien... Faire société, ce serait aussi simple ?
00:05 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : transports, vie quotidienne
27/06/2009
Et voici Transitions n° 2 !
Ce n’est pas une mince affaire de faire vivre une revue, fût-elle semestrielle. Notre imprimeur vendéen vient de nous en livrer le n° 2. Le carton hâtivement ouvert, le voilà entre nos mains qui tremblent autant de joie que de fébrilité... Allez : sans fausse modestie aucune, je crois que nous pouvons être fiers du résultat !
Mais à vous d’en juger ! En voici déjà le sommaire placé sous le thème général de:
Economies et Proximités:
Editorial :
Pour qu’il y ait de la vie là où l’on vit
(par votre serviteur)
Initiatives citoyennes
Les AMAP : produire et consommer localement
Interviewes de Daniel Wuillon et de Kolin Kobayashi
Economie monétaire
Changez la monnaie, vous changez la relation
Interview de Bernard Lietaer
Biodiversité
L’évangile des herbes folles
Dialogue avec Gilles Clément et Christian Mayeur
Ecologie scientifique
Le nouveau paradigme de la durabilité
Rencontre avec Robert Ulanowicz par Dominique Viel
Transformation socio-économique
Ville en transition
Interview de Robert Hopkins
Economie locale
Emergence d’une économie locale vivante
par Manfred Mack
Biologie
L’économie cellulaire
Interview d’Olivier Neyrolles
Innovation
Vers une économie de l’estime
Interview de Jean-Michel Cornu
Philosophie
Pour une démocratie mondiale de la proximité
par Eugénie Vegleris
Synthèse
Laboratoires d’une économie différente
par Manfred Mack
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19:31 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, écologie, éthique, nouvelles technologies, vie quotidienne, démocratie, systémique, développement local, philosophie
31/10/2007
Scène de rue
Message reçu lundi de mon ami Gérard Lebrun...
"Ce jour, je traversais d’un bon pas la Place de l’Hôtel de ville, me rendant de la rue de Seine au quartier de Belleville, où se trouve mon association, lorsque soudain, à quelques pas de moi, un homme de quarante-cinquante ans s’étale de tout son long sur le trottoir et reste allongé par terre. Il a l’air sonné.
Il est un peu tôt le matin, il n’y a pas grand monde alentour. Je m’approche. Je veux appeler les secours. Il me fait signe, péniblement, que ce n’est pas nécessaire. Cet homme a l’air épuisé. Après un temps, où il reprend ses esprits, je l’aide avec un autre passant à se relever. Il est groggy. Je lui suggère d’aller prendre un café à un bar tout proche, pour se remettre. Il me dit Je n’ai pas d’argent. Je lui donne, ainsi que l’autre passant, quelques pièces. Il me dit Accompagnez-moi. L’autre passant a un rendez-vous. Il ne peut rester. Je dis à l’homme Je peux y aller, et le soutenant, nous traversons la chaussée et allons nous installer de l’autre côté à une table au bar. Je commande deux cafés et un croissant.
Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? me dit-il. Je lui dis Je suis retraité, j’étais dans un grand groupe informatique. Il me dit J’étais commercial. Je travaillais à mon compte. Mes clients étaient à Bordeaux, Paris, Lille. J’ai perdu tous mes points de permis. On m’a retiré mon permis. J’ai perdu mon travail. Je n’ai plus rien. Je ne suis plus rien.
Il me dit Avez-vous des enfants ? Je lui dis J’ai deux enfants. Ils sont adultes. J’ai une petite-fille. Il me dit Ma femme m’a quitté. J’ai un enfant de cinq ans, il est avec sa mère. Ils sont à Rennes. Je voudrais les revoir. Je n’ai pas d’argent. Je n’ai plus de logement. Je n’ai plus de travail. C’est dur.
Il me dit Je voudrais revoir mon enfant. Je lui ai laissé de quoi prendre son billet. Il m’a dit Merci pour ce moment. Après quelques échanges encore La dureté de la vie, les pauvres qui trinquent de plus en plus, le petit nombre de riches qui s’affichent, l’injustice… j’ai dû le quitter, on m’attendait à l’association. Il m’a dit à nouveau Merci pour ce moment.
Reprenant mon chemin, je me suis dit Il ne fait pas bon trébucher, dans notre société. On parle de tous les laissés pour compte, de ceux qui restent au bord du chemin, des accidentés de la vie. J’ai rencontré celui-là. Combien sont à la merci d’un accident de parcours qui ne pardonnera pas. Tu es à terre, tu t’étales. Mais la terre ne te prend pas. Tu t’écroules. Tu gis. Ci-gît un déchet de notre société. La vie, celle des autres, continue. Les passants passent, les affaires roulent. Tu es, toi, un scorie. Un résidu de production. Un abandonné au bord du chemin.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Paris, 25 octobre 2007"
09:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : société, économie, politique, vie quotidienne