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30/04/2011

Démocratie (4)

 

 Le danger est l’opportunité de ceux qui veulent s’élever au dessus des autres. La protection qu’ils proposent aux plus faibles, aux plus démunis et aux moins courageux leur donne en échange le pouvoir.  C’est ainsi que la féodalité émerge et cette forme d’organisation ne renvoie pas qu’à notre moyen-âge, elle innerve encore la société toute entière. L’économiste chilien Manfred-Max Neef montre que les humains, à tout moment, peuvent renoncer à la satisfaction d’un de leurs besoins fondamentaux, comme celui de liberté, contre de la sécurité, de la reconnaissance ou de quoi manger…

Mais, si l’on peut considérer que ce troc est éventuellement pertinent dans certaines circonstances, le problème est que, une fois installée, toute forme d’organisation tend à se perpétuer et au-delà même de la situation qui lui a fourni ses fondations. Le danger est passé et vous voilà prisonniers de votre protecteur ! C’est qu’aucun être vivant n’accepte de mourir et que les institutions sont constituées d’êtres vivants qui y ont fait leur niche et y trouvent leur compte. Alors, seraient-elles devenues inutiles qu’elles veulent cependant durer. Pis, plus que gourmandes de durée, elles veulent continuer à croître et à s’enrichir. A la vaillance des preux succèdent ainsi un jour, à grands frais pour le taillable et corvéable, les dentelles et les rubans de la cour de Versailles. Au service devenu sans objet succède l’exploitation. Vous trouverez à faire des parallèles très actuels, je n’en doute pas !

La dynamique féodale est toujours à l’œuvre. Malgré nos prétentions démocratiques, elle  est, comme l’eau s’écoule vers le bas, une pente naturelle de notre manière de faire société. L‘entreprise, par exemple, se réfère sans cesse à la rationalité économique et tire de cette prétention sa légitimité à tout dominer. Pour autant, il faudrait être naïf pour croire qu’elle y échappe. Les processus à l’œuvre du haut en bas de la pyramide - nominations, alliances, statuts, avantages… – restent de l’ordre d’une économie du pouvoir et s’appuient sur la rémunération de vassalités diverses et, selon l’expression de La Boétie, sur la servitude volontaire consentie par beaucoup au profit de quelques-uns. Que sont les prébendes exorbitantes et cependant sans cesse renouvelées de certains dirigeants, sinon la preuve d’un système féodal ?

Dans cette économie, les dominants continuent de s’appuyer sur le danger. Ce dernier devient même un deus ex machina.  Si l’Eglise ne recrute plus guère en nous proposant, en échange de notre obéissance, sa police d’assurance contre l’enfer, d’autres ont repris le « business model ». Comme on ne croit plus beaucoup dans l’au-delà, l’enfer dont notre docilité est censée nous protéger est dans cette vie. Si vous ne voulez pas vous retrouver sur le marché du travail, soyez un bon petit soldat. Si vous ne voulez pas que l’ogre islamiste vous dévore, votez pour moi. Si vous ne voulez pas mourir de pandémie, soumettez-vous à Big Pharma. Le tout se renforce évidemment de lois et de dispositifs qui, pour nous apporter leur protection, restreignent peu à peu notre liberté. Cherchez à qui le crime profite et qui sont les complices intéressés, fût-ce petitement, au butin…  

Dans La dérobade, de Jeanne Cordelier, on voit comment les proxénètes mettent en danger les prostituées insoumises afin qu’elles se résolvent à se placer sous leur protection – et à accepter bien sûr d’être exploitées en retour. Poussant jusqu’au faux-semblant de largesse, le système prévoit le rachat par une fille de sa liberté - mais à un prix tel qu’il lui reste parfois peu à vivre quand elle est parvenue à le rassembler. Le proxénétisme est un modèle intéressant à plus d’un titre. Il crée le danger pour qu’on lui achète sa protection. On accepte d’être exploité pour bénéficier de celle-ci. Il engendre une aliénation, mais on peut recouvrer sa liberté - théoriquement. Une fois encore, je vous laisse faire des parallèles.

Les rubans et les dentelles de Versailles ont fini dans la Révolution.

24/04/2011

Pâques 2041

 

 

Une des réflexions que peut nous inspirer cette grande fête de Pâques, c’est que nous voyons plus facilement ce qui meurt que ce qui naît. Il n’y a pas de jugement dans cette constatation, juste une mise en garde contre le pessimisme et la stérilité.

 

Ne voir que ce qui meurt, c’est souvent essayer de le retenir. C’est refuser la vie qui, elle, de toute façon, poursuit son chemin. C’est se lier à une épave et, finalement, couler avec elle. Or, ne voir que ce qui meurt, en refuser la disparition, c’est le grand risque des années que nous vivons, qui, pour être un début de siècle, regardent bien davantage, me semble-t-il, vers le XXème.

 

Il n’y a pas que les êtres qui meurent, il y aussi les représentations que nous nous faisons du monde, de la réalité, de notre vie d’humains. « Laissez les morts enterrer les morts » dit Jésus. Les Trente Glorieuses ont façonné notre vision de la vie, du bonheur, de la réussite. Elles se sont fait passer à nos esprits pour le « One best way », l’unique et exclusif modèle, et de ce fait elles enferment notre pouvoir créateur. Propulsées par des énergies peu chères que l’on croyait inépuisables et fleurissant sur une planète assez vaste pour accueillir tous les déchets et toutes les pollutions, ces Trente-là, que nous regardons encore comme l’âge d’or, sont derrière nous, dans un passé inaccessible, et elles ne nous appartiennent plus. Celles qui nous appartiennent, qui sont l’espace où incarner notre génie et notre courage, sont au contraire devant nous. C’est 2011-2041.

 

2011-2041 : nous pouvons en faire des années de construction, de création, de civilisation - ou de démission. Nous pouvons réinventer l'économie, la société et le bonheur ou, pour maintenir en vie des modèles qui nous entraîneront dans leur agonie, pour vouloir donner raison aux idéologies que nous avons excessivement adorées, nous épuiser dans l'acharnement thérapeutique. Alors, si nous voulons éviter le sentier où nous nous perdrions, sachons dire notre gratitude à ce que nous avons connu et aimé, mais sachons aussi lui dire adieu. Afin, l’esprit et le cœur libérés, de continuer, debout, notre aventure.

Joyeuses Pâques!

19/04/2011

Compulsion bureaucratique

Un ami auto-entrepreneur me montre hier une évolution - ou plutôt une involution - significative des formalités liées à son statut.

Au départ, l'ambition de l'Etat a été, semble-t-il, de faire le plus simple possible : l'auto-entrepreneur n'est tenu de fournir sa déclaration trimestrielle de recettes que si recettes il y a eu. Entendez que s'il n'a pas engrangé un kopeck, il n'a rien à faire. Sur la déclaration trimestrielle - y compris encore sur celle que mon ami vient de recevoir - il y a cette phrase très claire: "En l'absence de chiffre d'affaires ou de recettes, le travailleur indépendant n'est pas tenu de transmettre le formulaire". Une audace inouïe, vous en conviendrez, au pays des gabelous!

Mais, repentir de l'Administration qui a dû connaître des affres d'angoisse devant l'inconscience du Législateur, voici l'injonction extraite du document en quadrichromie qui accompagne ledit formulaire au titre du premier trimestre 2011: "Vous devez désormais compléter et adresser votre déclaration, systématiquement chaque mois ou chaque trimestre [ce n'est pas moi qui souligne]. En l'absence de chiffre d'affaires, il convient d'indiquer zéro pour la période concernée".

Il y a des fumeurs qui arrêtent de fumer, des alcooliques qui arrivent à se délivrer de leur dépendance au beaujolpif et des drogués de leur addiction à la chnouffe. Il semble que l'Administration française, elle, soit incapable de se désintoxiquer. Je me souviens d'un homme politique qui disait jadis: "La France se gouverne à coup de secousses". On comprend pourquoi. Mais à quand la secousse suffisamment rude pour en terminer avec ces comportements obsessionnels ?