27/05/2018
GRH: adaptation en évolution vs adaptation en survie
Les changements dans lesquels une entreprise s’engage peuvent être exigeants et source de stress, et cela aussi bien pour les salariés qui les subissent que pour les managers et les équipes RH qui ont à les accompagner quand ce n’est pas à les déployer.
Depuis quelques années apparaît aussi dans certaines entreprises un changement singulier: le passage au « non changement ». Jusque là l’entreprise offrait un milieu où l’on avait la possibilité de mener sa carrière tambour battant, de relever une succession de défis avec les avantages qui en résultaient. Or, sous l’effet des réorganisations et de la pyramide des âges, voilà que le vent est tombé, que les voiles pendent lamentablement - et que cela pourrait bien durer.
La perspective de changements éveille en général la crainte de la perte. Le passé est connu, le présent est sous nos yeux, mais l’avenir n’est qu’une idée, un fantasme ou une promesse. Les changements propulsent du connu vers l’inconnu, exigent le renoncement à des routines bien rodées, et de ce fait comportent des risques que la seule bonne volonté ne peut conjurer. Cependant, davantage que les efforts à faire, le plus critique souvent dans un changement annoncé, c’est le sens et l’intention qu’on peut lui donner et, à titre personnel, le niveau de confiance que l’on a d’être capable de l’assumer.
Ces situations ont évidemment des retentissements sur la motivation, l’efficacité et - pourquoi ne pas le dire en ces temps de « happiness offices » ? - sur le bonheur des collaborateurs au sein de l’entreprise.
En fait, toute période de changement constitue une remise en question des gisements qui nous permettaient de satisfaire nos trois besoins psychologiques fondamentaux: d’identité, de stimulation et de sécurité. Si l’on me demande qui je suis, je répondrai en évoquant mon métier, mon entreprise. De quoi parle-t-on le plus, y compris chez soi ? Du travail, et, même si c’est pour se plaindre de ceci ou de cela, c’est le signe de la place qu’il tient parmi nos stimulations. Quant au besoin de sécurité, au delà du plan matériel, le travail n’est-il pas aussi le garant de notre existence sociale ?
En quarante ans de carrière dans des milieux variés, j’ai vu bien des cas de figure, mais je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui rejetât la satisfaction d’être fier de l’entreprise qui l’employait et du rôle qu’il avait au sein de celle-ci, quel qu’y fût son emploi. Ou alors, c’est que, pour des raison diverses, on avait laissé pourrir la situation, et le gâchis, alors, était double. J’ai vu aussi tous les efforts que pouvaient déployer certaines équipes de GRH pour, dans des contextes économiques ou managériaux parfois difficiles, sauver l’essentiel.
C’est en pensant à tous ces épisodes de vie professionnelle dont j’ai été le témoin et parfois aussi l’acteur, que j’ai passé ces deux dernières années à mettre au point le parcours que j’ai baptisé « Constellations ». Constellations utilise une pédagogie originale et s’adresse aux personnes qui doivent vivre des changements, désirés ou non, qui se retrouvent avec des perspectives d’avenir qui leur semblent peu stimulantes ou angoissantes, et qui, de ce fait, courent le risque d’une dérive préjudiciable pour elle-même et pour l’entreprise.
Pour toute forme de vie confrontée à un changement de son environnement, il existe deux processus d’adaptation: en survie ou en évolution. En survie, on se rétracte, on se contracte et si cela dure on finit par s’enkyster mortellement. En évolution, on discerne les points d’appuis qui nous permettront de réaménager la satisfaction des trois besoins fondamentaux que j’évoquais plus haut et de retrouver ainsi le sens de l’engagement. L’objectif de Constellations est d’aider les personnes à anticiper les changements de manière à la fois positive et réaliste, à éviter l’adaptation en survie ou à la dépasser pour retrouver la dynamique de l'évolution.
Je suis à la disposition de ceux qui souhaiteraient en savoir plus. Mais une démonstration valant mieux qu’une longue description, vous êtes invité à la session de découverte que nous organisons à Paris le mardi 25 juin après-midi. C’est gratuit, sans engagement. Le seul risque: y prendre goût. Attention: le nombre des places est limité.
09:41 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/05/2018
L’arbre de vie: restaurer la fierté, engranger la résilience
Je trouve les arbres fascinants. Chaque espèce, me semble-t-il, communique une énergie singulière en fonction de la manière dont elle se déploie. Le cèdre, par exemple, parle pour moi d’une sérénité majestueuse qui s’offre au ciel comme un orant. Le chêne, d’une vigoureuse ramification qui finit par ressembler au réseau vasculaire de notre cerveau. Le platane, d’une puissante colonne qui donne envie de se redresser à son image.
L’arbre est un symbole des plus universels. Le séphirot de la kabbale représente les lois de l’univers, tandis qu’Yggdrasil, le frêne toujours vert, l’arbre cosmique, est l’axe autour duquel sont disposés les neuf mondes de la mythologie nordique. A la fois union des trois niveaux du cosmos, pont entre la matière et l’esprit, emblème des morts et des renaissances par ses changements saisonniers, l’arbre est aussi celui qui, de ses branches et de ses feuilles, protège du soleil et de la pluie, qui prodigue ses fruits et offre son bois au charpentier et à la cheminée.
J’ai un souvenir particulier qui m’est cher, celui de l’arbol de vida - l’arbre de vie - mexicain. Cette création artistique peut être discrète ou monumentale. Je me souviens de celui du jardin public de Toluca et de celui, encore plus impressionnant, qui accueillait les visiteurs à l’entrée du musée anthropologique national de Mexico. Les ramures de ce dernier foisonnaient de personnages qui parlaient de nos origines, d’Adam et Eve, des aventures de leur descendance, de leurs relations avec le Dieu créateur. L’arbol de vida m’a fasciné au point que j’en ai rapporté un. Beaucoup plus modeste, évidemment, car il lui fallait trouver sa place dans mon sac-à-dos. Je le contemple encore chaque jour avec une sorte de tendresse. J’ai longtemps rêvé de lui donner un grand frère, mais le travail des mains est un des nombreux dons que je n’ai pas vraiment.
L’arbol de vida mexicain raconte une histoire, tout comme celui qu’utilise Dina Scherrer dans le livre qu’elle lui consacre, qui vient de sortir chez Dunod (1). L’arbre de vie de Dina est un des supports de réflexion inspirés par les Approches narratives du regretté Michael White (1948-2008). Selon celui-ci, qui travailla sur la misère des Aborigènes, nous sommes propulsés ou au contraire ralentis, voire stérilisés, par les histoires que nous nous racontons sur nous-mêmes. Il arrive donc que ces histoires ne nous aident pas à trouver une place dans la société, à nous accomplir, à être heureux. C’est que les matériaux de ces récits sont parfois le reflet des préjugés négatifs que d’autres ont eus un jour sur nous et que nous avons intériorisés.
Nous vivons une époque d’exhibition de soi. Les milliards de « selfies » que véhiculent les réseaux sociaux en sont une des démonstrations. Mais la mise en scène de chacun par lui-même pourrait cacher une misère: celle d’une société dont le regard, me semble-t-il, est de plus en plus froid et sévère. Il semblerait par exemple que la « pauvrophobie » - pardonnez le néologisme - refasse son apparition, et qu’après avoir été empathiques, les Français, peut-être par sentiment d’impuissance, ou à se sentir eux-mêmes peu respectés, finissent par trouver encombrants les misères trop voyantes, les gens pas assez « performants » et les vilains petits canards. Alors, du mépris qu’exsude le regard de l’autre au mépris de soi-même, on le sait, le pas peut être vite franchi. S’il y a une misère particulièrement partagée dans nos sociétés, c’est peut-être celle-là.
De ce point de vue, l’arbre de vie tel que l’utilise Dina Scherrer, mérite bien son nom. Il est salvateur. Grâce aux métaphores dont on va revêtir le sol, les diverses parties de l’arbre et le ciel, il s’agit de rassembler nos forces, de nous libérer de nos récits malsains pour nous ré-approprier notre récit personnel, le potentiel dont nous avons été coupés. « Tout le monde aurait donc un potentiel personnel, même les riens ? » pourrait persifler un sceptique, avec cet accent de sarcasme que l’on connaît depuis des siècles. « Oui » répond Dina, l’habituée des collèges de banlieue, avec la sérénité d’une foi paisible que rien n’entamera. « Oui, tout le monde a un potentiel ». Cela fait du bien à entendre.
(1) Dina Scherrer, Accompagner avec l’Arbre de Vie, Dunod, 2018. Préface de Pierre Blanc-Sahnoun à qui j'ai emprunté le titre de cet article.
16:46 | Lien permanent | Commentaires (1)
10/05/2018
Connaissez-vous Andreu Solé ?
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi l’avenir a surpris de si nombreuses organisations qu’elles en sont mortes de langueur quand ce n'est pas sur le coup ?
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ce n’est jamais le fabricant de bougies qui invente l’ampoule à incandescence ?
Pourquoi on parle sans cesse de changement tout en faisant seulement toujours plus de la même chose ? Pourquoi les entreprises installées ne sortent jamais un produit ou un service vraiment différent ? Pourquoi toutes les solutions inventées pour résoudre un problème ne sont que pauvres variations sur un même thème ? Pourquoi vos exercices de prospective sont passés à côté d’un iceberg ? Pourquoi les nouveaux entrants finissent par bouleverser les références de tout le monde ? Pourquoi, pour être clair, les « réunions stratégiques » produisent de l’eau de boudin malgré l’épaisseur – et le coût - des études censées les alimenter ?
Lisez Créateurs de Mondes d’Andreu Solé.
J’ai eu la grande chance de faire intervenir Andreu (prononcer Andréou) dans mes séminaires. Je ne me lasse pas de l’écouter. C’est, à mon sens, pour nous gens d'entreprise, une des réflexions les plus puissantes de notre époque. Le stratège qui ne s’est pas frotté à elle ne mesure ni l’étroitesse de sa prison ni l’étendue de ses potentialités.
Que nous dit Andreu Solé ? Que, lorsqu’un groupe se réunit pour aborder une question « stratégique », une décision fondamentale a déjà été prise dans tous les esprits, un consensus tacite est établi qui multiplie les sens interdits et les sens giratoires. D’entrée de jeu, les dés sont pipés. Ce consensus interdit d’atteindre ce qui devrait être exploré.
Quel est-il ? Celui du monde dans lequel on est. Si vous fabriquez des fours à micro-ondes, vous resterez dans le monde du four à micro-ondes et, si vous êtes banquier, dans celui du banquier. Je veux dire que vous regarderez la réalité depuis votre monde, à travers lui. Comme un poisson rouge le fait de son bocal. Et, vous n’allez pas le nier, le bocal est transparent, n’est-ce pas ?
Plus grave: vous parviendrez même à faire entrer vos interlocuteurs – clients, prospects, collaborateurs, journalistes, fournisseurs - dans ce bocal. D’où la pertinence de plus en plus relative des études de marché : même le client n’imagine pas l’offre qui, demain, va transformer ses habitudes.
Une caractéristique fondamentale, structurante, de n'importe quel monde, qu’il s’agisse des Aztèques ou du four à micro-ondes, c’est ce qu’on y considère comme possible et impossible. Conséquence logique, ce qui n’est pas dans la continuité de notre monde ne peut se trouver qu'ailleurs. Dans des mondes où ce qui est impossible pour nous est possible pour d’autres et vice versa. Des mondes qui, de ce fait, nous restent invisibles jusqu'au jour où ils entrent dans le nôtre en le faisant voler en éclats. Vous voyez les implications de ce constat lorsqu’il s’agit de faire de la prospective ?
23:10 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : prospective, innovation, stratégie, management, intelligence collective