10/01/2010
Eloge de la métamorphose
selon Edgar Morin.
Un extrait:
"Tout en fait a recommencé, mais sans qu'on le sache. Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d'initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de vie.
Ces initiatives ne se connaissent pas les unes les autres, nulle administration ne les dénombre, nul parti n'en prend connaissance. Mais elles sont le vivier du futur. Il s'agit de les reconnaître, de les recenser, de les collationner, de les répertorier, et de les conjuguer en une pluralité de chemins réformateurs. Ce sont ces voies multiples qui pourront, en se développant conjointement, se conjuguer pour former la voie nouvelle, laquelle nous mènerait vers l'encore invisible et inconcevable métamorphose. Pour élaborer les voies qui se rejoindront dans la Voie, il nous faut nous dégager d'alternatives bornées, auxquelles nous contraint le monde de connaissance et de pensée hégémoniques. Ainsi il faut à la fois mondialiser et démondialiser, croître et décroître, développer et envelopper."
Le texte intégral:
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/01/09/eloge-d...
12:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : mondialisation, économie, crise, société
Variations niortaises
Ayant hier une heure et demie à battre la semelle à la gare de Niort en attendant le train pour Paris, j'ai butiné dans les rayons du Relais local où j'ai finalement jeté mon dévolu sur le dernier numéro de Classica qu'accompagnait un coffret de trois cd de Jean-Sébastien Bach (les Variations Goldberg, la Passion selon saint Matthieu et trois des Concertos brandebourgeois).
D'abord, je voudrais dire qu'il y a quelque chose de réconfortant à voir que l'humanité a d'autres préoccupations que la création de flux financiers spéculatifs. Même si l'art n'est pas étranger au domaine marchand, l'expérience de l'art comme celle de l'amour nous révèle un autre ordre de la vie. Certes, le Cantor semble avoir été près de ses sous et les artistes, les organisateurs de concerts et d'expositions ne sont pas de purs esprits et ils n'ont pas envie de boire le bouillon. La célébration de l'art peut même être le prétexte au déchaînement de quelques sombres passions, de conflits d'égos redoutables. Mais enfin, donner et goûter une sublime interprétation de l'Aria, c'est autre chose que produire et consommer de la junk food, des vaccins inutiles et douteux, des émissions débiles ou des discours politiques de Polichinelle. Vous me direz qu'on ne saurait vivre seulement de musique, de peinture ou de danse, et vous aurez raison. Cela dit, la contemplation artistique est peut-être le plus écologique de nos loisirs et celui aussi qui nous invite le mieux à nous mettre en relation avec nous-mêmes.
Il y a plus. Notre société a vécu et vit peut-être encore sur cette idée - ce paradigme - que l'Histoire, malgré les détours, les essais et les erreurs qu'on lui connaît, est sur la trajectoire du mieux en mieux. C'est ce qu'on a appelé le progrès - un mot et une croyance qui se font rares dans les discours actuels, vous l'aurez noté. Or, le progrès est une notion étrangère à l'art. Mozart est-il au dessus de Bach ? La peinture de Monet marque-t-elle une avancée par rapport à celle de Lascaux ? L'éditorialiste de Classica rappelle ce qu'écrivait Kundera dans Les Testaments trahis : que l'Histoire ne va pas toujours vers « le plus riche, le plus complexe, le plus subtil, le plus cultivé ». « Le nouveau (l'unique, l'inimitable, le jamais-dit) ne prend pas forcément le même chemin que l'idéologie du progrès ».
Il est vrai que ce que nous avons fait de notre vie au cours de ces dernières années ressemble singulièrement à un tableau d'Andy Warhol. L'industrialisation du monde a refoulé et réduit la diversité sous toutes ses formes. Dans nos campagnes, on ne la trouve plus guère que dans les herbes folles réfugiées ici et là au bord des fossés, dans les pierres, là où nos engins abandonnent le terrain. Il faut lire Gilles Clément : les écosystèmes comptent de moins en moins de vivants, les interactions y sont de plus en plus pauvres, la complexité de moins en moins élevée. Et il en est de même pour les langues, les cultures, les façons de s'habiller, de se nourrir, de s'amuser. A l'inverse, les normes ont proliféré qui réduisent les potentialités à la vision des « normeurs ». Or, regardez bien à qui elles profitent, ces normes, regardez ce qu'in fine elles engendrent: le gigantisme et l'uniformité.
Pas étonnant que l'âme contemporaine soit malade d'asphyxie. L'art nous fait prendre conscience qu'il y a une autre forme de richesse que l'accumulation sidérale de choses semblables. Cette autre forme de richesse c'est la production de diversité. Peut-être s'agit-il alors moins de nier la notion de progrès que de lui dessiner un autre axe...
11:52 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : biodiversité, art, langues, cultures, progrès, mondialisation
04/01/2010
Hybris
Un exemple d'hybris - d'ivresse de la démesure - cette dérive psychique qui, selon les Grecs de l'Antiquité précédait les grands naufrages. Certes, elle est belle cette tour. On peut en admirer l'élan, les formes, la prouesse technique. Mais sera-t-elle jamais habitée ? Plantée comme une provocation au milieu d'un désert stérile, anti-écologique au possible, sera-t-elle un jour autre chose que le témoignage de la folie contemporaine, le symbole de nos errements et de nos artifices ?
http://www.liberation.fr/monde/1101727-burj-dubai-la-plus...
14:00 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dubaï, démesure