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01/10/2010

Lucidité

 

Sans commentaire:

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15/08/2010

Xénophobie

Je reprends mes chroniques non par le sujet qui m'inspire le plus mais par l'information qui m'a particulièrement blessé : l'ONU constate une montée de xénophobie dans notre pays. Je n'ai pas regardé sur quoi se fonde ce constat, mais je sens bien comment en ce moment nous pouvons donner cette image de nous-mêmes et je n'en suis pas fier. La France que j'aime n'a pas ce visage. Tout peuple a ses mauvais démons et nous avons les nôtres. L'Histoire en témoigne.  Cela commence souvent par la bêtise, mais la bêtise dans ce cas-là mène à l'horreur et à l'ignominie. Il faut donc s'efforcer de ne pas être bête et de comprendre nos démons avant qu'ils nous possèdent.

D'abord, si tout peuple a ses mauvais démons, c'est que chacun d'entre nous a les siens. J'ai les miens. Je sais que, parfois, quand je me retrouve à voisiner, dans quelque train de banlieue tardif, avec certaines bandes, je peux ressentir de la crainte. Cette crainte, à l'intérieur de moi, me fait honte, elle trahit mon sentiment de faiblesse fasse aux « autres » : s'ils devaient m'agresser, si nous devions en venir aux mains, « ils » auraient le dessus. Evidemment, mon sentiment de faiblesse tourne en humiliation, puis en colère, qui est la force des faibles. Un pas de plus et cette colère glisse à l'amalgame, elle embrasse indistinctement toute une communauté : « Tous les mêmes ! » Un pas encore, rien qu'un, et c'est un conflit identitaire : « Qu'est-ce qu'ils f... chez moi ? » La haine est là.

Peuples ou individus, notre grande affaire, en permanence, est notre identité. Tous, nous nous aimons dans une identité forte et sûre d'elle. Les enfants jouent à Superman, les adultes se la jouent. Tous, nous nous détestons dans la faiblesse et, quand nous en faisons l'expérience, ne rêvons que de revanche. « Qu'est-ce que j'aimerais leur montrer qui est le plus fort ! » De ce point de vue-là, le débat sur « l'identité nationale » est significatif. Quand nous posons-nous des questions touchant à l'identité ? Quand nous nous sentons menacés. Quand, en pensant à ce que nous sommes, à  qui nous sommes, nous ressentons un mal-être. Le premier problème, c'est que le révélateur de ce mal-être, c'est la présence « de l'autre », ce qui le prédispose à en être pris pour la cause et à devenir notre bouc émissaire. Le deuxième problème, c'est que le réflexe animal pour retrouver un sentiment d'identité positif, c'est d'enfoncer l'autre.

Osons regarder à l'intérieur de nous. Regardons les mauvais démons qu'on essaye d'y exciter. Ne nous laissons pas prendre à la rationalité des discours sur l'identité nationale, la sécurité, les symboles religieux et je ne sais quelle menace extérieure de n'être plus nous-mêmes. La rationalité est une salope qui a couché dans tous les lits, donné raison à tous ses amants et accouché de pas mal de monstres. Dans l'expérience de Milgram, le tortionnaire reproche à la victime de devoir poursuivre la torture ! Si nous voulons vraiment avancer, osons regarder, telles qu'elles sont, nos peurs et nos humiliations. Comme beaucoup d'autres peuples, nous avons le sentiment d'un déclin. Notre histoire nous échappe. Depuis des années, inexorablement, le chômage s'accroît, le nombre de SDF dans les rues augmente, l'avenir n'est plus qu'une source de pessimisme. Les crises économiques et financières qui nous atteignent viennent d'ailleurs, comme des envahisseurs que nous ne savons pas contenir aux frontières. Et, en plus, nous avons l'impression que nos politiques nous roulent dans la farine. Le sentiment d'impuissance est terrible. Voilà quels sont nos vrais maux, sans parler du rôle et de l'image de la France a l'extérieur.  Mais, faute de pouvoir s'attaquer à des causes trop lointaines, on se rabat sur ce qu'on a sous la main : on se fabrique des épouvantails qu'on va pouvoir canarder. Politique du leurre, politique de franchouillards.

Tout peuple a ses mauvais démons. Le rôle d'un gouvernement, au sein d'une démocratie, devrait être de les exorciser, non de les exploiter.

Ce n'est pas en cultivant la colère et la haine qu'on en aura moins.

Ce n'est pas en oubliant, dans nos émotions et nos actes, notre devise républicaine que nous soignerons notre identité.

 

25/03/2010

Sous influence

 

Il est nécessaire mais parfois effrayant d'examiner combien notre pensée, que nous croyons naturellement libre et spontanée, peut être à notre insu le résultat d'un conditionnement ou d'une manipulation sans même que nous soyons sous l'empire d'une drogue ou d'une suggestion hypnotique. Certes, la présence et les effets de notre inconscient, qu'il soit personnel ou collectif, y sont déjà pour beaucoup. Les psychanalystes se demandent à bon droit dans quelle mesure l'homme est « maître en sa demeure ». Lacan disait d'ailleurs, pour souligner à quel point cette structure de notre psyché se dérobe à nous, que l'inconscient n'est pas « l'en-dedans » mais « l'en-dehors ».  D'autres ont écrit qu'il était le « temps de la répétition » nonobstant tous les efforts de la raison pour libérer Pinocchio de ses ficelles.

Une influence vient du dehors conspirer subtilement avec notre inconscient contre la liberté de notre pensée : le comportement de nos semblables. La neurologie a trouvé  récemment dans nos cerveaux des « neurones miroir » qui nous prédisposent à l'empathie et à l'imitation. Les observateurs de l'humain cependant n'avaient pas attendu l'IRM. La contagion du bâillement, du rire ou des larmes a été depuis longtemps remarquée. Aristote note que l'homme diffère des animaux en ce qu'il est plus apte à l'imitation. René Girard a mis en lumière le « désir mimétique », qu'exploite largement la publicité. Le film de Peter Weir, Le cercle des poètes disparus, donne un exemple trivial de cette contagion. On y voit comment, assez rapidement, un groupe d'étudiants peut se mettre à marcher en cadence. Le philosophe Alain est souvent revenu, dans ses Propos, sur  la relation qu'il peut y avoir entre la posture du corps et le fonctionnement de notre esprit. Il est évident que notre pensée peut adopter le pas de l'oie. Est-ce alors vraiment penser ?

Dans la même veine, quelques expériences facilement reproductibles laissent songeurs. Dan Ariely demande par exemple aux membres d'un groupe que chacun note en haut de sa feuille de papier les deux derniers chiffres de son numéro de sécurité sociale. Puis il les invite à évaluer un phénomène sur lequel ils n'ont pas d'informations précises : le nombre de variétés de papillon ou celui des amants de Catherine II de Russie. Ceux qui attribuent l'évaluation la plus élevée sont ceux qui ont aussi les deux derniers chiffres de sécurité sociale les plus élevés...

Vous connaissez peut-être l'histoire du marteau rouge. Prenez une personne et proposez-lui de faire une expérience de calcul mental très simple. Pendant une ou deux minutes, envoyez-lui oralement des 1 et des 2 à additionner et à soustraire de tête. Terminez par une série de « + 1 » que vous accompagnez en cadence de l'index. Arrêtez subitement et demandez tout soudain : « Un outil ? ». Dans la grande majorité des cas, la réponse sera : « Un marteau ! » Reprenez aussitôt : « Une couleur ? » Réponse : « Rouge ! ». Succès assuré. Ceux, minoritaires, qui ne répondent pas « marteau rouge » vous proposent un tournevis bleu. Sans rire.

Une vidéo dont je vous mets le lien un peu plus bas nous parle de l'adoption de la cigarette par les femmes américaines. Un neveu de Freud dont le nom est à peu près inconnu aujourd'hui, Edward Bernays, a compris le parti qu'il pouvait tirer des découvertes de son oncle. Génial dans son registre, il a conçu sciemment la première campagne publicitaire s'adressant à l'inconscient dans son langage. Il s'agissait d'accroître les ventes de cigarettes. Ce fut un succès prodigieux dont on peut encore constater les effets aujourd'hui. (Il est d'ailleurs loisible de se demander si, derrière les passions excessives déclenchées par l'affaire des minarets, il n'y a pas un ressort du même genre, que la psychanalyse pourrait résumer par « ôtez ce phallus de ma couche ! ») Bernays a inventé la manipulation des masses par l'inconscient et, depuis lors, cet usage n'a fait que croître et embellir en investissant très vite évidemment ce que l'on appelle le « marketing politique ». Mais cela est une autre histoire dont je vous ferai grâce aujourd'hui.

Platon citait en exemple Socrate qui, lors d'une déroute de l'armée athénienne, ne cédait pas à la panique et quittait, certes, le champ de bataille, mais d'un pas si résolu que l'ennemi n'osait pas l'approcher. Tel est le vrai pas d'une pensée qui se pense.

http://www.dailymotion.com/video/x9kc2g_la-manipulation-d...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Bernays

 

PS : Merci à mon bon ami toulousain Alain Miquel, cinéaste de son état, pour la vidéo sur Bernays.