24/05/2014
Oui, aujourd'hui, je vote !
Le résultat des Elections européennes peut paraître un sujet dérisoire à beaucoup d’entre nous. D’abord, qui se passionnerait pour un match dont on connaît déjà les résultats ? La balle ne peut guère échoir en d’autres mains que celles des trois ou quatre hypermarchés de la politique en qui nous avons du mal à avoir confiance. Les autres mouvements, tout petits, n’ont aucune chance d’être sur le podium ou seront si peu représentés que leur influence sera nulle et qu'on n'a même pas envie de voter pour eux, quels que soient leurs mérites et les affinités que nous pouvons ressentir avec tel ou tel. En outre, dès que nous essayons de mieux connaître ces mouvements sur lesquels les médias ne braquent leurs projecteurs que pour les ridiculiser, nous nous perdons en conjectures. Ont-ils les compétences nécessaires ? Sommes-nous d’accord avec tous les points de leur programme ? Du coup, il nous reste deux manières de manifester notre indécision, notre désarroi ou notre ras-le-bol - deux tentations faciles à vrai dire - voter blanc ou ne pas voter.
A mon sens, c’est prendre les choses par le mauvais bout. Il faut savoir hiérarchiser les critères. Le premier, selon moi et même le déterminant, est la capacité qui peut être ou non la nôtre dans les années à venir d'organiser notre vie comme nous l'entendons. Nous sommes dans une période cruciale où, pour des raisons tant écologiques que sociales, il est urgent de re-fonder la société et l'économie. Sur cette re-fondation, on peut avoir des idées très différentes et s’empoigner déjà le chignon, mais c’est oublier une chose: quel que soit le modèle qu'on veuille - à moins que ce soit celui qu'on nous impose actuellement - il y a un point de passage obligé: reprendre la main sur ce qui se passe chez nous. C'est là que l'existence d'une dimension nationale, loin d'être désuète, redevient cruciale.
Face aux puissances qui sont en jeu, complexes industriels et financiers, multinationales affamées de marges et de chiffres d’affaire, le cadre national, pour peu qu’il résiste, est le seul où les individus peuvent encore être protégés tout en disposant de leur liberté. Ces puissances l’ont bien compris qui, depuis des années, conduisent un travail de sape contre toutes les formes de protection mises en place par les Etats. Qu’il suffise d’évoquer quatre des volets de leurs stratégie. D’abord, il y a la diffusion de leur idéologie - le nouvel opium du peuple - à travers les économistes du 20 heures, l’enseignement dispensé dans les business schools et les séminaires que le Département d’Etat américain a l’intelligence d’offrir aux jeunes politiques ambitieux du monde entier. Ensuite, il y a l’usure progressive des législations nationales - y compris celle des Etats-unis (1) - via des courroies de transmission dont, en ce qui nous concerne, l’Union européenne est une des plus efficaces. Ajoutez à cela le développement d’une spéculation sauvage et qui s’étend à tout, même aux denrées alimentaires, avec en prime la mise en concurrence la plus déséquilibrée possible entre les marchés du travail nationaux. Enfin, aubaine extraordinaire, la crise bancaire qui a permis au système financier de prendre à la gorge ses propres sauveurs.
Alors, cela sert-il à quelque chose de voter dimanche si je n'ai aucun espoir que les gens qui me conviennent soient suffisamment nombreux sur les bancs de l'Assemblée européenne ?
Oui ! Si je n’en étais pas persuadé, je n’aurais pas fait aujourd’hui près de 500 km en TGV. Mais pour mettre quoi dans l’urne ? Vous l’avez compris, je n’irai pas soutenir les hypermarchés de la politique, les lessiviers qui, sous différentes marques, par conviction, compromission ou impuissance, laisseront la force des choses façonner notre avenir. On les a vus à l’oeuvre, cessons de leur apporter sur un coussin brodé les clés de la maison! Je voterai, et d’abord, parce que ne pas voter ou voter blanc, c’est nourrir des interprétations post-électorales qui nous échapperont totalement. Chacun tirera la couverture à soi et vous serez dépossédés de la signification de votre acte. Mettre un nom dans l’enveloppe, c’est au moins dire quelque chose de plus explicite.
Je voterai pour un de ces compétiteurs modestes que les médias tiennent sous le boisseau, parce qu’à défaut d’une victoire dans l’immédiat, je veux me placer dans une perspective à long terme. A court terme, si vous êtes dans mon état d’esprit, vous savez que, pour miser sur le cheval gagnant du tiercé de dimanche soir, il vous faut vous renoncer. Je m’y refuse. Mais, à long terme, vous pouvez accroître la visibilité de ceux qui échappent à la pensée unique et leur donner une chance de faire entendre leurs idées, d'attirer vers ces idées d'autres hérauts, de peser peu à peu davantage sur l’opinion publique et sur de prochaines élections. En tout état de cause, je ne voterai pas pour ceux dont le fonds de commerce est fait des haines qu’ils exploitent à l’envie. Je voterai pour des hommes et des femmes pacifiques qui ont inscrit à leur programme une restauration telle de notre souveraineté nationale que - pour faire court - nous puissions rester libres d’organiser notre société comme nous l’entendons et d’y semer, cultiver et manger ce que nous voulons.
Je préfère l'espoir d'un gain à la certitude d'une perte.
(1) Cf. le « Monsanto Act ».
18:26 | Lien permanent | Commentaires (2)
20/05/2014
Histoire non-électorale farfelue du Président Bio
- Papy, Papy, raconte-moi l’histoire du Président Bio !
- Ah! un sacré bonhomme, mon gars, tu peux me croire! Son premier discours politique, qu’on a appelé l’Appel du 29 février…
- Pourquoi l’a-t-on appelé ainsi ?
- Ben, parce qu’il l’a prononcé un 29 février…
- C’est tout ? Alors ?
- Eh! bien, son Appel n’avait rien d’un discours politique. L’homme était un scientifique et il nous a fait un cours de biologie cellulaire…
- C’est qui, Lulaire ?
- Tu me l’as déjà faite, Léandre !
- C’est pas une raison pour ne pas rire!
- Ah! Ah!
- Bon, c’est mieux que rien. Alors ?
- Eh! bien, il nous a d’abord expliqué que l’étoffe de la vie est la complexité. C’est-à-dire que, lorsque tu suis l’évolution qui va des minéraux jusqu’aux organismes vivants et à l’homme, tu trouves des systèmes composés d’une combinaison croissante de molécules puis de cellules différentes.
- C’est un peu compliqué cette histoire de complexité…
- Compare l’eau au corps du poisson - ou d’un être humain!
- Mouais… L’eau, c’est toujours de l’eau, tandis que dans notre corps il y a de l’eau, mais aussi les cheveux, la peau, les yeux, le foie, etc. Alors ?
- Il nous a donc dit que nous étions faits d’une grande diversité de cellules et que, si elles ont des besoins communs - par exemple d’eau et d’oxygène - elles ont aussi des besoins propres à leurs diverses fonctions.
- Comme des véhicules qui utilisent des carburants différents ?
- C'est cela. J’en viens à l’essentiel: pour préserver son équilibre intérieur, chaque cellule est entourée d’une membrane qui laisse entrer certaines choses et pas d’autres. Tout cela contribuant à conserver à la cellule ses singularités. Il a d’ailleurs parlé d’une « identité » cellulaire. Il nous a expliqué que si l’on dissolvait les membranes des cellules qui composent notre corps, leurs contenus s’épancheraient, se mélangeraient, et nous mourrions.
- Et c’est comme cela qu’il est devenu président ?
- Parce que son discours nous a permis de décoder scientifiquement le mal dont nous souffrions! Nous étions des cellules dont on dissolvait la membrane!
- Mais pourquoi on vous faisait cela ?
- Si la membrane est ce qui permet à la cellule de se conserver, on peut dire qu’elle lui donne une sorte d’autonomie.
- Pourquoi ?
- Parce que tu maîtrises quelque chose qui te concerne. Tu contrôles ce qui entre et sort. Et cela, ça faisait problème, surtout si l’on considère que les cellules dont je te parle, c'étaient les êtres humains eux-mêmes mais mais aussi leurs pays.
- Des méga-cellules alors!
- Oui, mais qui fonctionnent à l’image des toute petites. Et - qu'il s'agisse des individus ou des pays - le contrôle ne s'exerçait pas seulement sur des choses matérielles mais aussi sur les idées et les émotions.
- Et pourquoi cela faisait problème ?
- Il y avait ceux qui pensaient que cette autonomie pouvait dériver vers de la belliquosité et qui rêvaient d’une planète sans frontières.
- La frontière, c’est la membrane ?
- Oui. Et elle filtre les marchandises et les gens, mais aussi les règles qui vont organiser la vie. On peut être des pays voisins et ne pas vouloir vivre à l’identique, ou avoir un mode de vie qui ne correspond pas à la même organisation économique. Cela n'empêche pas d'être amis.
- Et la.. bellimachin ?
- Le goût de la guerre. Et il y avait aussi d’autres organismes, parfois plus puissants et plus riches que les pays et qui auraient bien voulu aussi supprimer les frontières.
- Des bons et des méchants, alors, qui veulent la même chose ? C’est zarbi…
- Je dirais plutôt des naïfs et des rapaces. La question de fond, c’est le territoire: qui a le droit de l’exploiter et de décider comment on y vit, ce qu’on y mange, ce qu’on y cultive et comment ? Ceux qui y vivent - ou ceux qui ont les moyens de l’acheter ou d’imposer leurs règles ? Et si j’ajoute que ceux qui ont ces moyens les ont acquis grâce à une escroquerie aux dépens des pays…
- Elle est de plus en plus embrouillée ton histoire… Et le président Bio ?
- J’y viens. Nous venions de nous voir imposer l’obligation d’autoriser la culture des OGM.
- Je sais ce que c’est les OGM! J’ai vu Ogemic Park, le film de Steenberg Spieler!
- Dans un sens, ce fut une bonne chose. C’est ce qui a fait exploser les frustrations et les colères qui s’accumulaient depuis 2005.
- Dis donc, ça remonte à loin! Qu’est-ce qui s’était passé en 2005 ?
- Le peuple avait voté contre un projet de Constitution européenne qui amorçait la dissolution de nos membranes et nos hommes politiques l’ont quand même signé.
- Ils vous ont fait ça et vous n’avez pas fait la révolution ? Je veux pas dire, Papy, mais…
- Tu n’as pas vécu cette époque, tu ne peux pas comprendre!
- Ne te fâche pas, ça m’étonnait, c’est tout!
- Quand on nous a imposé les OGM, nous nous sommes retrouvés 2 millions de manifestants à Berlin. Il s’en est fallu de peu que la tête de Von Rampouille se retrouve au bout d’une pique.
- Et le Président Bio ?
- C’est là qu’il a pris la parole et expliqué ce que je te disais: un pays qui ne conserve pas une membrane qu'il contrôle livre sa population aux puissances du dehors. Quand tu n’es plus maître des règles qui s’appliquent chez toi, tu n’as plus de chez toi, tu es chez les autres. Et, les autres, ils n’ont pas forcément les mêmes intérêts que toi. Peut-être que, pour eux, tu n’es qu’un moyen de s’enrichir. Un pays sans frontière, cela fait des hommes et des femmes sans défense, parce qu'un individu ne fait pas le poids face à de tels pouvoirs. Et, un jour, cela fait des humains sans identité, des consommateurs, rien que des consommateurs.
- Et c’est tout ?
- Les histoires qu’on se raconte font notre destin. Jusque là, la seule histoire qui se racontait, qui se posait comme la vérité, comme scientifique, c’était celle de l’économie. Au point qu’on attendait sans cesse la reprise de la croissance matérielle tout en sachant que cette croissance empoisonnait la planète. Au point qu’on voyait l’emploi disparaître mais qu’on réclamait davantage encore du processus qui entraînait cela.
- Je veux pas dire, mais… Ouais, enfin… Donc, le Président Bio, il vous a apporté une autre histoire, celle des petites cellules ? C’est tout ?
- Léandre, il a changé notre logiciel d’exploitation…
19:53 | Lien permanent | Commentaires (0)
19/05/2014
Culture de la confusion
J’ai souvenir - et vous aussi peut-être - de cette affiche de cinéma qui, à s’y méprendre, semblait annoncer un film sur la Passion du Christ. Il ne fait aucun doute pour moi que l’auteur a joué l’analogie. Mais de qui en vérité était le profil que l’on voyait en gros plan ? De Jacques Mesrine (1) dont je n’ai sans doute pas besoin de vous rappeler la crapuleuse biographie. Certes, Barrabas jouit plus facilement qu’un prophète de la faveur du vain peuple, mais comment justifier un amalgame aussi outrancier ? Dans cette confusion des genres, doit-on voir le reflet d’une crasse ignorance ou celui d’une perversion délibérée ? A moins qu’il ne s’agisse, une fois encore, que d’une cynique opération de marketing. Auquel cas, on ne peut éviter la question des effets à long terme sur nos structures mentales de ce brouillage des histoires et des valeurs, qui, aujourd’hui, est devenu quotidien et qui fait penser à la novlangue de George Orwell..
Voici un petit texte auquel, j’imagine, nous souscririons tous: « Laissez-moi vous parler d’une chose que j’ai apprise. Si vous vous apprêtez à vivre quelque chose sans amour, surtout ne le faites pas. Ne vous engagez pas dans une relation sans amour, car tôt ou tard vous réaliserez que c’était une perte de temps. N’exercez pas une profession sans passion: même l’argent ne suffira pas à combler votre frustration. Ne cuisinez pas sans amour, car même si la recette est respectée le résultat sera insipide. N’adoptez pas un animal sans lui donner de l’amour. N’échangez plus sans amour. Quoi que vous fassiez, vous n’arriverez à rien sans amour ». Mais quelle en est la finalité ? Une voiture à acheter. Je n’en dirai pas ici la marque pour ne pas faire le jeu de sa notoriété. On peut en conclure que l’amour est essentiel quand il est au service d'un produit industriel.
Ces dernières semaines, dans des registres différents mais avec le même biais qui veut nous faire prendre le bas pour le haut et le trivial pour le sublime, nous avons eu notre lot d’héroïsmes de carton-pâte, de générosités d’opérette et de révolutions avec ou sans culotte. Par exemple, nous avons eu des garçons qui ont porté la jupe à Nantes, un homme-femme à barbe au concours de l’Eurovision, une semaine post-porn à l’Institut d’études politiques de Paris, sans oublier le groupe Twin Twin - qui a peut-être fait Sciences Po - débarquant complètement nu sur un plateau de télévision.
Je n’ai rien contre les étudiants nantais qui, pour manifester leur opposition au sexisme, se sont vêtus d’une jupe. Au moins, la cause est bonne. Soit ils se sont offert une provocation de potache, soit ils ont sincèrement cru qu’ils feraient ainsi avancer la cause des femmes. Et peut-être ont-ils même pensé faire d’une pierre deux coups, pourquoi pas ? Pour moi, c’est une plaisanterie qui ne fait rien avancer tout en laissant croire - et c’est là ce que je lui reprocherai - qu’on a fait quelque chose. Une bonne conscience à bon compte, qui laisse les problèmes intacts. Quant à Coquillette Saucisse et au groupe Tous à poil, celui-ci perdant et celle-là gagnante du même concours de l’Eurovision, je ne vois qu’un jeu de provocation pour prendre ou reprendre des parts du marché médiatique. Tout ce petit monde-là ne fait que chevaucher la tendance « sexe et mascarade » qui a aujourd’hui le vent en poupe dans nos pays. Mais, afin de mieux embarquer les bonnes âmes de nos chaumières bobo, on travestit ces divers exhibitionnismes en actes de bravoure, de générosité ou de progrès.
Je suis autant que tout le monde ému et scandalisé par l’enlèvement des deux cents lycéennes du Nigéria et je me félicite que les Etats qui se sentent concernés se décident à prendre des mesures pour venir à leur secours. Pour autant, je suis perplexe devant le grand déluge de people arborant une pancarte « bring back our girls ». C’est de l’ordre de la jupe nantaise et de l’acte de générosité à bon compte, mais avec des effets pervers que les bonnes intentions n’ont pas envisagés. Du jour au lendemain, la secte de BH (sans L) est devenue le centre d’une attention mondiale. Je vois les ravisseurs s’esclaffer: grâce au narcissisme médiatique de l’Occident, leurs actions ont fait un bond inespéré à la bourse de la notoriété! Quel coup de marketing! Je suis prêt à parier qu’il a dépassé leurs attentes. Le bon coeur sans l’intelligence est une porte ouverte sur le monde de Gribouille. La sacro-sainte naïveté de notre élite médiatique n’aura fait qu’accroître le prix des otages. Mais, que voulez-vous, on aura vécu un grand phénomène de communion médiatique où le bon peuple se sera retrouvé en union fusionnelle avec Daniele Obama, Valérie Rottweiler et Julie Gayet. Le rêve! Que dis-je: la Parousie - un avant-goût du paradis!
Je suis tout aussi perplexe devant les injonctions coercitives auxquelles ces actes symboliques de générosité ou ces mises en scène pipolisées entr’ouvrent la porte. Surtout, ne manifestez pas le moindre désir d’un peu de recul ou de réflexion et évoquez encore moins un doute que vous pourriez avoir envie d’éclaircir! Douter est interdit, réfléchir un signe de traîtrise. De l’invitation sirupeuse, on glissera très vite à: « Si vous n’êtes pas avec nous, c’est que vous êtes une sombre brute ». Si, par exemple, vous trouvez ridicule cette histoire du jupe nantaise, c’est que vous êtes contre les femmes. Si vous ne vous sentez pas à l’aise avec l’idée de la gestation pour compte d’autrui ou le post-porn, vous êtes un être arriéré, un frustré et probablement un homophobe. On n’en finirait pas d’énumérer les chantages tyranniques de cette générosité qui ouvre les bras à tout et n’en finit pas de se répandre. Générosité facile car cantonnée à des déclarations. Facebook lui offre un écosystème particulièrement favorable avec ces « friends » qui vous envoient un texte ou une image accompagnés de ce commentaire : « Si tu es d’accord avec moi, affiche cela sur ton statut ». Serais-je d’accord que je refuse de m’exécuter.
40 000 expulsions brutales et des assassinats… Cela se passe en ce moment. Le coupable ? Une secte. Très riche de surcroît et qui a le bras long. Je gage que vous n’en avez pas entendu parler. Aussi horrible que scandaleux, n’est-ce pas ? Si je vous précise maintenant que la secte dont je parle est celle des footeux et que les cruautés dont il s’agit constituent les préparatifs du Brésil pour accueillir, le mois prochain, la grand messe qu’est le match d'ouverture de la vingtième Coupe du monde de football, qu’allez-vous me dire ? Ah! si ce n’est pas une secte religieuse, ce n’est pas pareil ! Là, il s’agit d’une communion planétaire autour d’une compétition pacifique puisque sportive. Que diable, on ne peut pas appliquer la même analyse (2) ! En effet. Quand BH enlève 200 lycéennes, grand raout. Mais quand la ville de Sao Paulo passe au karcher les quartiers des misérables, autre poids, autre mesure… Je vous livre mon opinion: ceux qui ont prévu d’être devant leur poste de télévision pour regarder ces matches sont d’ores et déjà les complices de cette sauvagerie, car c’est pour le temps de cerveau disponible qu’ils vont offrir aux annonceurs qu’on la perpètre.
Dans notre société du spectacle, quand on a signé une pétition, fait la danse des canards dans la rue ou « liké » un statut sur Facebook, on a un peu trop tendance à se prendre pour l’étudiant de la place Tian'anmen se dressant face à un char d’assaut. En outre, à nous laisser persuader de confondre Jésus et Barabas, un tas de ferraille et d’électronique et une histoire d’amour, des histrions de média avec des héros ou encore une mascarade avec un acte de bravoure, nous nous retrouvons sur une pente redoutable. Nous marchons sur les traces du personnage d’Orwell dont l’apprentissage de la novlangue se fait par la désorganisation des processus de l’esprit. Le résultat est la confusion mentale qui prive de toute capacité d’analyse, qui rend même futile le désir de démêler le faux du véritable, l’inutile du productif, la pacotille de la pierre précieuse. Et, en outre, à confondre les agitations symboliques avec l’intervention dans et sur le réel, on en oublie que l’agir est autre chose qu’une pantomime évanescente. Vous voulez, par exemple, marquer votre soutien aux femmes ? Prenez contact avec une association comme Le nid ou adhérez à un syndicat pour réclamer l’égalité salariale. Vous voulez marquer votre désapprobation quant au déplacement brutal des misérables de Sao Paulo ? Eteignez votre poste le jour du match. Vous pourrez être un héros. Un vrai. Mais dans la discrétion.
(1) Je veux dire évidemment: de l’acteur qui l’incarnait.
(2) http://leplus.nouvelobs.com/contribution/886977-expulsion...
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