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15/05/2010

L'écureuil et la grenouille

 

J'ai déjà utilisé la métaphore de la grenouille que l'on plonge dans une bassine d'eau tiède dont on élève la température si progressivement que le batracien ne s'en rend d'abord pas compte. La chaleur augmente et la grenouille s'adapte, jusqu'au moment où le bain devient inconfortable. Mais il est trop tard pour qu'elle puisse s'échapper de la lessiveuse : à dépenser son énergie à s'adapter, elle n'en a plus asez pour sauter.

 

Ces temps derniers, je pense que vous l'avez remarqué, la température s'est singulièrement élevée.

 

Nous avons eu un premier tsunami, financier, déclenché par l'affaire des subprimes. Souvenez-vous : ceux qui s'engraissent de spéculation sans créer la moindre richesse réelle avaient imaginé de prêter aux insolvables pour qu'ils achètent leur logement. Un substitut typiquement américain à l'absence de politique du logement social. Dans la tourmente qui s'en est suivi, quelques établissements financiers, parmi ceux que l'on jugeait alors éternels, ont disparu et les Etats - déjà bien endettés - ont dû mettre la main au portefeuille pour sauver les coupables qui avaient réussi à faire croire que leur intérêt était le nôtre. Je vous rappelle que le portefeuille des Etats, comme leurs dettes, sont les nôtres. En France, pour donner une ordre de grandeur, le service de la dette publique - le paiement des seuls intérêts - n'est même plus couvert par les recettes de l'impôt sur le revenu.

 

Cet épisode du feuilleton financier mondial à peine clos, on a vu le grand jeu recommencer de plus belle et les plus grosses primes de l'histoire pleuvoir dans la sébile des traders. Puis, comme il fallait bien trouver de nouveaux terrains de jeu, les mêmes spéculateurs, leurs clients et leurs vassaux se sont intéressés aux dettes des Etats. Résultat, la Grèce est à genoux et plusieurs pays d'Europe sont rudement ébranlés. On annonce des mesures d'austérité inimaginables il y a quelques mois. Là-dessus, la bourse remonte puis retombe : ceux que l'on appelle « les investisseurs » ont décidé que ce n'était pas assez pour les rassurer. César, debout au bord de l'arène, tend le bras, le pouce vers le sol.

 

Parmi les degrés qui ont récemment réchauffé notre bain, nous avions déjà eu un aperçu des mesures à prendre pour sauver nos régimes de retraite. Pour faire bonne mesure, on nous a dit aussi qu'il conviendrait d'augmenter substantiellement nos factures énergétiques. Dans un autre ordre, mais tout se tient, nous avons appris que les grands semenciers, spécialistes des OGM, essaient de faire passer des normes qui leur permettraient d'évacuer les agricultures traditionnelles et l'autonomie qu'elles représentent pour les peuples : soyez autonomes une fois que vous avez adopté des semences stériles ! Ce n'est qu'une étape de plus après une autre, celle du H1N1, déjà oubliée, qui nous avait montré une des manières efficaces des multinationales de prendre l'argent dans nos poches pour faire leur business.

 

Qu'il y ait des mesures à prendre pour assainir les dépenses publiques, c'est l'évidence. Mais qu'il n'y ait que cela à faire, non. Je dirais même que si on se contente de plier le genou devant le chantage de la spéculation, on va droit à l'abîme. Pour prendre une autre métaphore animalière, nous sommes comme des écureuils qui s'épuisent à faire tourner la cage dans laquelle ils se sont laissé enfermer. Courez, écureuils, courez : n'ayez crainte, votre énergie profite à certains !

 

Le salut sera au prix d'un changement de nos croyances économiques. Nous voilà dans la situation du fou à qui on donne une cuiller et une tasse en lui demandant de vider la baignoire. Il en conclut qu'il doit se servir de l'une ou de l'autre et, rationnellement, choisit la tasse qui est plus grande. Ce faisant, il se fait piéger et oublie la bonde, un moyen autrement efficace. Mais il est fou. Sommes-nous fous ?

 

Il faut, disais-je, changer de croyances économiques. C'est un fait d'histoire : toute croyance qui nous livre aux mains d'un maître est perverse et dangereuse. C'est ainsi que l'Eglise, malgré beaucoup de grandes figures profondément évangéliques, paye encore sa complicité avec des régimes d'oppression et d'injustice et d'avoir fait de la religion « l'opium du peuple » dénoncé par Marx. L'Etat doit renoncer aux idéologies qui nous enfument et redevenir le représentant de la communauté nationale, c'est-à-dire du sort des gens dont il tire la légitimité de son existence. Il doit jeter à la poubelle la vulgate d'une mondialisation sans règles et la dictature des « marchés » et de leurs grands prêtres. Il doit progressivement défaire ces boucles qui créent de la richesse pour les autres et, pour nous, de l'asservissement à des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Il faut, d'urgence, qu'il redonne à chacun des citoyens la possibilité de gagner sa vie tout en se sentant utile. Et tant pis si les donneurs de leçons de Wall street et d'ailleurs le brocardent ou l'injurient. De croyants stupides, nous devons devenir cyniques.

 

La question, c'est, comme pour la grenouille : aurons-nous encore assez d'intelligence et d'énergie pour nous sauver avant d'être cuits ? Ou, comme pour l'écureuil : combien de temps pouvons-nous encore courir avant de mourir d'épuisement ?

 

 

17/02/2010

Le coup de gueule de Xavier Dalloz

Xavier_Dalloz_2009_(14).JPGXavier Dalloz est un homme discret, insuffisamment connu du grand public. Prospectiviste des Nouvelles Technologies de la Communication, il tenait une des plumes qui ont rédigé en 1978, à la demande de Nora et Minc, le "Rapport sur l'informatisation de la société".  Aujourd'hui, à partir de votre Iphone ou de votre reader il vous dira quels sont les nouveaux modèles économiques qui sont en train de se déployer et qui vont faire et défaire des fortunes dans le proche avenir. C'est la « bataille de la poche ».

 

Xavier, tu disais ce matin qu'on a trouvé en France le moyen de "passer de la crise à la catastrophe". Tu citais à ce propos l'attitude des entreprises et des administrations française à l'égard du Consumer Electronic Show. D'abord, qu'est-ce que le CES ?

 

C'est un salon des nouveautés technologiques qui a lieu chaque année aux Etats-Unis depuis plus de quarante ans. La version 2010 a réuni 3000 exposants et attiré plus de 125 000 visiteurs, les uns et les autres venus du monde entier. On pouvait y découvrir quelque chose comme 20 000 nouveaux produits dont certains vont prendre une place importante dans notre vie quotidienne. Mais, surtout, on pouvait y discerner les nouveaux business models qui vont changer les rapports de force et les stratégies commerciales sur le monopoly économique et financier.

 

J'ai moi-même conduit là-bas une délégation d'une quarantaine d'entreprises françaises, mais force est de reconnaître que nos compatriotes y brillaient encore une fois par leur absence.

 

C'est donc cela, ton coup de gueule: l'absence ou la quasi-absence de nos compatriotes ?

 

C'est cela et c'est plus que cela. Mon coup de gueule, c'est surtout ce qui sert de prétexte à cette absence. Je commencerai par l'anecdotique, mais c'est significatif d'un certain état d'esprit - si on peut encore parler d'esprit à ce niveau-là.

 

Cette année, un cadre supérieur d'une grande entreprise française du secteur de l'énergie avait pris ses dispositions pour venir à ce salon. C'était inscrit dans son agenda et les réservations étaient faites. Seulement, voilà, le CES a la mauvaise habitude de se tenir à Las Vegas - parce que l'hébergement, celui de l'exposition comme celui des personnes y est bon marché. Rien que l'exposition couvre une surface équivalente à 40 terrains de football. Mais, en France, Las Vegas est l'équivalent de ce qu'était "la grande Babylone" pour les Hébreux de l'Ancien Testament. On ne sait pas voir plus loin que nos préjugés. On a donc "invité" cette personne à renoncer à ce voyage.

 

Et le moins anecdotique, c'est quoi ?

 

Le moins anecdotique, ce sont ces régions de France qui, à coup de négociations et de subventions, ont encouragé des PME-PMI à se rendre au CES pour la somme de 300 € comprenant - tiens-toi bien - l'avion, l'hébergement, les repas et l'entrée au salon...

 

Et alors ?

 

Elles n'ont pas enregistré la moindre inscription!

 

L'explication ?

 

"Vous n'y pensez pas ? Mais c'est la crise!" Ou alors: "On n'a pas le temps". Moi, je dis: c'est nous qui accélérons la crise, en nous repliant sur nous-mêmes. La crise se nourrit de notre frilosité, de l'affaiblissement de notre esprit d'entrepreneurs, de nos réflexes timorés. Et elle se nourrit aussi des décisions de quelques politiques peu au fait des véritables enjeux  liés au développement de ces technologies et de leurs applications.

 

Par exemple?

 

Par exemple, partout dans le monde et singulièrement dans les pays émergents, on mise sur les télécommunications sans fil. Il est plus rapide et moins coûteux de développer un réseau fait de relais qu'un réseau physique fait de câbles, etc. Or, que fait notre pays ? Il mise sur la fibre optique, une solution qui demandera d'investir des sommes colossales et qui, en attendant qu'elle se déploie suffisamment pour ne pas créer de disparités entre villes et campagnes, verra s'écouler une génération! Mais évidemment, à Las Vegas, on aurait vainement cherché un représentant de l'administration ou de la classe politique françaises...

 

Il faut miser sur la fibre optique ET le sans fil. On a besoin de l'autoroute, de la nationale, de la départementale, du chemin vicinal. Seule une approche globale est cohérente avec un modèle économique qui valorise les interactions d'abord entre des acteurs locaux. Il faut réinventer la place du village. Plus généralement, il faut réinventer tous les « appareils » que nous utilisons quotidiennement : la voiture, l'électroménager, la télévision, la radio... Il faut notamment développer les plates-formes de services indispensables à tous les produits qui seront de plus en plus naturellement connectés. La création de valeurs va résulter de notre capacité à comprendre les attentes latentes du citoyen/consommateur et optimiser l'efficacité de l'utilisation du capital humain, fixe et circulant.

 

La France ne doit pas se tromper de combat.

Propos recueillis par Thierry Groussin.

22/12/2009

Impossibles

Le génial Andreu Sole explique que ce qui caractérise le mieux le monde dans lequel on est, c'est ce qui y est admis possible ou impossible. Ci-dessous un lien vers le site des Echos, où une contribution recense nos "impossibles" d'avant la crise financière. La question que je vous propose, une fois que vous aurez lu cet article, c'est: "Qu'est-ce qu'aujourd'hui nous jugeons impossible ?" Et si, globalement, ce que nous jugeons impossible c'est un monde à la fois différent et meilleur ?

http://www.les-cercles.fr/economie/entreprises-marches/fi...